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Au Togo, les réformes se suivent mais ne se ressemblent pas. Si les reformes politiques promises depuis des lustres, afin de donner les chances égales à tous les acteurs, traînent les pas, Lomé ne ménage aucun effort pour se lancer dans les réformes économiques même si l’impunité pour les crimes économiques survivra longtemps à toutes réformes.
 
Réformes économiques d’accord, mais avec quels partenaires ? Décider d’une réforme économique, c’est une chose, se demander si les choses se font dans les règles de l’art, en est une autre. Il faut alors chercher à savoir si l’Etat ne s’est pas jeter pieds et mains liés dans de ronflantes réformes avant de se demander si c’était un bon choix. Oui, malgré que l’Office Togolais des Recettes ( OTR ) patine encore, nous sommes de ceux qui pensent que c’est un bon choix, même si le débat reste ouvert.
 
Inutile de rappeler que, avant l’OTR, d’une part la douane était devenue une caverne d’Ali Baba, un corps de métier à part, où il suffit d’être douanier pour s’enrichir au robinet d’une corruption institutionnalisée, d’autre part il y avait le service des impôts. Si les dégâts n’étaient pas généralisés aux impôts, étant donné que c’était une élite qui se sucrait, il faut dire qu’il y avait quand même d’énormes dégâts. Des individus saignaient à blancs cette régie financière, qui reste encore une mine inexploitée, si on sait que le Togolais à tout à apprendre sur la nécessité de s’acquitter de ses impôts.
 
Comme Eyadema Gnassingbé se vantait d’avoir créé l’armée togolaise qu’il a trouvé embryonnaire, au point de finir par en faire une entreprise familiale, Dame Ingrid Awadé a pris les commandes du service des impôts à un moment où il était une terre quasiment friche. Appuyé sur les intimités et le caractère naissant du service, elle aussi trouvera un argument pour en fera une entreprise perso qui finira par transformer la boîte en une affaire de copains et de ‘’coquins’’ pour paraphraser un politique français. Cela va sans dire, si on s’en tient au fait que dame Ingrid et ses hommes de main, parti de rien, sont devenus milliardaires avec un train de vie insolant et des réalisations sans commune mesure avec leurs salaires, la boite a saigné sous les mains d’Ingrid Awade.
 
Il fallait mettre fin à l’hémorragie même si elle profitait directement au prince qui devait avoir sa part du gâteau dans les détournements monstres. Inutile de souligner que, que ce soit au Togo ou à l’extérieur, certaines réalisations attribuées au prince sont signées de celle que les zélés finiront par appeler affectueusement « Maman ». Toutefois, même si les détournements profitaient à la principauté, aussi bien dans les réalisations personnelles que dans le financement de la politique du parti, à un moment donné, le cordon entre le premier des Togolais et la gestion scabreuse des fonds des impôts était devenu une complicité nocive trop visible des partenaires financiers. Ceux-ci ne sont pas moins regardants vis-à-vis de la transparence dans la gestion des recettes publiques. Il fallait s’en débarrasser.
 
Ici arrive l’OTR, initiative réfléchie ou prise à la hussarde ? La certitude est que les incohérences ont émaillé l’installation de l’Office Togolais des Recettes. Est-ce parce que la réforme n’a pas été assez réfléchie, ou parce que, pour une exigence des partenaires financiers, les pères fondateurs ont pensé, à tort, avoir trouvé une occasion pour une réforme à la tête de ceux à qui il fallait rendre des coups, pire les outils de la réforme n’ont-ils pas été du matériel empoisonné ? Un peu de tout, mais à l’aune d’un bilan à mi-parcours, le dernier aspect intéresse notre dossier.
 
Les partenaires de l’OTR, sinon ses outils de travail, que sont-ils, en quoi ils construisent cette structure, en quoi ils la nuisent ? La Charge à l’Essieu, SEGUCE, COTEC, ANTASER, l’exclusion de certaines maisons de transis, mesures impopulaires non concertées alimentées de grèves arrosées de gaz lacrymogènes ; en quoi tout ce champ de conflits d’intérêts a fait du naissant office, un éléphant avec un pied cassé?
 
