Près de 400 à 500 milliards de FCFA aura détourné en mode offshore sur les commandes de l’Etat togolais depuis années par le père et le fils Adjakly (Francis et Fabrice) avec la complicité de certains noms comme le conseiller du Premier ministre Pre Simfeitcheou et d’autres acteurs dicrects comme indirects dans le cadre de la politique de fluctuation des prix de carburant au Togo. C’est ce que rapporte en susbstance nos confrères «L’Alternative» dans sa livraison 877 d’hier mardi. Une maffia qui a opéré soit avec la complicité ou l’ignorance volontaire de la présidence de la République sur le dos du citoyen togolais classé comme l’un des plus malheureux sur la terre dans tous les indices de classement depuis au moins une décennie. Pourtant, on vient de boucler un mandat dit social sur lequel on rempile pour un autre quinquennat. Que compte faire Faure Gnassingbé face à cette grande maffia citée. Retour sur l’article du confrère.

L’importation des produits pétroliers et la fixation des prix à la pompe est l’un des secteurs les plus opaques au Togo. Une mafia s’est installée à la tête de juteux secteurs et engrange des milliards de profits sur le dos du contribuable. Les dénonciations et les enquêtes publiées régulièrement par les médias et les actions des associations de consommateurs n’ont jamais réussi à ébranler ce réseau qui opère avec la bénédiction du ministre du Commerce et de la Présidence de la République. Comment la famille Adjakly et fils a réussi à faire main basse sur le secteur pétrolier togolais pendant des années avec à la clé le détournement de plusieurs milliards de francs CFA ?

Le 15 mai, le ministre du Commerce, de l’Industrie, du Développement du Secteur privé et de la Promotion de la Consommation locale, par arrêté N° 018/% MCIDSPPCL/CAB portant nomination, fait de Monsieur ADJAKLY Sossah Francis, conseiller technique au sein dudit ministère. Dans la foulée, un autre arrêté du même ministère nomme Monsieur KONDO Comlan Koffi Ononh-Nofoumi, juriste de formation, coordonnateur par intérim du Comité de suivi des fluctuations des prix des produits pétroliers (CSFPPP). Ce chamboulement dans le dispositif qui a entrainé une nouvelle légère baisse des prix à la pompe est un indice majeur qui nous permet de mettre le pied dans la fourmilière afin de révéler à l’opinion le grand scandale lié à l’importation des produits pétroliers que l’on cherche à dissimuler. Les lignes qui vont suivre permettront aux Togolais d’avoir une idée réelle de la grande mafia qui s’est installée au sous-sol du ministère du commerce, de l’Industrie, du Développement du Secteur privé et de la Promotion de la consommation locale, brassant depuis des années des dizaines de milliards déposé sur des comptes à l’extérieur.

Le système ADJAKLY père et fils

Nous avions consacré par le passé un dossier sur le rôle que la famille Adjakly joue dans le processus d’importation et de fixation des prix des produits pétroliers au Togo. Il y a le père Francis Sossah Adjakly, Coordonnateur du Comité de suivi des fluctuations des prix des produits pétroliers ( CSFPP), relevé de ses fonctions il y a quelques jours. Cet homme âgé de 75 ans, très discret, était un ancien agent de Shell-Togo lorsque la direction de cette société était encore au grand marché de Lomé. Responsable des lubrifiants dans ladite boite, il fut licencié dans les années 1989. Quelques années plus tard, il sera recruté comme expert en hydrocarbure auprès du ministère du Commerce et de l’Industrie. Nous faisons abstraction de quelques détails de sa carrière, mais il est important de préciser que depuis son licenciement à Shell-Togo, l’homme en a gardé un très mauvais souvenir et a toujours rêvé se venger de son ancien employeur. Ce détail permettra de comprendre la suite des évènements suite au départ de Shell du Togo.

Jusqu’en 2004-2005, la commande des produits pétroliers revenait au GPP (Groupement des professionnels pétroliers regroupant Mobil, Shell, Total et Texaco). Cette prérogative a été retirée au GPP après l’accession de Faure Gnassingbé à la présidence et confiée au ministère du Commerce et de l’Industrie. Le Comité de suivi des fluctuations des prix des produits pétroliers (CSFPP) fut créé et les membres nommés par décret présidentiel. On retrouve donc dans cette commission les experts du ministère du Commerce et de l’Industrie, un représentant du ministère des Mines et de l’Energie, un membre du gouvernement Président de la commission, un membre du Patronat. Monsieur Francis Sossah Adjakly, expert en hydrocarbure auprès du ministère du Commerce et de l’Industrie, intègre cette commission en 2007 en tant que Directeur financier. Deux ans plus tard, il en est devenu le Directeur Général, le maitre à tout faire. C’est à partir de ce moment que cet homme, très discret, mettra en place un système dont lui seul connaît le secret.

