Le Chef de l’Etat togolais Faure Gnassingbé est annoncé chez Emmanuel Macron en Avril prochain. En prélude à cette visite, plusieurs organisations de la société civile se sont concertées pour saisir le le président Emmanuel Macron sur la violation des droits humains, l’impunité, la corruption, la restriction des espaces de liberté, le musèlement de la presse qui ont cours au Togo.

Lomé, le 15 Février 2021

À

Son Excellence Emmanuel MACRON, Président de la République Française,

Le Palais de L’Élysée, 55 Rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris,

Paris-FRANCE

Objet :Plaidoyer de la société civile togolaise.

Monsieur le Président,

Par la présente, les mouvements et associations de la société civile togolaise à savoir : Association de Lutte Contre l’Analphabétisme pour le Développement Social (ALCADES), Amis des Populations Vulnérables du Togo (APVT), Association des Victimes de la Torture au Togo (ASVITTO), Galaxie Citoyenne pour la Démocratie (GCD), Groupe des Leaders d’Opinion à la Base (GLOB), Flambeau Du Peuple (FDP), Ligue Togolaise des Droits de l’Homme (LTDH), Mouvement Conscience Mandela (MCM), Mouvement pour la Justice Sociale (MJS), Synergie des Élèves et Étudiants du Togo (SEET), Union des Jeunes pour le Développement à la Base (UJDEB-TOGO), tous régulièrement déclarés et enregistrés au Ministère de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et du Développement des Territoire, voudraient vous présenter, à vous-même et au peule de la France, leurs meilleurs vœux pour l’année 2021.

Au soir du 31 décembre de l’an 2020 alors finissant, en présentant vos vœux 2021 au peuple frère de la France, vous déclariez : « En 2021, quoi qu’il arrive, parce que nous nous y sommes préparés, nous saurons aussi relever les défis à venir :… – la lutte pour la République et pour nos valeurs, la laïcité, la fraternité, pour plus de sécurité… Restons ce peuple uni, solidaire, fier de son histoire, de ses valeurs, de sa culture, confiant dans l’avenir et le progrès, sûr de son talent et de son énergie et ambitieux pour lui-même. Quoi qu’il arrive ».

Ces valeurs de la République Française, qui trouvent leur naissance et leur fondement dans sa devise « Liberté, Égalité, Fraternité », des principes et valeurs nés de la Révolution de 1789 et qui ont fortement inspiré les autres peuples des autres parties du monde, sont des valeurs universelles que partagent les peuples de la planète entière, dont le peuple frère du Togo.

L’an 2020 a été une année de dure épreuve, avec la crise sanitaire qui a secoué tout le globe, mais nous restons convaincus, que par La Grâce du Créateur de l’Univers et par notre volonté et notre ferme engament, 2021 se passera de cette crise.

Nous, associations et mouvements de la société civile togolaise,venons saisir l’opportunité du dialogue diplomatique permanent entre vous et vos homologues africains dans le cadre de l’encrage des principes et valeurs d’État de droit et de démocratie, pour vous présentercertaines doléances, dont l’issue favorable pourra, à la fois, décrisper l’atmosphère socio-politique et donner une bonne bouffée d’oxygène à la jeune démocratie et l’État de droit au Togo.

Il s’agit essentiellement de cinq (05) points typiquement en matière des droits humains à savoir :

            1-La libération de Monsieur Kpatcha GNASSINGBE, demi-frère du Président togolais, ainsi que ses codétenus Abi ATTI et TchaaKokou DONTEMA, tous en détention depuis douze (12) ans, malgré leur état de santé délétère. Sur cette détention, la Cour de justice de l’espace communautaire CEDEAO, par un arrêt de 2013, a demandé la révision du procès les ayant condamnés, après l’avoir déclaré inéquitable, et le Groupe de travail de l’Organisation des Nations Unies (ONU) sur la détention arbitraire a, à son tour, demandé leur libération immédiate depuis 2014. Mais à ce jour, cet ancien député et ses codétenus sont toujours en prison. Nous voudrions vous prier d’aider le Chef de l’État togolais à pouvoir se réconcilier avec sa famille biologique pour donner l’exemple et l’amener également à respecter les décisions des institutions communautaires et internationales, notamment celles de l’ONU.

            2-Entre Décembre 2018 et Janvier 2020, plusieurs dizaines de Togolais ont été arrêtés au cours des manifestations publiques et dans une affaire dite « d’insurrection armée » et détenus au secret. Ces personnes subissent des actes de torture, ainsi que des traitements cruels, inhumains ou dégradants, et plusieurs parmi elles sont décédées en détention. En Novembre 2020, la justice togolaise a, par deux (02) décisions, ordonné des enquêtes sur les allégations de torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais aucune suite n’a été donnée. Sur cette question, les organisations signataires vous prient de bien vouloir demander formellement à votre homologue, le Président Faure Essozimna GNASSINGBE, de cesser de faire de la torture à la fois une mode et une méthode de gouvernance, d’ordonner la mise en liberté des personnes concernées et l’ouverture d’une enquête à l’effet de déterminer et de poursuivre les auteurs des actes de torture, de traitements cruels, inhumains ou dégradants, et d’indemniser les victimes.