SEGUCE-TOGO
 
Elle, c’est la Société d’Exploitation du Guichet Unique pour le Commerce Extérieur au Togo. C’est une société de droit togolais en charge de l’exploitation du Guichet. Par Décret N° 2013-083/PR du 12 décembre 2013, suite à un appel d’offres, qui se voulait international, la République Togolaise a concédé à la société SEGUCE-TOGO, la mise en place et l’exploitation du Guichet Unique pour le Commerce Extérieur au Togo dans le cadre d’un Partenariat Public-Privé. La société propose des services liés à la facilitation du commerce international, à la sécurisation des recettes de l’Etat, à la vérification de conformité des produits importés aux normes de qualité.
 
A la lecture des objectifs définis par le Centre des Nations Unies pour la Facilitation du Commerce et les Transactions Électroniques : « un guichet unique pour le commerce extérieur est défini comme une facilité permettant, aux parties impliquées dans le commerce extérieur et le transport, de déposer des informations et des documents normalisés auprès d’un point d’entrée unique afin de remplir toutes les formalités officielles liées à l’importation, à l’exportation, au transit et au transbordement ».
 
Sur le plan togolais, à s’en tenir aux informations longtemps servis à la presse par les premiers responsables de la SEGUCE, il est question d’améliorer l’efficacité de la chaîne logistique du commerce extérieur, de diminuer les risques de raccourcir les délais de traitement. Le traitement des dossiers est ainsi privilégié, la fluidité des marchandises est accentuée et le dédouanement accéléré. On parle aussi de la diminution des coûts, de l’instauration d’un environnement favorable à la compétitivité des opérateurs économiques et la possibilité de travailler en flux tendus.
 
La liste des objectifs qui ont poussé le Togo à signer avec ce partenaire est longue. Pour y parvenir, pour chaque chargement, les utilisateurs soumettent toutes les informations contractuelles et réglementaires exigées au Guichet unique pour le commerce extérieur. Ensuite le Guichet unique trie, filtre les informations, les achemine vers les destinataires concernés selon un ordre et un processus précis avec un feed-back des décisions à l’usager. Enfin, « une décision finale 100% positive permet à la marchandise de sortir de la zone logistique : port, aéroports, frontières terrestres en temps réel ». Voilà qui est promis.
 
Tout ceci est bon, mais, il y a un « mais ». Un « mais » qui mérite réflexion si l’Etat ne veut pas que l’OTR souffre d’un verre dans le fruit, si l’OTR ne veut pas que de jour le jour, ses partenaires dans la reforme lui deviennent une épée de Damoclès sur la tête alors qu’il est en droit d’attendre un partenariat gagnant-gagnant. Voilà, entre autres des déclarations de bonnes intentions. Toutefois, dans la réalité, SEGUCE est un souffre-douleur pour les opérateurs économiques, ces opérateurs économiques sont la matière première sur laquelle l’OTR se base pour réhabiliter l’économique nationale.
 
Une arrête dans la gorge difficile à cracher et qui refuse aussi de se digérer. Les acteurs de terrains se plaignent énormément de cette structure. « SEGUCE ne sert à rien si ce n’est l’intérêt de ceux qui la parrainent », un opérateur économique peut payer des « dizaines de millions à la douane, mais il verra ses marchandises bloquées au niveau de la SEGUCE juste pour le payement de 11.800 FCFA ». Il n’est pas rare que les transitaires et autres déclarants en douanes passent des jours à faire des aller-retours entre la SEGUCE et leur lieu de travail dans l’espoir d’une hypothétique connexion internet.
 
C’est vrai, SEGUCE peut se targuer d’estimer que la connexion défaillante au pays n’est pas sa faute. Mais avant de signer des contrats pour un marché aussi colossal dans un environnement où le partenaire attend de vous des résultats, il faut étudier le terrain pour se rassurer que l’on a le minimum en termes de logistique pour répondre aux attentes du contrat.
 
