Hissène Habré, l’ex tout-puissant président du Tchad dans les années 80 a été reconnu ce lundi coupable crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et viols. Au terme d’un procès mouvementé à Dakar au Sénégal, il est condamné à la prison à perpétuité par les Chambres africaines extraordinaires et devra donc passer le restant de ses jours dans les geôles.
 
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L’ancien homme fort du Tchad est simplement rattrapé par son passé. Un sort lamentable qui devrait normalement faire réfléchir par deux fois les dirigeants africains actuels dont le Prince togolais qui se croient tout permis.
Le passé rattrape Hissène Habré, condamné à vie
 
Ouf, devraient pousser les victimes de ses atrocités et défenseurs des droits de l’Homme engagés dans ce processus de justice. Hissène Habré, l’ancien tout-puissant président du Tchad de 1982 à 1990, vingt-six (26) bonnes années après sa chute, est rattrapé par les crimes de sa régence. Jugé par un Tribunal spécial créé à Dakar au Sénégal, les Chambres africaines extraordinaires, il a été reconnu coupable de viols, mais également de crimes contre l’humanité et crimes de guerre, et condamné à la prison à vie ce lundi 30 mai 2016. « Hissène Habré, la Chambre vous condamne à la peine d’emprisonnement à perpétuité », telle est la sentence prononcée à son encontre par le président de la Cour, Gbertao Gustave Kam.
 
La responsabilité directe de l’ancien homme fort du Tchad a été reconnue dans le système répressif qui avait d’abord broyé ses opposants avérés ou les citoyens soupçonnés de l’être, puis les communautés du sud du pays accusées de façon fantaisiste de soutenir des rébellions contre son régime. La Cour le présente comme le grand ordonnateur des actes iniques dans le système mis en place au cours de sa régence où la terreur et l’impunité faisaient loi.
 
« Hissène a au minimum autorisé la mise en place des réseaux des prisons, la DDS (Ndlr, Direction de la documentation et de la sécurité) y compris la construction de la piscine en 1987. Il s’est également assuré de son bon fonctionnement à travers la DDS. Hissène Habré donnait des ordres d’arrestation, de libération et d’exécution de prisonniers détenus dans les prisons de la DDS. Hissène Habré participait directement aux interrogatoires et aux séances de torture, parfois en infligeant lui-même des sévices ou en les ordonnant», a déclaré le président de la Cour.
 
Pour en arriver au verdict, des milliers de documents ont été exploités au cours de l’instruction. Il a été relevé que sous la houlette de la DDS, les arrestations extrajudiciaires, les conditions de détentions atroces et systématisées, la pratique de la torture, mais aussi le viol étaient systématiques. Mais la Cour s’est aussi fondée sur des témoignages de victimes vivantes– il a été enregistré à des milliers de morts durant les 8 ans de son règne-, dont celui particulier d’une dame, la nommée Khadija Hassan Zidane, qui a affirmé pendant le procès avoir été violée par Hissène Habré en personne.
 
Bien évidemment, c’étaient des clameurs, mais aussi des pleurs de joie qui ont accompagné le prononcé du verdict dans la salle dans les rangs des victimes et leurs proches. Car le chemin n’a pas été de tout repos. Les victimes ont dû lutter durant vingt-six (26) bonnes années pour en arriver là.
 
Hissène Habre dispose de quinze jours à partir de l’énoncé de ce verdict pour interjeter appel et engendrer un nouveau procès devant les mêmes Chambres africaines extraordinaires.
 
Les satrapes africains avertis
 
L’intérêt de ce procès, ce n’est pas tant la nature de la sentence, ni la personne jugée ; mais le fait que cette condamnation de l’ancien président tchadien intervienne plus d’un quart de siècle après son règne. Et en plus, l’homme a été jugé par une Cour africaine, contrairement aux habitudes. Jusqu’alors, les auteurs de génocide et autres criminels contre l’humanité du continent n’étaient jugés que par des tribunaux ad hoc créés sous l’égide des Nations unies – Tribunal pénal international pour le Rwanda, Tribunal spécial pour la Sierra Leone – ou à la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, créée en 2002.
 
