L’épidémie de Covid-19 n’est plus une menace pour l’Afrique, c’est maintenant une réalité car de plus en plus de pays du continent ont confirmé des cas. Mais loin des mesures prises, c’est beaucoup plus une « belle opportunité » de détournements massifs de fonds qui s’offre aux dirigeants africains.

La crise du coronavirus a tôt fait de révéler au monde entier le système sanitaire largement défaillant des pays africains, surtout en Afrique subsaharienne. Elle est le révélateur des limites de capacité des états, incapables de protéger leur population mais aptes à organiser des scrutins municipaux, législatifs et présidentiels à plusieurs milliards de francs CFA. Depuis le début de la pandémie, plusieurs chefs d’États africains qui ne prenaient la parole face à leurs concitoyens qu’une fois l’an, ont tous été subitement piqués par le virus des discours télévisés, souvent creux et sans mesures pragmatiques. Le Nigeria par exemple, première puissance économique d’Afrique, ne consacre qu’à peine plus de 4 % de son budget à la santé.

Corruption : « silence ça vole »

Derrière les grandes annonces de mobilisation de fonds, des achats de masques, gels hydroalcooliques et gants, se jouent de grosses luttes pour s’arracher les marchés juteux. Selon une note de plusieurs associations luttant contre la corruption en Afrique subsaharienne, plus de 400 milliards ont été déjà détournés en Afrique de l’Ouest et du centre. Les États incriminés passent commande pour la plupart auprès de fournisseurs amis, en gré à gré, au « nom du Covid-19 ».

« Ce sont des milliards sans contrôle », assène un haut responsable de la BCEAO qui a souhaité garder l’anonymat, avant de poursuivre : nous voyons de plus en plus de mouvements financiers douteux, entre les États membres, cela s’apparente clairement à des détournements et du blanchiment de capitaux. Comment expliquer que des revendeurs de produits GSM avec des revenus modestes, se retrouvent avec 4 ou 5 milliards sur un compte en banque dont le plafond depuis dix ans tournait autour de 350.000 CFA ? Très souvent ces montants proviennent de Trésors publics ». Fin de citation.

Plus loin encore, Alexandre Legendre, expert en stratégie Politique explique ces détournements massifs de milliards dans cette période de crise sanitaire, par les échéances qui approchent : « si vous observez bien la situation dans le pays où les détournements sont importants, soit il y a une élection majeure cette année ou soit l’an prochain. Le Covid-19 sonne comme du pain béni pour ces hommes politiques qui doivent mobiliser des ressources importantes pour faire campagne. On détourne, et dans le même temps on fait appel à l’aide internationale pour faire passer la pilule de la récession qui s’annonce. Le malheur ne frappe pas forcément tout le monde, ce sont les populations qui seront évidemment perdantes », insiste-t-il, visiblement désabusé par le contexte.

Toujours plus riches, toujours plus pauvres…

Le coronavirus n’épargne pas la classe dirigeante africaine, habituée aux hôpitaux d’Europe et des pays du Golfe, certes, mais il va contribuer à accentuer le clivage entre riches et pauvres. D’un côté les dirigeants qui profitent de la situation sanitaire pour détourner des fonds, communiquer sur des chiffres inexacts, et s’enrichir, et de l’autre, les populations abandonnées à elles-mêmes dans un contexte socio-économique critique. De source digne de foi, les achats de dizaines de millions de masques annoncés par les différents États à grands coups de communication ne sont en réalité que des vues de l’esprit. Dans un pays ouest-africain qui doit connaître une nouvelle élection présidentielle en 2021, si le gouvernement annonce avoir commandé plusieurs dizaines de millions de masques, la réalité abyssale est qu’elle n’en a en réalité commandé que 800 000.

L’Afrique et ses dirigeants ne consacrent que 1 % aux dépenses mondiales de santé. Avec deux médecins pour 10 000 habitants, les hôpitaux publics d’Afrique continuent d’être de véritables mouroirs et ne disposent en moyenne que de 1,8 lit pour 1 000 personnes. En République démocratique du Congo, il n’y a qu’une cinquantaine d’appareils d’assistance respiratoire pour plus de 80 millions d’habitants vivant sur un territoire aussi vaste que l’Europe occidentale. Et pourtant les entreprises de BTP, avec le soutien des dirigeants, facturent 1km de route à plus de 2 millions de dollars. Ubuesque !

Casimir Letissier

Source : LSI Africa

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