cap2015_tournee27fev2015


Lentement mais (pas forcément) sûrement, le processus électoral de 2015 entre dans sa dernière phase. Un pas énorme a été franchi, avec la publication des conclusions des experts de l’Organisation internationale de la francophonie ( Oif ) appelés pour la « consolidation du fichier électoral ». Une fois n’est pas coutume, c’est unanimement que la classe politique salue ce travail, notamment les courants politiques qui ont requis l’audit du fichier. Mais est-ce le démantèlement total de la machine à fraudes du pouvoir ?
 
Satisfaction unanime de la classe politique
 
C’est formellement hier que les experts de l’Oif qui se sont mis à la tâche depuis le 14 mars, ont rendu publiques les conclusions de leur analyse du fichier électoral, au cours d’une conférence de presse. Mais déjà depuis mardi, à l’occasion de la nième rencontre du Comité de suivi du processus électoral mis en place par le Premier ministre Arthème Ahoomey-Zunu, on en sait suffisamment sur les résultats.
 
On retiendra que ce travail de nettoyage a permis de déceler et supprimer 8119 inscriptions identifiées comme des doublons, et le fichier électoral s’établit désormais à 3 509 258 électeurs. C’est ce nombre de Togolais qui sont appelés à voter le 25 avril prochain. Globalement, le fichier est expurgé des doublons et autres anomalies. Il est donc a priori sain. Néanmoins les experts ont formulé un ensemble de recommandations. C’est la fin d’un feuilleton qui dure depuis plusieurs semaines.
 
La classe politique togolaise, précisément le parti au pouvoir et l’opposition ne sont pas réputés s’entendre comme larrons en foire. Ils brillent plutôt par des divergences, se bouffant sur tout et rien. Mais une fois n’est pas de coutume, les candidats au scrutin et la classe politique ont validé ces résultats. « La synthèse des travaux a donné satisfaction à l’ensemble des participants et la Céni entend poursuivre les travaux avec sérénité », a déclaré Taffa Tabiou, le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), à l’issue de la réunion. Même satisfaction exprimée au niveau du Cap 2015. « Nous sommes rassurés par le fait que les anomalies ont été détectées et corrigées. La délégation (de l’Oif, Ndlr)a fait tout ce qui était en son pouvoir, avec les contraintes de temps, pour nous présenter un fichier qui soit à peu près acceptable », a confié sa présidente, Mme Brigitte Adjamagbo-Johnson. « Alléluia, tout le monde est d’accord ! », s’est légitimement écrié republicoftogo.
 
Des zones d’ombre persistent
 
Huit mille cent dix-neuf (8119). C’est le nombre d’inscriptions identifiées comme doublons et corrigés, d’après le rapport rendu public par les experts. Une estimation qui a de quoi interpeler, lorsque l’on fait la comparaison avec les chiffres avancés par le Cap 2015 et Alberto Olympio, le président du Parti des Togolais. Faut-il le rappeler, le regroupement politique dont Jean-Pierre Fabre est le candidat a fait une analyse très partielle du fichier et constaté plus de 29 000 doublons. Le Cap 2015 a relevé au cours d’une conférence de presse tenue le 3 mars 2015 que le fichier de 2013 à lui fourni contiendrait environ 30 % d’électeurs fictifs. A sa suite, Alberto Olympio a à son tour relevé près de 260 000 doublons, là aussi au terme d’une analyse partielle. Question : sont-ce les mêmes fichiers qui ont été remis aux trois parties ?
 
