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« L’axe africain du hold-up électoral se renforce », dixit un opposant


 
On les savait liés par plusieurs traits communs. Ils sont parvenus au pouvoir pratiquement dans des conditions identiques et s’y maintiennent de la même façon. Ainsi, le sort de l’un est lié est forcément à l’autre. Et tout porte à croire qu’ils se sont juré, tel un couple, de ne jamais se quitter. Eux, ce sont Faure Gnassingbé et Ali Bongo. En moins d’un mois, les deux hommes se sont vus deux fois et/ou ont échangé au moins trois fois. Même si à chaque fois, des motifs officiels sont avancés pour justifier ces visites et échanges, ce n’est pas trop difficile pour les observateurs avisés de se faire une idée des vrais enjeux de ces fréquentations régulières.
 
Faure en « réunion de travail » avec Ali
 
La semaine dernière était assez spéciale et chargée pour Faure Gnassingbé, à cause de la tenue du sommet sur la sécurité et la sûreté maritimes et le développement en Afrique. C’était un véritable rêve pour le Prince de réunir à Lomé tous les pays du continent, les experts de l’économie bleue et de la sécurité maritime de par le monde, et surtout un défi de mettre les Etats africains d’accord sur l’idée d’une charte. Il devrait être épuisé et nécessiterait un repos pour récupérer toute l’énergie dépensée pour ce sommet. Mais à peine la conférence terminée, le voilà déjà dans l’avion, direction Libreville chez son frangin Ali Bongo. Motif officiel : réunion de travail.
 
Faure Gnassingbé était donc ce mardi dans la capitale gabonaise. Selon un communiqué de la présidence gabonaise, « les deux chefs d’Etat ont échangé sur les conclusions du sommet extraordinaire de l’Union africaine sur la sécurité maritime ». « Je suis très heureux d’accueillir aujourd’hui mon ami et frère, le Président Faure Gnassingbé, pour une réunion de travail. Nous avons renouvelé notre attachement à la protection des mers et des océans pour garantir la paix, la stabilité et faire de l’espace maritime africain l’un des principaux leviers du développement économique de notre région », lit-on sur la page Facebook du fils à papa du Gabon.
 
Les deux hommes ne se quittent plus
 
La visite mardi dernier du numéro 1 togolais à son frangin de Libreville n’est que la nième entre les deux hommes. En moins d’un mois, ce sont deux déplacements que Faure Gnassingbé a effectués au Gabon. Il était le 27 septembre dernier à Libreville, pour la triste investiture d’Ali Bongo, après sa victoire à la togolaise à l’élection présidentielle du 27 août dernier. Pour cette cérémonie, Bongo fils s’était retrouvé avec seulement quatre chefs d’Etat du continent dont le Malien Ibrahim Boubacar Keita, le Nigérien Mahamadou Issoufou,Evaristo Carvalho de Sao-Tomé et Principe, et bien sûr son sosie de Lomé. La cérémonie était boudée par la plupart des dirigeants du continent, sans doute à cause des circonstances scandaleuses dans lesquelles Ali Bongo a été réélu.
 
Comme si la présence de Faure à Libreville à cette occasion ne lui a pas permis de parler du sommet du siècle à son frère et ami et l’y inviter, Gilbert Bawara, le ministre de la Fonction publique, du Travail et de la Réforme administrative que certains sites gabonais ont présenté comme « le Premier ministre togolais » – prémonition ? – a été dépêché le mardi 11 octobre dans la capitale gabonaise par son champion. Officiellement, pour inviter Ali Bongo à participer à la conférence extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine sur la sécurité et la sûreté maritimes et le développement en Afrique. A l’issue de l’audience, Bawara lui aurait remis un message personnel de Faure Gnassingbé dont le contenu n’a pas été dévoilé. S’agissait-il d’une simple invitation au sommet ? On peut légitimement s’étonner que ce soit après son démarrage la veille que Faure Gnassingbé envoie à son frangin son invitation à lui. Toujours est-il que le président gabonais lui-même n’était pas venu à Lomé, mais il y a dépêché son Premier ministre, Emmanuel Issoze Ngondet qui a assisté aux travaux et signé la charte au nom du Gabon.
 
