Le règne du pouvoir RPT/UNIR est rempli d’événements malheureux. Le régime a toujours broyé des citoyens, sans distinction d’âge, de sexe, d’origine ethnique ou de statut social. Et parmi ses victimes, se trouvent deux doux êtres : Anselme Sinandaré et Douti Sinanlengue.
 
anselme_douti


Le vendredi 15 avril 2016, cela faisait trois ans jour pour jour que la soldatesque au service du clan Gnassingbé enlevait la vie à Dapaong à ces deux élèves dont le tort était de manifester pour réclamer leur droit à l’éducation. Autant de temps après, les parents et l’opinion n’en savent pas plus sur les circonstances de ces décès et surtout l’identité des assassins qui, visiblement, sont bien protégés, au nom de l’impunité légendaire. Et cette affaire, on n’en parle même plus. Retour sur ce dossier en guise d’hommage à ces jeunes gens qui ne sont que des cadavres de plus dans le placard noir du régime Faure Gnassingbé.
 
Anselme Sinandare et Douti Sinanlengue lâchement assassinés !
 
15 avril 2013. Comme sur toute l’étendue du territoire national, les rues de la ville de Dapaong aussi grouillaient d’élèves sortis pour exiger du gouvernement la satisfaction des doléances des enseignants en grève depuis plusieurs jours et leur retour en classe. Anselme Sinandaré, 12 ans à l’époque et en classe de 6e, et Douti Sinanlengue, 21 ans, en Première, étaient aussi de la partie, convaincus de la légitimité de la lutte et que seule leur intervention pouvait faire bouger les lignes. Mais c’était sans savoir que c’était leur toute dernière manifestation dans le monde des vivants.
 
Le langage de la force étant le seul que connaisse le pouvoir, il envoya sa soldatesque aux trousses de ces jeunes élèves dans les rues. Et comme en face des manifestations de l’opposition politique, aucune limite n’était observée dans la répression. Les agents vont tirer à balles réelles, taper sur les élèves, les gazer proprement, poursuivre jusqu’à leur dernier retranchement les jeunes manifestants. Anselme Sinandare tombera sous les balles d’un des éléments. Quant à son grand-frère Sinanlengue, il sera appréhendé et frappé comme une bête par les corps habillés déchainés. Au regard de la violence subie, il s’en sortira avec des contusions, mais aussi des hémorragies et autres séquelles dans le corps. On tenta de lui sauver la vie, mais trois jours plus tard, il succomba à ses blessures.
 
Deux élèves assassinés pour avoir manifesté pour réclamer le retour de leurs enseignants en classe, il faut être au Togo pour le faire. Mission accomplie pour la soldatesque !!!
 
Tentative de dissimulation de la vérité
 
C’est un reflexe au Togo, la soldatesque qu’on envoie aux trousses des manifestants dans la rue, qui use de violence et entraine mort d’homme n’en est jamais responsable. Si ce ne sont pas les supérieurs hiérarchiques directs qui essaient de dédouaner les éléments fautifs, ce sont les premiers responsables de leurs corps ou le ministre de la Sécurité qui viennent sur les médias prendre leur défense. Tirs de sommation de gaz lacrymogène, tirs à balles en caoutchouc ou réelles tendus en l’air (ou à bout portant) qui atterrissent malheureusement parfois sur les ventres des manifestants…voilà autant d’arguments qui sont le plus souvent avancés. Ce cas n’a pas échappé à la règle.
 
Dans un premier temps, le pouvoir a tenté de brouiller les pistes. Mais devant l’évidence de la responsabilité de l’assassinat, il a fini par abdiquer pour le cas d’Anselme Sinandaré et reconnaître que c’est l’un des éléments qui était fautif. Mais dans le cas de Douti Sinanlengue, le régime avait fait beaucoup de résistance.
 
« (…) Pour le cas de Douti, je suis un peu embêté de la réaction de certaines personnes. Nous ne nions pas que l’enfant était parmi les manifestants. Il y a une dame qui était témoin et qui a récupéré l’enfant, après qu’il a couru. La dame a fait son témoignage devant la famille de l’enfant et devant le procureur. Elle a vu deux agents qui ont poursuivi l’élève, mais elle a précisé que ces agents ne l’ont pas rattrapé. Une fois encore, c’est regrettable. Nous déplorons la mort de ces deux enfants. Et nous pensons que nous devons chacun, tirer des leçons : que ce soit du côté de la famille, du côté des forces de sécurité que du côté du corps enseignant. Ces enfants ne se sont pas retrouvés dans les rues gratuitement, on leur a dit de sortir dans les rues pour que le gouvernement cède », avait dardé le Col Yark Damehame.
 