Quand la connexion, part tout le monde croise les bras et attend.
Il y a pire, avant, un conteneur, c’est un versement à la caisse de la SEGUCE quel que soit le nombre de personnes qui se sont groupées pour remplir ce conteneur. Mais aujourd’hui, si, six à sept importateurs se regroupent pour remplir un conteneur, alors que normalement c’est une seule fois qu’ils doivent payer 11.800, chacun paie ses 11.800. En toute logique, les importateurs qui ont composé le conteneur groupé se cotisent pour payer une seul fois et leur marchandise, devenue collective, s’enregistre au nom de celui dont la part est plus importante, quitte à faire des photocopies qui serviront à chacun pour sortir. A partir de cet unique paiement, tout le monde retire ses colis en présentant les photocopies. Dieu seul est témoins qu’une bonne partie des conteneurs sont des conteneurs-groupés. Les commerçants paient plusieurs fois, mais la SEGUCE déclare-t-elle tous les dossiers ? L’OTR saura donner une réponse. Officiellement, c’est un BL ( bordereau de Livraison ) par conteneur. Et c’est sur la base du BL que les comptes se font au niveau de l’Etat.
 
Au Bénin, avec l’équivalant de la SEGUCE, la SEGUBE, c’est un BL que l’opérateur économique paie pour son importation quel que soit le nombre de conteneurs. Ici, pour chaque conteneur il paie. Pire, contrairement à ce qui se fait chez les voisins, dans le conteneur, s’il y a plusieurs propriétaires, chacun paie la même chose, on a donc BL-A, BL-B, BL-C… C’est ainsi qu’on a pour le même conteneur les dossiers baptisés SEGUCE A, SEGUCE B, SEGUCE C, et autres, chaque propriétaire ayant payé 11800 FCFA pour son dossier. Ce qui n’est pas normal, du coup, devant ces situations de lenteur doublée d’abus sur les frais, il y a de quoi regarder ailleurs. Les récriminations sont nombreuses. Bon à suivre.
 
Le règlement N° 14 de l’UEMOA, l’autre paire de manche
 
Malgré les assurances données ici et là, la pertinence de la décision, le règlement N° 14 continue par être un problème dans son application intégrale.
 
Le règlement 14, en effet, stipule : « Toute surcharge constatée au-delà des limites réglementaires du poids total en charge du véhicule ou de l’ensemble des véhicules est passible d’une amende calculée sur la base de : – vingt mille (20 000) francs CFA par tonne de surcharge pour un transport national, – soixante mille (60 000) francs CFA par tonne de surcharge pour un transport inter-États. Une tolérance de cinq pour cent (5 %) du poids total en charge est cependant accordée pour tenir compte de la marge de fiabilité du matériel de pesage ».
 
L’harmonisation des normes et des procédures du contrôle du gabarit, du poids et de la charge à l’essieu des véhicules lourds de transport de marchandises dans les États membres de l’UEMOA est en vigueur depuis le 1er juin 2016 dans tous les pays de l’Union. Son application dans les pays a pour but de préserver les infrastructures routières et de contribuer à la durabilité des investissements réalisés dans les routes sans oublier la sécurité des biens transportés et des transporteurs.
 
Cette mesure, si elle n’est pas mauvaise en soit, reste tellement contraignante dans le contexte togolais que les opérateurs économiques cherchent de nouvelles destinations pour leurs importations.
 
Il n’y a que le Togo qui est strict avec les charges à l’Essieu. Et pourtant, il y a eu des cas où, le matériel de mesure a montré ses limites. Au Togo, il y a eu des cas ou la charge à l’essieu signale des conteneurs vides comme étant surchargés alors qu’ils ne contiennent rien.
 
Au Bénin, nous voudrions bien insister sur ce cette comparaison car quand les opérateurs vident notre quai la plupart se retrouvent au Bénin, si un transporteur charge et qu’il y a un surplus, il paie les pénalités pour le nombre de tonnes surchargées.
 
Au Togo, il faut carrément faire « le délestage », c’est-à-dire, vider le camion de son trop perçu jusqu’à ce que le poids requis soit respecté. Les camions, hors-normes au niveau des postes de pesage et des frontières des différents pays doivent être stoppés. Si certains pays sont obligés de couper la poire en deux en tenant compte des réalités, le Togo veut bien être le bon élève du regroupement sous régional vis-à-vis du « règlement 14 ». Mais cela a un prix et ce prix, l’OTR le paie les dents serrées.
 
