. Deux ans après, Tabligbo et Kantè espèrent toujours les retombées
La série « débarquement des ministres » a ajouté hier un nouvel épisode à son catalogue. Le Conseil des ministres de ce mercredi s’est tenu à Kara. Il s’agit d’une rencontre délocalisée, à l’image de Tabligbo et Kantè les 13 et 27 février 2019. Deux ans après, ces localités n’ont pas changé. Elles sont restées telles. La délocalisation ne sert donc pas à grand chose.
Ce mercredi, le Conseil des ministres s’est tenu dans la ville de Kara, à plus de 400 km de la capitale. « Les travaux, présidés par le Chef de l’Etat, Faure Essozimna Gnassingbé, porteront en grande partie sur l’évolution des projets dans les secteurs prioritaires contenus dans la feuille de route 2020-2025 », nous apprend republiquetogolaise.com.
Cette délocalisation s’inscrit dans le cadre d’une initiative entamée depuis plusieurs années par le chef de l’Etat. En effet, le gouvernement a décidé, début 2019, de délocaliser certains conseils des ministres pour, dit-on, profiter de l’occasion pour échanger avec les populations du milieu. Le premier a eu lieu à Tabligbo, principale ville de la préfecture de Yoto. C’était le 13 février 2019, presque deux ans jour pour jour.
Selon le rapport du site internet de la République togolaise, en marge des travaux, le Chef de l’Etat a échangé avec les populations de la localité « sur les enjeux de développement du milieu ainsi que les actions prioritaires du Plan National de Développement (PND 2018-2022), destiné à améliorer leur quotidien ». Deux semaines plus tard, c’est-à-dire le 27 février 2019, les revoilà à Kantè dans la préfecture de la Kéran. Le Conseil des ministres s’y est aussi tenu.
Point n’est besoin de rappeler les dépenses qu’implique la délocalisation du Conseil des ministres et les business qui se font autour de l’organisation de l’événement, surtout que le pays ne dispose pas d’infrastructures capables d’abriter de telles rencontres et que le gouvernement est obligé de recourir à des abris préfabriqués qui reviennent chers. Ce qui est déplorable dans cette initiative de délocalisation des Conseils des ministres, c’est que depuis deux ans, le gouvernement n’a pas fait le bilan des retombées de la tenue de ces Conseils. Nous nous sommes fait le plaisir de le faire.
Le constat est qu’en réalité, cette délocalisation ne profite qu’à ceux qui ont en charge l’organisation desdits conseils. En dehors de la forte mobilisation des forces de défense et de sécurité pour veiller au bien-être du chef de l’Etat, rien ne se passe dans les localités abritant le Conseil des ministres délocalisé. Les retombées, c’est que pour quelques heures, il y a non pas une effervescence des jours de marché, mais une certaine agitation dans la ville. Les militaires se retrouvent partout et gèrent la population à leurs manières. Ensuite, plus rien ne se passe. Comme le dirait quelqu’un, ils sont venus et sont repartis sans rien nous laisser.
Deux ans après l’incursion gouvernementale sur Tabligbo, la ville est restée la même. Rien n’a changé. Tabligbo est restée la ville minière abandonnée par les entreprises qui exploitent les ressources de son sous-sol. Le principal carrefour de la ville est tout aussi poussiéreux qu’il y a deux ans. Le marché local est toujours le même. Aucun projet d’envergure locale n’a été initié. Les populations tirent toujours le diable par la queue. Les infrastructures routières sont quasi inexistantes, celles de loisir aussi. Le gouvernement n’y est pas retourné et la ville est restée comme figée dans le temps.
Pareil pour la ville de Kanté qui a abrité un conseil des ministres deux semaines après Tabligbo. Dans cette localité de la Région de la Kara, la faim n’a pas reculé, le panier de la ménagère est aussi dégarni qu’il y a deux ans. Après le Conseil des ministres, le gouvernement n’a pas remis d’enveloppes aux autorités locales afin qu’elles lancent des travaux de construction des salles de classes qui manquent cruellement dans toutes les préfectures du Togo. En décembre 2019, le marché local a été réceptionné. Ne nous y trompons pas, cela n’est pas le fruit du Conseil des ministres délocalisé puisque les travaux de construction dudit marché ont démarré en décembre 2018, deux mois avant le débarquement des ministres.
Si cette délocalisation des Conseils des ministres ne permet pas de poser des actes concrets pour les localités qui les abritent, autant y mettre un terme. Le gouvernement peut, à titre d’exemple, décider d’octroyer un montant important pour le plan de développement local. Si c’est pour de simple visites touristiques, le gouvernement doit réfléchir à promouvoir le tourisme interne d’une autre manière. Dans tous les cas, une ville qui abrite un conseil des ministres délocalisé doit ressentir les vraies retombées de l’initiative.
G.A. / Liberté N° 3325 du 11-02-21