On avait évoqué par ailleurs une certaine péritonite aiguë pour expliquer le décès de l’élève. C’était une façon de balayer du revers de la main l’argument des violences exercées sur lui par les corps habillés. On se rappelle que même le Premier de l’époque, Arthème Ahoomey-Zunu s’était personnellement investi dans cette entreprise, l’objectif étant de dédouaner les forces de l’ordre. Mais c’était compter sans la détermination des premiers responsables de la Synergie des travailleurs du Togo (STT) parmi lesquels des médecins compétents. Il a fallu leur explication scientifique pour clouer le bec aux porte-voix du pouvoir.
 
Les assassins protégés, le dossier oublié
Les corps habillés du régime criminel de Faure Gnassingbé tuent impunément des élèves à Dapaong et ne sont inquiétés outre mesure. Le dossier de l'«enquête» ouverte par le tortionnaire ministre de l'Insécurité Yark Damehane sont mis au tiroir | Caricature : Donisen Donald / Liberté
Les corps habillés du régime criminel de Faure Gnassingbé tuent impunément des élèves à Dapaong et ne sont inquiétés outre mesure. Le dossier de l’«enquête» ouverte par le tortionnaire ministre de l’Insécurité Yark Damehane sont mis au tiroir | Caricature : Donisen Donald / Liberté
 
Le pouvoir a fini par accepter, bon gré mal gré, la responsabilité de ces décès. Mais il ne restait qu’à révéler l’identité des assassins, la moindre des choses. C’est d’ailleurs ce qu’ont réclamé pendant longtemps les parents avant d’enterrer leurs enfants. Les corps sont restés durant des mois à la morgue et les familles ont résisté. Mais les pressions, intimidations et espèces sonnantes et trébuchantes ont fini par prendre le dessus.
 
Le pouvoir a usé de sa traditionnelle politique de diviser pour mieux régner et les familles ont fini par y succomber. Les responsables de la STT avaient engagé des actions en vue de lever le voile sur les assassins. Les Organisations de défense des droits de l’Homme s’étaient aussi investies dans ce sens.
 
« Les assassins d’Anselme et de Douti doivent être présentés à toute la nation, et alors si la nation le voudrait bien, elle leur pardonnera », avait pesté à l’époque Dr Atchi Walla. Ce à quoi avait rétorqué sur RFI Yacoubou Hamadou, le ministre du Travail d’alors et avocat défenseur du pouvoir : « Lorsqu’il y a mort d’homme, c’est évident que le procureur va ouvrir une enquête. L’agent en question est déjà mis aux arrêts, mais vous savez qu’il y a la présomption d’innocence. Il ne faudrait pas utiliser la mort d’un enfant comme un fonds de commerce, c’est indécent ».
 
Aucune de ces actions n’a malheureusement abouti. Ni les parents des victimes, ni la STT, ni l’opinion ne connaissent jusqu’à ce jour l’identité des assassins. Aucune organisation de défense des droits de l’Homme n’a eu la chance de vérifier l’effectivité des sanctions clamées par le ministre de la Sécurité et de la Protection civile. Trois ans après la mort de ces élèves, personne ne connait leurs meurtriers, à part Yark Damehame. Ils sont bien protégés, au nom de la présomption d’innocence (sic).
 
Le ministre avait annoncé des sanctions disciplinaires «à la hauteur des actes posés » contre les éléments fautifs. Et ils étaient trois (3) fonctionnaires de police formellement identifiés comme ayant exécuté les tirs de sommation et annoncés comme mis aux arrêts.
 
« Les 3 fonctionnaires de police ainsi que le commandant de l’Unité ont été immédiatement mis aux arrêts de rigueur. L’auteur du tir mortel sera traduit en justice conformément à la procédure en vigueur », avait annoncé le Colonel Yark Damehame. Mais Dieu seul sait si les fautifs ont été réellement punis. Le dossier, on n’en parle même plus au niveau du gouvernement. Et visiblement, il ne faut pas compter sur le pouvoir pour connaitre les assassins de ces deux élèves. Au nom de l’impunité légendaire qui est assurée aux hommes de main du régime…
 
Source : [19/04/2016] Tino Kossi, Liberté
 

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