Nous avions touché du doigt des camions arrivés du Ghana avec une marchandise qui doit changer de camion au Togo afin de continuer vers d’autres destinations. Alors que le camion venu du Ghana est visiblement plus petit que celui qui reçoit le transbordement au Togo, les marchandises restaient encore pendant que le camion togolais n’est pas rempli. Ces cas sont fréquents, d’après les services frontaliers et les déclarants en douane. Le propriétaire est contraint de faire deux régimes : un en transit et un en conso. Quelle Charge à l’Essieu a laissé passer le camion du Ghana, quel autre refuse la même marchandise au Togo sous prétexte du surpoids ?
 
Dans certains pays, d’après des informations que nous avions rassemblées auprès des acteurs d’autres ports, pour trouver une solution sous régionale, des délégations de Comités de pilotage sont envoyées en mission pour rencontrer les autorités portuaires que ce soit à Dakar, à Abidjan ou à Lomé. Dans beaucoup de pays tels que le Mali ou le Burkina-Faso, les transporteurs ont demandé une application assouplie avec une marge de tolérance de 20 % sur les 51 tonnes de poids total à la charge. Mais la loi préfère une application intégrale du Règlement avec un taux de tolérance de 5 %. « La loi est dure mais, c’est la loi » dira-t-on. N’empêche que certains pays ont été, à un moment donné, obligés de renoncer, du moins momentanément, à l’application intégrale dudit Règlement. Pour les transporteurs de l’hinterland, Il y a beaucoup de difficultés, car « la logique est de transporter beaucoup pour rentabiliser la marchandise ».
 
Une autre difficulté dans l’application de la mesure de l’UEMOA est l’absence d’harmonisation de la sanction de la surcharge. Tandis que l’organisation communautaire exige le payement de 20.000 FCFA par tonne de surcharge pour le transport national et 60.000 FCFA pour le transport international, certains pays font payer un franc symbolique, pour les mêmes infractions.
 
Certains États portuaires, exception faite du Togo, ne veulent pas être les premiers à appliquer la mesure de peur de perdre une partie importante de leurs partenaires commerciaux des pays de l’hinterland.
 
La disposition 14, c’est aussi et surtout une exigence des partenaires techniques et financiers, notamment l’Union européenne qui, depuis des années, exige la lutte contre la surcharge sur les routes. Ceci est l’une des conditionnalités de leur accompagnement financière dans la réalisation des routes. Un responsable de l’UE martelait si bien: « On ne peut pas continuer à financer vos routes avec nos impôts et taxes et assister impunément que d’autres les détruisent avec l’extrême surcharge ». Voilà une mesure appropriée mais jugée impopulaire par les acteurs, il faut rappeler que « c’est le terrain qui commande l’action ».
 
Cette mesure s’accompagne, de l’augmentation du coût des transports. Au niveau de Lomé, jusqu’ici les débats ne sont pas encore clos entre le Conseil National des Chargeurs et certains grands importateurs. Le conseil doit transporter les 1/3 des marchandises importées au port vers la destination finale du propriétaire de la marchandise, ce dernier doit se charger de transporter les 2/3 de sa marchandise. Mais depuis que la disposition 14 est née, le débat est empoisonné par rapport au prix de transport entre les chargeurs et les propriétaires des marchandises importées, surtout ceux de l’hinterland.
 
En fin de la chaîne, c’est la population qui paie l’ardoise quand on sait que, dans les pays où c’est autorisé, l’opérateur est obligé de revoir les prix de son produit pour rattraper le manque à gagner consécutif à la disposition communautaire. S’il est vrai qu’il faut préserver les routes, « la route du développement passe par le développement de la route », il est autant vrai qu’il faut penser à l’économie. Dans certains pays, les autorités ont vite compris que l’application intégrale du Règlement 14 créera des déficits qu’il va falloir combler.
 
Au Togo, d’une part le Port Autonome de Lomé doit maximiser le profit pour tirer parti de sa position d’eau profonde en étant une destination rêvée pour les importateurs de l’hinterland, c’est d’ailleurs pour cela que les investissements ont été consenti pour renforcer les capacités portuaires, d’autre part, l’autorité veut passer pour un bon élève de l’UEMOA. Deux ambitions qui se neutralisent. Ce ne sont pas les ministres en charge du secteur qui dérogeront à leur devoir. « Application dans toute sa rigueur », la décision de la conférence des chefs d’Etat de l’UEMOA sur la question dite « règlement 14 » est en terre conquise au Togo. « Les brebis galeuses seront frappées par les dispositions en vigueur » a martelé le ministre des transports lors d’une conférence de presse.
 