Le fichier remis à Alberto Olympio, à l’en croire lors de la conférence de presse organisée à Brother Home le 25 mars dernier, contiendrait 2.957.018 électeurs. Alors que le cumul des votants sur les 7443 fichiers PDF mis à la disposition du Cap 2015 donne en tout 3.043.998 électeurs. Une différence qui atteste que ce ne sont pas les mêmes fichiers qui ont été remis aux deux requérants. Et manifestement, c’est un autre qui a été mis à la disposition des experts de l’Oif. « Il apparaît évident que le fichier remis aux experts de l’Oif pour leur analyse est différent et peut-être moins corrompu. Sinon les résultats seraient proches de ceux du Cap 2015 et d’Alberto Olympio », relève un compatriote. La preuve, les experts de l’Oif n’ont décelé que 8119 doublons. Comparés aux nombres découverts par le Cap 2015 et Alberto Olympio, il y a un gap énorme qui incite à la réflexion. Faut-il le rappeler, même le rapporteur de la Ceni, Yao Daté a entre-temps reconnu sur une chaine radio de la place que la Ceni elle-même a découverte sur le fichier de 2013 plus de 70 000 doublons.
 
Et lorsqu’on analyse certains propos récents du ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales au sujet de la polémique sur le fichier électoral, on ne peut que se retenir de crier très tôt victoire. « On nous parle de fichier électoral corrompu, de doublons, d’électeurs fictifs. Il n’y a qu’une seule manière de dissiper les craintes. Nous avons sollicité la Francophonie pour nous aider à consolider les listes électorales. Nous verrons lundi si les experts des candidats, ceux de la Céni et de l’Oif ont trouvé dans le fichier électoral 30% de doublons ou plus de 250.000 doublons », s’est vanté Gilbert Bawara le 30 mars dernier, à la veille d’une conférence de presse annoncée qui devrait voir les experts rendre publiques les conclusions de leur analyse. C’étaient visiblement des propos de quelqu’un qui semblait connaitre à l’avance les résultats et était serein, qui se savait visiblement avoir posé un lapin à ses adversaires politiques. Après la sortie des experts de l’Oif, on se rend à l’évidence.
 
La vigilance toujours de mise
 
Dans le camp des candidats de l’opposition, notamment celui du Cap 2015, on a peut-être toutes les raisons de jubiler que ces résultats rendus publics confirment l’existence de doublons et la corruption du fichier électoral. Surtout que chacun des présidentiables a envoyé son expert qui a travaillé avec ceux de l’Oif et de la Ceni pour aboutir à ces conclusions. D’ailleurs le regroupement politique avait promis depuis se fier à la Francophonie. « Si au bout de ces 10 jours, l’Oif qui est en train de travailler sur le fichier, estime que le fichier est maintenant bon et que nos experts confirment, là, nous serons preneurs », a déclaré le lundi 31 mars sur RFI, Dr Georges-William Kouessan, porte-parole du Cap 2015. Néanmoins la satisfaction ne doit pas occulter la vigilance.
 
« Je pense que les opposants crient trop tôt victoire. La vraie question qu’il faut désormais se poser est la suivante : est-ce le fichier assaini par les experts de l’Oif qui sera utilisé par la Ceni au cours du scrutin ? Fabre et les siens ne perdent rien à être prudents». Cette réaction d’un concitoyen sonne comme une alerte et devrait éveiller l’attention des partisans de l’alternance. Car le non-respect de sa parole donnée, les volte-face et tours de ruse sont des traits caractéristiques du pouvoir en place. Rien ne rassure que c’est le fichier assaini qui sera utilisé. Est-ce de bonne foi que le pouvoir a fait appel à l’Oif pour venir consolider le fichier électoral ? Cette initiative ne cache-t-elle pas des arrière-pensées, des plans B pour gruger l’opposition après ?
 
C’est une constance, le pouvoir Rpt/Unir est coutumier des pièges, des coups tordus et autres actes pour endormir ses adversaires politiques et les gruger à la fin. Et avec la détermination de Faure Gnassingbé à s’offrir un 3e mandat à tout prix, sa disposition d’esprit à violer systématiquement les dispositions légales, de bon sens ou encore de civilités démocratiques, rien n’est à exclure. Il est actuellement forcé la mise en place du fameux système de transmission des résultats dénommé « Success ». Un système qui n’inspire nullement confiance. La vigilance devrait être au demeurant le maître mot au niveau du Cap 2015.
 
Source : [09/04/2015] Tino Kossi, Liberte-Togo
 

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