Solidarité dans la monocratie
 
Faure Gnassingbé est réputé pour son goût pour les voyages à travers le monde. Au cours de la période septembre-octobre, il en aura effectué une bonne demi-douzaine aussi bien en Afrique qu’en Occident. Très souvent, ces visites sont mises sous le sceau du travail. Dans certains milieux, on décrit (aveuglément) les accointances entre Faure Gnassingbé et Ali Bongo comme un modèle de coopération qui forcerait l’admiration. Mais au-delà des prétextes officiels génériques brandis et de l’extase des admirateurs intéressés, à l’image des voyages réguliers au Congo Brazzaville chez Denis Sassou Nguesso, son parrain et père spirituel en boulimie du pouvoir qui l’appelle affectueusement « empereur », ces fréquentations régulières entre Faure Gnassingbé et Ali Bongo cachent des enjeux personnels. On n’a d’ailleurs pas besoin d’être devin pour le savoir.
 
Les régimes de Lomé et de Libreville se ressemblent beaucoup. Ils sont incarnés par des fils qui ont succédé, à travers des élections contestables, à leurs pères ayant égrainé une bonne quarantaine d’années au pouvoir et y sont morts, et liés par le même destin. « Après plusieurs jours de tergiversation et qui auront permis de manœuvrer et ficeler le plan de détournement des suffrages populaires et de la victoire dans les urnes de Jean Ping, Ali Bongo s’est fait proclamer vainqueur de l’élection présidentielle du 27 août dernier au Gabon par le ministre de l’Intérieur, Pacôme Moubelet-Boubeya. Il s’octroie ainsi un nouveau septennat à la tête du pays, et c’est la joie (confinée) dans son camp. Mais loin des frontières du Gabon, cet épilogue constitue aussi un véritable soulagement pour les fils à papa sur le continent dont l’avenir était en jeu à travers le cas Ali Bongo. Allusion faite notamment aux régimes de Kinshasa et de Lomé », écrivions-nous dans la parution N°2269 du 02 septembre 2016, sous le titre : « Victoire à la togolaise d’Ali Bongo : Soulagement collatéral dans les palais des fils à papa à Kinshasa et à Lomé ». On est simplement en face d’un mariage de deux régimes qui veulent nouer une sorte de partenariat pour se soutenir mutuellement en cas de besoin. Solidarité dans la monocratie, devrait-on résumer. Et dans cette dynamique, Faure Gnassingbé ne se retient pas de prendre le risque de défier la communauté internationale.
 
Le pouvoir de Libreville, en effet, est fui comme la peste. La réélection d’Ali Bongo ne suscite nullement enthousiasme dans les capitales occidentales, même si les résultats définitifs ont été proclamés dans la légalité prescrite. De Paris à Washington en passant par Bruxelles, on s’est juste contenté de prendre acte de sa victoire proclamée par la Cour constitutionnelle, tout en sachant au fin fond qu’il n’est pas le vrai gagnant des urnes. Même sur le continent, les dirigeants ne se sont pas bousculés pour le féliciter pour sa victoire à la Haut-Ogooué. Mais Faure Gnassingbé, lui, prend le risque de s’afficher résolument à ses côtés. Il est question pour lui de renforcer les liens avec Ali Bongo afin qu’ils se soutiennent mutuellement. C’est à juste titre qu’un opposant parle de « renforcement de l’axe africain du hold-up électoral, du règne à vie ».
 
Eh oui, Libreville est le régime auquel ressemble le plus celui de Lomé, et leurs deux incarnations liées par le même destin. Au Togo aussi, les chiffres sont gonflés dans les zones acquises au pouvoir de père en fils. Lors de l’élection présidentielle du 25 avril 2015, il y avait eu dans certaines préfectures du nord du pays plus de votants que de personnes inscrites sur les listes électorales. A l’époque, le président de la commission électorale ne s’était pas empêché de dire en direct que « les chiffres se confondaient ».
 
Également dans les deux pays, le verrou de la limitation du mandat présidentiel est sauté dans la Constitution en vigueur, et donc les deux hommes ont la latitude de rester au pouvoir tant qu’ils le désirent. Faure Gnassingbé a déjà franchi le pas et est à son 3e mandat. Rien n’empêche son frangin de Libreville de le suivre en 2023. Qui se ressemble, s’assemble, dit-on.
 
Source : Tino Kossi, Liberté No. 2302 du 20 octobre 2016 / 27avril.com
 

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