Les délestages (déchargements en cas de surcharge) sont stricts, ils sont suivis d’amende. Les opérations de charmes se multiplient envers les opérateurs économiques mais les mesures restent strictes. Entre économiser les routes et rentabiliser les atouts économiques du pays, l’autorité tâtonne et les recettes douanières, surtout, battent de l’aile. Eu égard aux résultats, on est en droit de se demander si l’application rigoureuse de certaines mesures n’est pas, pour le moment, un luxe dans le contexte togolais ?
 
Et Antaser-Afrique d’envoyer ses rayons « laser »
 
C’est un flou total qui a caractérisé l’attribution du marché de suivi de cargaison à la société Antaser-Afrique. En effet, c’est par un arrêté ministériel, qu’on annonce l’arrivée de Antaser-Afrique après des arrangements derrière les rideaux comme si les affaires publiques sont des dossiers de secte. Informé de l’extérieur, les partenaires togolais de ANTASER sont allés à la recherche de l’arrêté.
 
Finalement le ministre de l’économie, des Finances et de la Planification du Développement, à l’époque Adji Otèth Ayassor, a jugé bon d’informer les acteurs de la navigation maritime, à travers une cérémonie de lancement.
 
«Tout en n’ayant pas d’objection sur cette décision gouvernementale de changement d’Agent, nous souhaitons néanmoins avoir des informations complémentaires nous permettant d’instruire nos principaux partenaires, vu le caractère pénal que revêt cette décision pour les armateurs », s’écriait Auguste Dogbo, président de l’Association professionnelle des compagnies de navigation et de consignation de navire au Togo.
 
« Si nous avons pris bonne note que la convention avec la société Antaser-Afrique est signée le 20 mai 2015 et que le démarrage des activités de cette société est prévu pour le 1er août 2015, nous souhaitons avoir un délai de 03 mois pour nous permettre une large diffusion de l’information, et ainsi aller à une meilleure application de l’arrêté », va-t-il poursuivre dans la même veine.
 
Il faut rappeler que, dans la logistique internationale, les marchandises sortant ou entrant sont suivies par des bordereaux. L’émission de ces bordereaux est soumise au payement de taxes qui, annuellement, rapportent des milliards à la structure en charge de la gestion desdites taxes. Jusqu’à l’arrivée d’ANTASER, cette taxe était gérée par le Conseil National des Chargeurs du Togo (CNCT).
 
Le Togo a adopté le BESC, Bordereau Électronique de Suivi des Cargaison. Il sera exigé pour toute marchandise en provenance ou à destination du Togo.
 
Ce dispositif permettra au Conseil national des chargeurs de tracer tous les trafics de marchandises à l’import ou à l’export.
Le BESC est un instrument dont l’une des finalités est de maîtriser de manière absolue le flux des marchandises arrivant ou sortant. La gestion de ces Bordereaux électroniques de suivi des cargaisons a été confiée à Antaser-Afrique dont le siège est à Anvers en Belgique, un des pays de provenance du carburant frelaté trafiqué dans les eaux profondes du Togo. Avant, l’importateur paie en Europe et quand la marchandise arrive ici il présente le reçu de paiement de l’autre côté et le travail se poursuit. Maintenant, même s’il paie au lieu de l’importation, il doit encore payer ici. Or d’après les informations rassemblées, le fait de payer au lieu de départ des produits aide la douane dans son travail.
 
Les limites de ces structures, introduites à l’emporte-pièce pour se partager les activités d’import-export au Togo, sont nombreuses. D’abord ce sont des bureaux disséminés dans la capitale et les déclarants en douane doivent courir ici et là pour les formalités. Les autorités actuelles semblent signer des contrats d’exploitation avant de réfléchir aux conséquences possibles.
 
