Le saviez-vous ? L’année dernière, Faure Gnassingbé a passé au moins 4 mois hors du pays ? C’est sans compter ses visites « spéciales » qui ne sont enregistrées à aucune archive, qui n’ont laissé aucune trace et qui ne sont relayées par aucun communiqué.
Cette année déjà, je me suis amusé à compter, ne serait-ce que celles du 30 janvier au 10 Mars. Addis-Abeba, Paris (privée), Rome (privée), Washington, Egypte (d’Etat), Ghana (officielle), Congo (d’amitié). Ce sont celles dont j’ai souvenance. 7 déplacements hors du pays en 6 semaines. Et dire que c’est pendant la période la plus périlleuse pour son système ? Plusieurs grèves et mouvements d’humeurs étaient en ébullition dans le pays, une fronde sociale engendrée par deux augmentations injustifiées des prix de produits pétroliers et des centaines de milliers d’étudiants et élèves couraient dans les rues de Lomé et des villes de province. Pendant ce temps, sûr de lui et certain de ne rien craindre pour son trône, le président est en divagation intercontinentale. S’il doit voyager autant alors qu’il a plus de conseillers avec rang de ministres que la plupart de ses pairs de l’espace Uemoa par exemple, c’est qu’il a échoué à les rendre utiles ou qu’il n’a pas grand boulot dans ses palais de Lomé.
Entourage venimeux…
C’est peu dire que d’écrire que depuis quelques mois, peut-être même quelques années, le président de la République prend des risques avec son pouvoir, le pays et avec lui-même. En surfant, certain de ses illusions, sur de petites « réussites » internes liées à ses manigances et à une forme de machiavélisme tropical dont il est a le secret, il s’est progressivement installé dans les conforts du royalisme, qui n’ont de sens de réalité que l’isolement et les égarements du monarque.
Né fils de président et devenu, au détour d’un malencontreux arrêt cardiaque, président lui-même, il n’a pas eu le temps d’avoir été « citoyen ». Pendant un demi-siècle, il n’a été que fils de président et chef d’Etat. La nouvelle baronnie qu’il a créée, celle de ses copains d’enfance et de ses « copines » l’éloigne davantage de la réalité, parce que dans la réalité, aucun d’entre eux ne sera à sa place. Soit en affichant les richesses accumulées souvent par détournements de fonds publics et arrangements louches au sommet de l’État (l’un avait même son garage climatisé), ils narguent les pauvres (de plus en plus nombreux du fait de leurs agissements) ; soit partageant une certaine intimité du chef de l’État, ces copines jouissent d’une immunité si ce n’est une impunité tout risque. Sinon, comment comprendre que, alors que dans le cadre de l’élection du Togo au programme Challenge Millénium Account (MCA), les experts américains aient été scandalisés par notre accès à l’internet et l’état de nos installations alors que, s’étant privée volontairement de directeur de cabinet, Cina Lawson se livre à des consultants internationaux par lesquelles elle siphonne allègrement les deniers publics, orchestrant des salaires hors de toute imagination ?
Ministre super et intouchable, Cina Lawson participe aux conseils de ministres au gré de ses songes de la nuit précédente. Je m’en souviens encore comme, quand il est arrivé à sa collègue de la communication, Anaté Kouméalo, de passer plusieurs heures en salle d’attente afin de discuter avec elle sur le projet de numérisation de la télévision en cours. Finalement, après avoir encaissé ses 35 milliards (coût du projet et avenants compris), Générale d’Afrique, la société qui avait, sans appel d’offre décroché le marché est en fuite libre avec la complicité d’un certain Otèth Ayassor.
Plus l’enlisement persiste, plus il est risqué
Après la crise, l’incapacité (sans doute ici volontaire ou due à une certaine procrastination) d’y faire face, nous voilà à l’étape la plus grave, celle de l’enlisement. Celle où, à force d’accumuler des situations de crise sans jamais rien faire, on arrive à un niveau d’autisme passif tel qu’on est habitué aux crises au point d’en faire un état normal. C’est le pire qui puisse arriver et nous y sommes. Il ne reste, dans ce cas, qu’un événement inattendu. Il peut être, dans le cas du Togo, de deux ordres.