D’abord il confie son fils Fabrice Affatsawo Adjakly à un expert pour l’initier au système des hydrocarbures. Quelques années plus tard, précisément en 2011, le fils intègre officiellement le Comité de suivi des fluctuations des prix des produits pétroliers (CSFPP), en compagnie d’un autre fils à papa Yakine Barqué dont le passé sulfureux est connu des habitants des quartiers Nukafu- Wuiti. Devenus des personnages indispensables dans le dispositif d’importation des produits pétroliers au Togo, le père et fils Adjakly créent en 2016, avec l’aval de l’Etat, une société d’intermédiation dénommée Management Hydrocarbure pour encadrer de facto les activités d’importation au nom du CSFPP. Le père est le coordonnateur du CSFPP, le fils en est membre et les deux créent une société d’intermédiation pour encadrer les activités du CSFPP. Sacré mélange de genre et de connivence avérée.

Mais déjà en 2014, Fabrice Affatsawo Adjakly crée lui-même, toujours dans le même cabinet notarial, sa propre société dénommée Société TERIM CONSULT SARLU. Les actions de la société Management Hydrocarbure sont exclusivement détenues par la famille. 55% pour le père, 15% pour Fabrice Affatsawo Adjakly et 15% pour chacune de ses deux filles en occident. Le père délègue tous les pouvoirs de la gestion de la société à son fils qui fait venir au Togo 4 membres de sa belle-famille (sa femme est française) en tant qu’employés. La société installe ses bureaux dans l’immeuble de la SGI derrière le siège de l’OTR et les frais de location sont assurés par les fonds de l’Etat.

L’ alliance Adjakly – VITOL

Fabrice Adjakly, au fil du temps, est devenu un personnage incontournable dans le dispositif des hydrocarbures au Togo et surtout au sein du CSFPP. C’est lui qui prépare les appels d’offres, fixe surtout les dates (nous reviendrons sur l’importance des dates), prépare les factures et intervient pour les payements. Dans un article paru le 9 janvier 2018, la revue Africa Intelligence nous renseigne que le Trader Suisse VITOL qui remporte depuis 2016 tous les appels d’offres bénéficie du soutien discret de Fabrice ADJAKLY, le numéro 2 du CSFPP. En d’autres termes, le numéro 2 du CSFPP qui élabore les appels d’offres, fixe les dates de livraisons, délivre les factures, est un agent double, c’est -à-dire qu’il est au service d’un soumissionnaire. On comprend aisément pourquoi c’est VITOL, le trader suisse qui propose les offres les moins-disante et remporte les appels d’offres depuis des années au point que d’autres sociétés ont décidé de ne plus participer à cette magouille. Tous les appels d’offres depuis plusieurs années sont remportés par la même société VITOL. Une fois les marchés attribués, les membres du comité (CSFPP), avec en tête le représentant du gouvernement, le ministre PRE Symfeitcheou se retrouve à l’hôtel Sarakawa pour faire non seulement la fête, mais aussi prendre les commissions mises discrètement à leur disposition par VITOL via Fabrice Affatsawo Adjakly. Les ministres successifs du Commerce et de l’Industrie qui ne comprennent rien de ce qui se passe dans le sous-sol de leur département, prennent aussi leur part et le cirque continue.

Fabrice ADJAKLY : un système de détournement huilé offshore avec la complicité de VITOL

Fabrice Affatsawo Adjakly, la trentaine environ se définit et se fait appeler lui-même « monsieur pétrole du Togo ». On peut affirmer sans exagérer qu’il est un trader en hydrocarbure. Et le système de détournement qu’il a réussi à mettre en place avec la complicité de VITOL était difficile à déchiffrer lorsqu’on n’est pas expert dans le domaine. Tous ceux qui étaient  dans le Comité (CSFPP) ne comprenait absolument rien. Ils se contentaient juste des dessous de table que VITOL leur faisait parvenir à chaque fois que le trader suisse gagnait un appel d’offre. En parlant du personnage, nous avons dit plus haut qu’il était le numéro 2 du CSFPP et venait juste après son père qui assumait les fonctions de coordonnateur. Bien évidemment le ministre Pré Symfeitchéou était le Président et représentait le gouvernement.