Quand le fameux système de scanner est venu par exemple, Eyadema était encore en vie. Dans les négociations pour installer ce système, un conteneur a été scanné et les clichés religieusement présentés au feu président alors qu’il était en entretien avec son conseillé de tous les jours, Barry Moussa Barqué. Il regarde les films à lui présenté et ne voit qu’un plastique noir, il tourne, il ne voit rien. Il remet le film à son conseiller, « regardes si tu vois quelque chose ». Barqué scrute le papier plastique et dit aussi qu’il n’a rien vu. « Pourquoi, tous est noir, comment vous arrivez à distinguer les objets suspects s’il y en existe », a apostrophé Eyadema. Il remet le coli avec cette remarque, « en attendant que les films soient clairs, la société ne s’installe pas ». C’est ainsi qu’on a jamais parlé de scanner au port au temps d’Eyadema. Mais à peine il est mort, toutes ces sociétés sont accueillies à bras ouverts.
 
On nous dira que SEGUCE, Antaser, COTEC et autres scanner ne sont pas des spécifiés togolaises, oui. On peut même venter les résultats de ces structures dans certains pays, d’accord. Mais quelle est le bilan au Togo ? Jusqu’à quel point l’autorité a pu adapter ces structures à nos réalités. Est-il trop tôt de s’inquiéter quand ces instruments qui ont promis relancer l’économie assistent à la plongée des recettes des différentes régies financières ? Pour se limiter au seul cas de la douane, ce n’est pas à nous de vous dire qu’avant l’OTR, malgré le désordre qui s’y était installé, la douane versait 40 à 45 milliards CFA le mois. A l’époque, les impôts de dame Ingrid Awadé, ne versaient qu’une portion congrue. Nous le disions plus haut, les Togolais n’étant pas sensibilisés sur la nécessité de payer les impôts et le peu qui rentraient servant à financer les activités politiques du régime RPT-UNIR puis les comptes de la race qui avait fait un bail sur les impôts.
 
Aujourd’hui, il arrive des périodes où l’on est déjà au 20-25 du mois alors que les recettes douanières glanent avec 8 milliards sur les 22 milliards mensuels attendus. Depuis que l’Office Togolais des Recettes est installé, les impôts assurent une partie des recettes, un taux qui devrait en toute logique être un peu moins grand que le taux fixé à la douane, et la douane assure une autre partie.
 
Actuellement, le commissariat des impôts doit mettre les bouchés doubles pour sensibiliser les Togolais sur l’obligation de payer les impôts, la douane a, au même moment, des difficultés pour cause d’opérateurs économiques qui se font désirer. Il est donc évident que le chantier est vaste devant le Rwandais unilingue anglophone Henry Gaperi et ses hommes. De nos jours, parfois les recettes mensuelles à la douane s’arrêtent à 12 milliards CFA, de sources bien introduites. Malgré sa gestion villageoise des biens du pays, au Temps d’Eyadema, c’est grâce aux recettes douanières que le pays a résisté à la coupure des relations économiques avec les partenaires en développement.
 
A un moment donné, tout récemment même sous Faure Gnassingbé, nous vous avions publier des dossiers faisant état de ce que, certains mois, quand la douane a des difficultés pour combler les recettes, elle fait appel à certains grands importateurs, qui préfinancent les recettes. Une fois leurs marchandises arrivées, ils n’ont plus rien à payer. Nous vous disions à l’époque que certains importateurs de motos chinois étaient utilisés pour ces opérations. Aujourd’hui, il n y a même pas de grands importateurs pour faire ces gymnastiques. Les opérateurs économiques ne veulent plus faire les frais des dysfonctionnements, des lourdeurs administratives et autres faux frais. Ils vident le port malgré les investissements pour rendre celui-ci compétitif. Les importateurs paient 50.000 FCFA par conteneur au niveau du scanner, mais Dieu seul sait comment ça fonctionne, même une poupée est signalée, il faut vider le conteneur pour voir de quoi il est question.
 
Un adage d’un intellectuel togolais stipule que « quand tu as chaud chez toi, tu ouvres une fenêtre à ta maison, mais quand tu as chaud chez un ami, tu ne peux que sortir au dehors pour chercher de l’air ». Ainsi, beaucoup d’opérateurs, à défaut de retourner au bercail faute d’atouts maritimes, se sont dirigés chez les amis où il fait moins chaud. Malgré le port en eaux profondes, les activités ont pris du plomb dans l’aile, les opérateurs économiques ne veulent pas se faire noyer dans les eaux profondes togolaises.
 