Soit le président de la République lance quelques signaux forts. Avec d’abord un remaniement immédiat (avec changement ou maintien de premier ministre) ; en se soustrayant à ses réseaux qui lui proposent des paresseux si ce n’est des corrompus. Sans savoir que incompétent et égaré, Komi Klassou incarne toute l’image de l’ineptie, du manque d’autorité et même de l’inexistence totale. Il n’est plus, à contrario de ses deux derniers prédécesseurs (Houngbo et Ahumey-Zunu) que le premier des ministres. Le mieux aurait été de le remplacer.
Puis, mettre à l’écart ceux qui, par leur posture et les actes, nuisent à l’image même du régime. Bernadette Légzim-Balouki, ministre du commerce qui accumule des marchés gré à gré injustifiables et qui, en orchestrant les augmentations des prix des produits pétroliers, s’écarte au minimum du mandat social prôné par Faure Gnassingbé.
Ninsao Gnofam, ministre des travaux publics devenu du vol et de la corruption, l’image la plus ambivalente et la plus réussie qui soit.
Gilbert Bawara et Komi Paalamwé Tchakpélé (ministres de la fonction publique et celui de l’enseignement primaire et secondaire) n’ont, face à la crise sociale et scolaire, pu trouver la moindre solution, voltigeant d’arrogances en provocations. Le premier est un technocrate compétent qui peut servir ailleurs, le second est un ancien président d’université qui n’arrive pas à faire deux phrases cohérentes, on peut s’en passer.
Ouro Koura Agadazi, ministre de l’agriculture. Il détient l’un des portefeuilles cardinaux du « mandat social » et n’en a rien fait de palpable. Depuis son arrivée, 600 milliards sont déjà allés dans divers projets liés à son département, sans aucun impact sensible. Les centaines de milliers de tonnes de céréales donnés par le Japon entre 2011 et 2017 ont été vendus dans des conditions d’une opacité sacramentelle. On ne l’a jamais vu distribuer de la farine de blé alors que le pays du Soleil Levant nous en a donné au moins 25.000 tonnes en 3 ans. Cumulant l’Agence nationale de sécurité alimentaire du Togo (ANSAT, dont il est le directeur) et le ministère de tutelle, il a une double onction à la magouille.
Victoire Tomegah-Dogbé qui vient d’être désavouée sur le PUDC dont la surveillance a été rattachée au chef de l’Etat, a créé à la présidence une ambiance presque invivable pour ceux qui ne sont ni de Vogan, ni complices de sa gestion. Elle est devenue la femme des susceptibilités et petits coups bas.
Les ministres Sessou, Agbetomey, et Kolani-Yentchabre (dont on se souvient à peine des portefeuilles) peuvent passer le fauteuil pour faire du vide en ce moment où le gouvernement a plus jamais besoin de ministres dynamiques et communicationnellement actifs. En dégageant tous ceux-là, Faure pourra susciter un nouvel envol d’espoir et déchaîner les dernières espérances.
Soit l’enlisement continue et tout peut arriver. Une décrépitude subite provoquée par l’affrontement entre plusieurs conjonctures sociales et/ou politiques. Peut-être même une chute favorisée par la guerre des clans autour du Président de la République. Ces multiples réseaux qui se partagent le pouvoir tout en s’opposant l’un à l’autre. Et qui sait, aussi possible une révolte de l’homme qui a faim (et les Togolais sont de plus en plus nombreux dans le cas) et qui n’en peut plus de voir « une minorité » s’emparer de tout. Même si l’armée semble sous contrôle, face à l’enlisement, tout peut arriver. Quand un million de Togolais envahissent les rues, même en attribuant à chacun une demie balle de kalachnikov, on épuisera toutes nos réserves sans en tuer le quart. Il y a donc de quoi faire attention. Toutes les issues du pire sont encore possible, il urge donc de sauver la situation !
Source : Max-Savi Carmel, Afrika Inter