Le Togo importe 30 millions de litre de pétrole par trimestre soit 120 millions par an.

Cette commande comporte les 4 catégories de carburant, à savoir le super, le pétrole lampant, le gaz-oil et le JET A1 pour les avions. Le CSFPP passe donc 4 appels d’offre par an. Nous avions dit plus haut que c’est Fabrice Adjakly qui élabore les appels d’offres et fixe surtout les dates. Nous insistons sur les dates pour amener les lecteurs à comprendre comment se fait le détournement offshore.

Il est de notoriété publique que le pétrole est un produit dont le coût est le plus fluctuant sur le marché international. Il y a la cotation ICE et la cotation FOB.

Le Togo recours souvent à la cotation ICE (Intercontinental Exchange, une place boursière à Atlanta en Géorgie aux USA). Le trader Fabrice Adjakly maitrise mieux que quiconque le système de fluctuation et c’est par rapport à cela qu’il fixe dans l’appel d’offre les dates. Alors lorsque son partenaire non officiel VITOL gagne un appel d’offre pour un coût de 100 dollars le baril de pétrole et qu’entre-temps le coût chute à 80 dollars voire moins, le comité ne rappelle plus VITOL rediscuter sur les nouveaux prix. Pour faire simple, lorsque VITOL gagne un appel d’offre avec un coût du pétrole à 100 dollars le baril et qu’entre – temps le baril chute à 80 dollars, le Trésor togolais lui paye les 10 dollars par baril alors que le trader suisse achète le baril à 80 dollars. Vitol fait alors un bénéfice de 20 dollars sur le dos de l’Etat togolais. 20 dollars multiplié par 30 millions de litre, cela fait une sacrée fortune et rappelons que les 30 millions de dollars, ce n’est que pour le trimestre, puisqu’en tout l’Etat commande 120 millions de litres par an. Ce différentiel obtenu par VITOL sur la chute des prix à l’international est partagé par le trader suisse et son associé togolais, c’est -à- dire Fabrice Adjakly, puisque c’est lui le cerveau du système, celui qui fait en sorte qu’en fixant les dates son associé suisse puisse bénéficier de la chute des prix. Dans l’autre sens, après avoir gagné un marché d’un coût de 100 dollars et que le prix du pétrole à l’international connaît une hausse, disons jusqu’à 120 dollars le baril VITOL et son associé Fabrice Adjakly font tout pour traîner l’achat et la livraison, le temps que les prix connaissent une chute. C’est cette rétention délibérée de la commande qui provoque généralement sur le territoire les tensions de rupture dans le système d’approvisionnement des stations-services, obligeant parfois l’Etat à faire des achats spot c’est-à-dire des achats d’urgence pour résoudre le problème en attendant. Voilà comment fonctionne le système de détournement mis en place par Fabrice Affatsawo Adjakly, avec la complicité de VITOL. Un système que les non initiés peinent à déchiffrer depuis des années et qui a permis aux auteurs d’engranger plusieurs milliards de francs CFA.

La fuite de Fabrice Affatsawo Adjakly suite à des disputes avec son père

Lorsqu’on est très jeune (Fabrice Adjakly doit avoir la trentaine, il se raconte que son père l’a intégré dans le comité à 23 ans) et qu’on brasse autant d’argent, on prend des airs et on cherche à faire la belle vie. La belle famille de Fabrice Adjakly, au moins 4 personnes étaient des employés de Management hydrocarbure avec des salaires mirobolants et des avantages à couper le souffle (chaque membre bénéficiait de 2 billets d’avion par mois Lomé –Paris classe affaire). La vie dispendieuse du fils qui débloquait des centaines de millions pour des projets sans lendemain avec des amis, commençait par inquiéter le père. Lui, un homme très discret, s’habillant sobrement et passant presque inaperçu redoutait que le show de son fils réveille l’attention des décideurs du pays. Il n’en est absolument rien, puisque le fils n’était pas prêt à arrêter sa folie dépensière. Des tensions voire des disputes éclatent entre les deux et le père détenant la majorité des actions de Management Hydrocarbure, décide de retirer la signature. Il informe les banques par courrier de sa décision à l’égard de son fils. La situation était devenue intenable pour le fils et il décide de quitter le pays pour s’installer à l’extérieur.