Une réforme est née, l’OTR, elle a assaini les milieux corrompus de la douane et des impôts, mais elle s’est installée avec des partenaires invités de gauche à droite par des parrains plus intéressés par ce qu’ils gagnent que par ce que le pays gagne. Partout ailleurs, quand on privatise un secteur d’activité, c’est pour rentabiliser, mais au Togo c’est le contraire, on privatise pour permettre aux individus de vivre des commissions et autres actionnariat sans se soucier de ce que le public gagne.
 
Entre autres exemples, le Togo dispose des cuves d’entreposage des produits pétroliers. Les structures qui les gèrent sont connues sous les noms de la STSL, pour l’entreposage sous régional et la STE pour l’entreposage de la consommation nationale. Il y a quelques années, la gestion de ces structures étaient assurée par un comité interministériel. Les bénéfices annuels allaient déjà au-delà de 1,5 milliards de CFA au trésor public quand la gestion est devenue une gestion à économie mixte. Mais que récolte l’Etat, si ce n’est un chiffre annuel largement en deçà des chiffres de la gestion interministérielle. La vie continue et ceci n’est qu’une parenthèse.
 
Quand une privatisation est en négociation, ce qui revient dans la démarche des négociateurs togolais est « qu’est-ce que moi je gagne ? ». Cette question a fait avorter beaucoup de démarches qui pourtant pouvaient être utiles au pays. Nous citons juste entre autres l’échec de la négociation du rachat de la raffinerie du pétrole par UNIGLOBAL, alors que les experts de ce géant sont déjà avancé dans les travaux techniques. UNIGLOBAL est une société nigériane basée à Freetown. La raffinerie du pétrole au Togo est un éléphant blanc installée à 11 milliards de FCFA par le Togo. Elle ne fonctionnera à plein temps que pour 3 ans.
 
Pour revenir aux fameuses sociétés installées, soit dit, pour le bon fonctionnement du port, peu importe si leur présence est un frein au bon fonctionnement des activités portuaires, peu importe si elles ne sont là que pour expatrier les bénéfices sans se soucier de ce que l’économie gagne de leur prestation, l’autorité fait la sourde oreille et les mesures impopulaires, sans associations des acteurs de terrains, vident les quais.
 
De sources renseignées, c’est sur un compte personnel d’un des DG des structures ci-dessus indexées que se verse l’argent de la structure qu’il gère. Nous ne voudrions pas savoir combien l’Etat gagne de toutes ces structures, la seule certitude qui inquiète est que leur présence fait plus de mal que du bien en renvoyant les partenaires qui ne cessent de les récriminer pour justifier leur départ. Ces messieurs ne sont pas des humanitaires, ils sont venus en affaires, ce qui est normal. Ils gagnent du Togo, mais qu’est-ce que le Togo gagne d’eux ? S’ils ne gagnaient pas, ils auraient déjà résilié les contrats. Ce n’est pas assez d’arriver dans un pays où il y a des opportunités d’affaires, de se trouver des parrains qui prennent tantôt des actions sous couverts des prête-noms tantôt des rétro-commissions, de s’y installer pour remplir des contrats qui plombent l’économie. Il faut bien évaluer le partenariat avec tout ce beau monde qui empoisonne l’environnement portuaire pour voir qui fait quoi, et qui fait gagner quoi au pays.
 
L’OTR, en imputant des redressements fiscaux de gauche à droite est dans son rôle car tout citoyen doit payer les impôts, et s’il en existe qui contournent, il faut les discipliner. Toutefois, l’office doit aussi voir si ses partenaires lui facilitent la tâche, qu’est ce qui fait fuir les importateurs. Si l’on doit continuer au rythme actuel, un jour viendra où il n’aura pas de sociétés à redresser, car mêmes les établissements locales auraient quittés pour trouver terre d’accueil sous d’autres cieux. On aurait ainsi admis l’Ange en enfer pendant que Satan trône au paradis.
 
A suivre.
 
Source : Abi-Alfa, Le Rendez-Vous N° 288 du jeudi 24 Novembre 2016
 

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