Autant de choses qui suscitent souvent des égo et donnent du grain à moudre à certains dirigeants qui voient à tort ou à raison derrière ces procès le diktat de la communauté internationale et parlent d’acharnement contre les Africains. La création en 2006 des Chambres africaines extraordinaires pour juger Hissène Habre est légitimement peinte comme l’affirmation d’une souveraineté de l’Afrique sur ses propres dossiers judiciaires, mais également la revendication d’une certaine maturité démocratique. C’est clair qu’aujourd’hui, les Africains accusés de crimes reconnus par le droit international peuvent être jugés par des Africains – et non des Blancs – et condamnés. Les observateurs parlent d’une peine exemplaire pour un procès historique. C’est ce qui confère à ce procès tout son intérêt, et cela doit faire réfléchir les dirigeants du continent.
 
Au plus fort de son règne où il était omnipotent, disposant de la vie des citoyens à volonté, faisant arrêter et torturer ses opposants, ordonnant l’exécution de certains, Hissène Habré ne devrait pas un seul instant penser qu’un jour, il devrait payer pour ses crimes divers. Il croyait certainement mourir au pouvoir afin de ne pas devoir rendre compte. Il devrait projeter se la couler douce jusqu’à la fin de sa vie. Mais le sort en a décidé autrement. Renversé par Idriss Deby Itno – c’est un autre cas -, il est écroué par la justice un quart de siècle plus tard. C’est simplement le passé qui l’a rattrapé. Fini la dolce vita de ses années de gloire. Fini l’autoritarisme. Plus de ripailles et jouissances diverses. Place à la prison à perpétuité.
 
La morale de l’histoire, c’est qu’on peut être rattrapé par ses actes plusieurs années après son règne, car l’impunité n’est jamais éternelle. Et la leçon s’adresse particulièrement aux satrapes africains actuels qui croient détenir le droit de vie et de mort sur leurs concitoyens. Le triste sort de Habré est un avertissement à eux adressé.
De la sagesse pour Faure Gnassingbé
 
Lui, il n’a pas encore perdu (sic) le pouvoir. Faure Gnassingbé est venu en 2005, il y est resté et ne s’est pas encore fixé une limite. Il suffit de voir son obscurantisme face à la question des réformes de l’Accord politique global (APG) pour s’en rendre compte. Il est encore tout-puissant, prive de liberté qui il veut, pour un oui ou non. Kpatcha Gnassingbé, Pascal Bodjona et bien d’autres en savent quelque chose. Dans l’affaire des incendies, il cherche à mettre le grappin sur ses opposants. Au regard de la nature de la Justice togolaise, rien ne l’empêcherait d’aller au bout. Mais il lui faudra se rappeler simplement demain.
 
Aujourd’hui c’est Hissène Habré qui est affiché à la face du monde. Mais les crimes dont il est accusé, ou peut-être leurs sosies, se passent aussi au Togo. C’est un millier de Togolais qui ont été tués en avril 2005, afin que Faure Gnassingbé succède à son géniteur. Les auteurs de ces tueries qui avaient fait ses affaires sont bien connus, mais ils sont protégés par son régime.
 
La Justice togolaise dont on clame la modernisation refuse, depuis dix (10) ans, d’instruire les plaintes déposées par les victimes. La torture est un crime bien présent dans notre pays. Les inculpés dans ce dossier, en témoigneront, eux qui ont été soumis à des séances atroces afin de noyer Kpatcha Gnassingbé, de même que Bertin Sow Agba, entre autres victimes. Pour avoir investigué et reconnu l’existence des tortures et actes inhumains et dégradants dans l’affaire d’atteinte à la sureté de l’Etat, l’ancien président de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) Koffi Kounté a dû prendre ses jambes à son cou pour préserver sa vie. Des citoyens sont tués pour un oui ou un, des assassinats politiques ont cours sous le mandat de Faure Gnassingbé ; le cas Atsutsè Agbobli, retrouvé mort le 15 août 2008 est une illustration palpable. Les viols ou crimes assimilés se passent tous les jours dans notre pays, loin des yeux et des oreilles indiscrets…
 
Même si pour la cause des victimes, on peut se réjouir de ce triste sort d’Hissène Habré, ce n’est jamais plaisant de voir un ancien dirigeant d’un pays qui avait connu la gloire devoir être traîné dans la boue. Raison donc pour les gouvernants africains, particulièrement le « champion national » de savoir raison garder. Son passé pourrait bien le rattraper. La sagesse devra le guider dans ses actes car il pourrait bien un jour devoir rendre compte lorsqu’il ne sera plus aux affaires…
 
Source : Tino Kossi, Liberté
 



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