Selon des sources proches du CSFPP, il a demandé une mise en disponibilité, mais pour d’autres sources plus autorisées il aurait pris la fuite après avoir déplacé plusieurs centaines de millions de francs cfa par le truchement de sa belle-famille. Il faut rappeler que Management Hydrocarbure est tellement puissante qu’elle disposait à volonté de l’argent de l’Etat qu’elle mettait en DAT dans les banques. Mais le fils Fabrice Affatsawo Adjakly a eu sa fortune ailleurs sans trace. Le différentiel du prix du pétrole qu’il permettait à son associé VITOL gagner sur le plan international était partagé. Sa part investie dans l’immobilier en Europe sous de prête-noms, aux USA, précisément à Atlanta, base de cotation de la plateforme boursière ICE, en Afrique du Sud et ailleurs.

Fabrice Affatsawo Adjakly propriétaire d’un ranch en Afrique du Sud

Parlant justement de l’Afrique du Sud, c’est au pays de Nelson Mandela que Fabrice Affatsawo s’est installé depuis son départ du Togo l’année dernière. Il a acquis un ranch sur plusieurs hectares et son épouse est devenue la présidente de la communauté française de la localité. Plusieurs cérémonies festives se sont déroulées depuis dans ce ranch et certains curieux se sont rendus compte que le propriétaire n’est qu’un jeune togolais d’environ 30 ans qui se présente à certains de ses invités comme le « Monsieur pétrole du Togo ».

En précipitant le départ de la tête du CSFPP du père, c’est-à-dire Francis Sossah Adjakly, et en décidant dans la foulée une légère baisse du prix du carburant, le ministère du Commerce, de l’Industrie, de la promotion de secteur privé et de la consommation locale se lance dans une diversion visant à étouffer le scandale lié à la fuite de Fabrice Affatsawo Adjakly. Selon plusieurs experts que nous avons eu à consulter avant la rédaction de ce dossier, la société VITOL et son agent Fabrice Adjakly ont détourné entre 400 et 500 milliards de francs CFA en mode offshore sur les commandes de l’Etat togolais depuis plusieurs années. L’affaire s’est révélée cette année encore plus juteuse lorsque le prix du pétrole est descendu à moins de 20 dollars le baril, obligeant parfois certains producteurs à supplier les acheteurs de venir chercher la marchandise presque gratuitement. Ce scandale d’Etat dont les victimes sont les contribuables togolais qui achètent tous les jours du carburant à la pompe, doit faire l’objet d’un audit suivi d’une poursuite des auteurs si tant est que dans ce pays, la lutte contre la corruption est une priorité des gouvernants. Il ne s’agit pas de prendre un ancien membre du Comité (CSFPP), lui-même ayant profité durant plusieurs années des magouilles pour  en  faire  un  nouveau coordonnateur par intérim, mais de faire l’état des lieux de cette structure. Tous ceux qui au sein de   cette   structure,   en commençant par le représentant du gouvernement, se retrouvent à l’hôtel Sarakawa pour sabrerle champagne et prendre leur commission à chaque fois que VITOL gagne un appel d’offre doivent être auditionnés sur les milliards que l’Etat togolais a perdu dans les différentes commandes du carburant sur le plan international.

La complexité du milieu pétrolier sur le plan international doit inciter les gouvernants à mettre à la tête de ce genre de structure des spécialistes en la matière. Il ne s’agit pas de catapulter à la tête de ce comité un représentant de la Primature qui ne comprend rien, un Coordonnateur par ce qu’il est juriste ou économiste, le tout sous le contrôle d’un ministre du commerce qui non plus ne pige rien sur les mécanismes d’achat et de vente de pétrole sur le plan international. En attendant que les décideurs bougent leur cul pour prendre le taureau par les cornes, Fabrice Affatsawo Adjakly se la coule douce quelque part dans un ranch en Afrique du Sud pendant que son père continue d’administrer sa société d’intermédiation avec son nouveau titre de conseiller au ministère du Commerce (à 75 ans révolu alors que plusieurs jeunes diplômés sont sans emploi dans le pays).

Nous reviendrons, dans un autre dossier, sur la société T-OIL, un autre produit signé Adjakly avec l’aval de l’Etat (fonds souverain) géré par certain individus comme leur entreprise privée.

Source : L’Alternative N°877 du mardi 09 juin 2020

1 commentaire

  1. Vous avez dit la société VITOL gegen 20 dollards par baril au cas où le prix de ce même baril passe de 100 à 80 dollards et vous avez dit que le togo importe 30 millions de litres par trimestre.
    Comment avez fait le calcul pour trouver le chiffre du bénéfice trimestriel de VITOL?

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