            3-Depuis 2017, la liberté de réunion et de manifestation pacifique publique n’existe plus au Togo. Des réunions et rassemblements des partis politiques de l’opposition, des organisations syndicales et de la société civile, sont systématiquement réprimées dans le sang par les militaires. Certains premiers responsables et les militants de ces partis politiques sont enlevés, arrêtés, jetés en prison, puis remis en liberté sous contrôle judiciaire abusif et systématique. En Août 2019, la loi régissant les libertés de réunion et de manifestation pacifiques publiques a été unilatéralement modifiée par le pouvoir togolais qui s’est servi de sa majorité mécanique à l’Assemblée Nationale. Les Rapporteurs Spéciaux du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, à travers le mécanisme des procédures spéciales, ont constaté que cette modification restreint « considérablement la jouissance des droits à la liberté de réunion pacifique et d’association, et à la liberté d’expression », et ont, par voie de conséquence, demandé au gouvernement togolais « une nouvelle délibération de la loi ou de certains articles ». Là également, le gouvernement togolais a opposé un refus catégorique depuis lors.

            4-La liberté d’association est également menacée et mise à rude épreuve. Les responsables d’associations subissent des menaces au quotidien dans l’exercice de leur travail. Le 18 Juillet 2020, des éléments de la gendarmerie nationale togolaise ont empêché, sans aucun motif, la cérémonie de lancement officiel de l’Association « Mouvement Conscience Mandela », alors que celle-ci avait effectué toutes les formalités de déclaration préalable requises par les textes en vigueur au Togo. Entre Janvier et Février 2021, les autorités gouvernementales du Togo ont empêché la création d’un mouvement syndical, le « Syndicat des Enseignants du Togo » (SET), et les responsables dudit syndicat ont été arrêtés et violentés, dans leurs personnes comme dans leurs biens, par les forces de l’ordre et de sécurité. Le siège et la coordinatrice de la centrale syndicale la plus importante du pays (Synergie des Travailleurs du Togo – STT), n’ont pas été épargnés de ces violences policières. Des fonctionnaires reçoivent des lettres d’explications déguisées suivies de la mise à pied privative de toute rémunération. En somme, il n’y a que les associations qui font l’apologie du parti au pouvoir qui soient seules favorisées et libres d’exercice.

            5-Quant à la liberté de presse, l’institution chargée de sa protection qui est la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), est supplantée par le parti au pouvoir qui s’en sert pour museler et persécuter les médias et journalistes de la presse privée jugés trop fouineux et critiques envers le pouvoir. On assiste à de multiples interpellations et gardes-à- vues illégales et abusives des journalistes par le Service Central de Recherches et d’Investigations Criminelles (SCRIC), une unité de la gendarmerie nationale tristement connue pour l’usage systématique d’actes de torture et autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants ; des retraits à plusieurs médias de leurs récépissés de parution, des suspensions de parution ; toutes choses qui amènent les journalistes à l’autocensure.

En résumé, tous les Togolais restent très préoccupés par la politique développementaliste du « silence, on développe », pratiquée par le nouvel exécutif togolais, avec tout son cortège de violences et de violations massives et répétées des droits humains et des libertés fondamentales.

Monsieur le Président,

Comme nous l’avons signifié plus haut, le peuple français est connu et admiré pour son attachement aux valeurs démocratiques et aux principes d’État de droit qui se matérialisent par le respect de la dignité de l’être humain placé au cœur des divers plans stratégiques et entreprises de développement. Nous osons croire, quant à nous, que ces principes et valeurs qui demeurent inhérents à la dignité de l’homme, ne sont pas un luxe pour les seuls pays développés, et espérons donc que les Togolais trouveront, dans vos échanges bilatéraux, des ordonnances de ces impératifs universels que nous avons en partage, tels que le respect des règles démocratiques et de l’État de droit, des matériels d’équipement de nos centres de santé, des ambulances et des scanners pour nos hôpitaux, des avions médicalisés ; et non plus des armes et autres instruments de répression comme des menottes, des grenades lacrymogènes, des hélicoptères de guerres etc., destinés à assurer la sécurité de la seule personne du Chef de l’État.

C’est dans cette attente que nous vous prions de croire, Monsieur le Président, en l’assurance de notre haute considération.

M. Fousseni KPEKPASSI (APVT)

M. Daguerre K. AGBEMADOKPONOU (ALCADES)

M. Monzolouwè B. E. ATCHOLI KAO (ASVITTO)

M. Bassirou TRAORE (GCD)

M. Koffi DANTSEY (GLOB)

M. Poro EGBOHOU (FDP)

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