Les missions officieuses de Gilbert Bawara, un ministre de la République.
Les « Lumumba Papers », c’est le nom du nouveau scandale qui éclabousse la BGFI-Bank et le clan Kabila en République Démocratique du Congo. En effet Jean Jacques Lumumba, petit-neveu de Patrice Lumumba, cadre démissionnaire de la BGFI-Bank, a transmis au journal belge Le Soir des documents qui mettent en cause le clan Kabila dans des montages financiers douteux à partir des comptes ouverts à la BGFI-Bank dirigée par Francis Selemani Mtwale, un proche de Joseph Kabila.
Ces accusations soutenues par une série de documents publiés par le journal belge le Soir sonnent comme une bombe par le marécage politique congolais agité par des crises récurrentes et une ambiance mortifère consécutives à la volonté manifeste de Joseph Kabila de s’accrocher au pouvoir à la fin de son dernier mandat en décembre prochain.
L’ancien rebelle devenu président de la République, suite à l’assassinat dans des conditions floues de son père, Laurent Désiré Kabila, n’hésite plus à recourir, tel un boucher, à des armes pour massacrer son peuple. Des activistes de la société civile régulièrement embastillés, la presse indépendante quotidiennement harcelée, usages de balles réelles contre les manifestants, incendies des sièges des partis politiques de l’opposition, assassinats ciblés de religieux, rien ne semble arrêter cet homme de continuer sa danse macabre au sommet de l’Etat congolais.
Parallèlement à l’usage de la force pour faire taire le peuple qui souhaite son départ, Joseph Kabila manœuvre à travers un dialogue controversé, avec l’appui de pseudo opposants, pour un partage du trône qui lui permettrait de rester encore au pouvoir jusqu’en 2018. Face à ces dérives inacceptables, l’ONU et les partenaires au développement sont vent debout contre le régime de Kinshasa.
La France, les USA, la Belgique, les Nations Unies appellent ouvertement au départ de Joseph Kabila à la fin de son mandat en décembre prochain. Naturellement, Joseph Kabila cherche par tous les moyens à desserrer cet étau de l’opposition radicale et de la communauté internationale.
Avec une fortune inestimable amassée en 15 ans de règne sans partage, Joseph Kabila dépêche en Afrique, en Europe et aux USA ses envoyés pour persuader les décideurs. Parmi ceux qui se livrent à ce lobbying très actif pour permettre au dictateur de Kinshasa de garder son pouvoir, se trouve un certain Gilbert Bawara, ministre en activité au Togo dans le gouvernement de Faure Gnassingbé, et Louis Michel, ancien commissaire européen. Ces deux messieurs partagent une amitié particulière avec Joseph Kabila et connaissent les rouages de la Commission européenne à Bruxelles.
Ce tandem est très actif depuis quelques mois et enchaine les missions à Bruxelles. Objectif, sauver le soldat Kabila. Gilbert Bawara, ministre de la Fonction publique au Togo a presque déserté son bureau. Et pourtant la grogne des fonctionnaires n’a jamais été si forte. L’homme est presque toutes les deux semaines dans la capitale belge. Sa mission officielle, obtenir selon la volonté de Faure Gnassingbé, la tête de l’ambassadeur de l’UE au Togo, Nicolas Berlanga dont les prises de positions ne font pas l’affaire du régime cinquantenaire.
Elle semble pour l’heure infructueuse, puisque au siège de l’UE on rechigne à céder aux humeurs du locataire du Palais de la Marina. Mais Bawara n’est pas un homme à abandonner, il y croit toujours et continue les allers et retours, au frais du contribuable. Une mission pouvant cacher une autre, dans la capitale belge, Gilbert Bawara retrouve son ami Louis Michel et les deux multiplient les rendez-vous à la Commission européenne pour persuader leurs interlocuteurs de ne pas sanctionner leur bienfaiteur Kabila. Son dernier séjour à Bruxelles il y a une semaine était consacré à cette mission. Entre rendez-vous diplomatiques escapades et virées nocturnes en bonne compagnie, le personnel de l’ambassade du Togo, et particulièrement les chauffeurs sont réquisitionnés pour la circonstance, parfois tard dans la nuit.
Gilbert Bawara a-t-il déjà réglé les problèmes des fonctionnaires togolais, particulièrement les enseignants avant de se mettre au service de Joseph Kabila? Est-il ministre de la république togolaise ou de la République démocratique du Congo ? Pendant qu’on y est, qui paye les fugues régulières du sieur Bawara à Bruxelles ? Le contribuable togolais ou congolais ? Faure Gnassingbé a-t-il donné son onction à ces missions officieuses de son ministre dont la responsabilité première est de s’occuper des fonctionnaires togolais qui côtoient la misère tous les jours ?
Il serait surprenant que le locataire du palais de la Marina ne soit pas au courant des affaires juteuses de son ministre dans le dossier Congo au détour de ses missions officielles à Bruxelles. D’ailleurs, Gilbert Bawara reste toujours l’homme de confiance de Faure, celui qu’il envoie souvent à des missions ultra confidentielles. Il avait été dépêché à Libreville une semaine avant le sommet sur la sécurité maritime.
Depuis son retour de Bruxelles le week-end dernier, il a été de nouveau envoyé auprès de Denis Sassou Nguesso par son patron. Dictateurs de tous les pays, unissez-vous, semble être l’altitude des autorités de Lomé qui renforcent les relations avec le Gabon, le Congo, la RDC, etc. Le business est particulièrement juteux pour Gilbert Bawara et son compère Louis Michel dont la sympathie pour les régimes décriés n’est plus à démontrer. Il serait d’ailleurs attendu à Lomé dans les jours qui suivent. Le lobbying de Bawara à Bruxelles avec Louis Michel ne doit pas être apprécié par l’opposition radicale en RDC qui avait déjà manifesté sa désapprobation du dialogue conduit par un autre Togolais, l’ancien Premier ministre Edem Kodjo. Etienne Tsisékédi, Moïse Katumbi et les autres aviseront.
Source : Ferdi-Nando, L’Alternative No. 567 du 04 Novembre 2016