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L’hypocrisie est un vilain défaut, dit l’adage. Mais puisque le ridicule ne tue pas, dans leurs postures éhontées, beaucoup, se foutant éperdument du qu’en dira-t-on, traînent encore leur nature dans des actions exemptes de moralité, privant ainsi la société d’un minimum de bon sens. C’est le cas des politiques qui, feignant ignorer leurs maladresses du passé, se retrouvent dans des situations dont l’objectif principal suscite assez de réactions. Le 12 avril 2020, dans une tribune signée dans Financial Times, le président togolais, Faure Gnassingbé lançait un appel à la diaspora pour une mobilisation de ressources contre la pandémie de covid-19. Un appel très surprenant lorsqu’on connait le manque d’égards des gouvernants à cette diaspora.

D ans le cadre de la riposte contre le nouveau coronavirus, le covid-19, le chef de l’État togolais, Faure Essozimna Gnassingbé, énonçait dans sa tribune et dans une vision beaucoup plus large, celle concernant l’Afrique, que les effets en cascade de la pandémie sur le commerce mondial, combinés à la pression budgétaire de l’effort de réponse, signifient que les pays africains, y compris le Togo, ne peuvent à eux seuls circonscrire les conséquences créées par la pandémie. « Plus que jamais, le soutien des donateurs internationaux, des partenaires au développement, des philanthropes, des amis de l’Afrique et, surtout, des diasporas nationales peut faire la différence. À cette fin, au Togo, nous avons créé un Fonds national de solidarité et de relance économique pour aider à mobiliser l’argent dont nous avons besoin pour réussir », a déclaré le président togolais. Si sa sortie médiatique ne devait en réalité souffrir d’aucune ambiguïté, puisque le chef de l’État togolais est bien dans son rôle d’encourager des investissements étrangers visant à accroître la capacité financière de son pays afin de subvenir aux besoins vitaux des populations heurtées par la catastrophe économique générée par la pandémie, l’on doit néanmoins concevoir que l’appel de Faure Gnassingbé à la diaspora vient à un moment où celui-ci ne peut échapper aux critiques. En effet, lors du processus électoral dernier, si les Togolais de l’étranger ont été pour la première fois autorisés à participer aux élections, dans les faits, cette ouverture plus politique que logique, a fait l’objet de sérieuses restrictions qui ont laissé une part importante de la diaspora à quai lors de l’élection présidentielle du 22 février 2020. Pour mémoire, le 05 novembre 2019, l’Assemblée nationale togolaise a adopté une modification de la loi électorale permettant enfin aux Togolais établis à l’étranger de participer aux élections nationales.

Ce fut, rappelons-le, une revendication de longue date de l’opposition, reprise dans les recommandations d’août 2018 de la CEDEAO, soit un an après le déclenchement de la crise politique du 19 août 2017. Ainsi, la Conférence des chefs d’États ouest-africains avait demandé à l’exécutif togolais de procéder, soit par voie parlementaire ou par consultations électorales à l’adoption des réformes en vue de permettre aux Togolais vivant à l’étranger de voter dans leurs lieux de résidence lors des élections nationales. De guerre lasse, en adoptant enfin la réforme, le régime togolais y est mis des mesures restrictives, visant indubitablement l’exclusion d’une grande partie de la diaspora. En termes clairs, les Togolais de la diaspora désireux de participer à l’élection du président de la République, ne devront s’inscrire sur la liste électorale que munis de leur passeport et d’une carte consulaire datant d’au moins six mois. Une idée d’exclusion dénoncée à l’époque aussi bien par l’opposition extraparlementaire qu’une partie de l’opposition parlementaire.

Conséquence : Sur plus de 2 millions de Togolais établis à l’étranger, seulement 348 ont pu se faire inscrire sur les listes électorales. D’ailleurs, ceci n’est possible que dans six pays du monde, notamment la France, les États-Unis, la RDC, le Nigeria, le Maroc et le Gabon. Une réalité qui met à nu cette volonté politique dissimulée du régime togolais d’exclure du processus électoral, une large part des Togolais de l’étranger qui s’est depuis prononcée en faveur de l’alternance pour la démocratisation et le développement du Togo. Elle a plus donné de la voix contre le pouvoir du président Faure Gnassingbé lors de la crise politique du 19 août 2017 qui a débouché sur l’élection présidentielle du 22 février 2020. D’où cette volonté de l’exclure sournoisement du processus électoral passé.

La diaspora en chiffres…

En termes d’apports financiers et d’influences positives sur l’économie nationale, la diaspora togolaise joue un rôle non négligeable dans l’évaluation du PIB, Produit Intérieur Brut. C’est d’ailleurs ce qui explique l’appel du 12 avril 2020 du Président Faure aux Togolais de l’étranger en vue de soutenir l’initiative du Fonds national de solidarité et de relance économique. Pour rappel, en 2018, selon une étude de la Banque mondiale sur la migration (africaine) et le développement, les transferts de fonds des Togolais de l’étranger vers leur pays d’origine ont franchi la barre des 400 millions de dollars ($), soit l’équivalent de 232 milliards FCFA (2018). Par ces chiffres, le Togo se hisse au 10e rang des pays de l’Afrique subsaharienne qui reçoivent le plus d’argent de leur diaspora, derrière le Nigeria (25 milliards $), le Ghana (3,8 milliards $), le Sénégal (2,7 milliards $), le Kenya (2,1 milliards $), le Zimbabwe (1,9 milliards $), le Mali (1 milliard $), l’Afrique du Sud (900 millions $), l’Ouganda (800 millions $) et l’Éthiopie (500 millions $). S’agissant des estimations faites sur la base du niveau d’activité économique dans le pays, ces transferts de fonds des Togolais établis à l’étranger ont contribué à 8,2% du PIB en 2018. Sur ce tableau, la République du Togo s’est également retrouvée dans le Top 10 des pays d’Afrique subsaharienne, aux côtés de la Gambie (20,5% du PIB), les Comores (19,3%), Lesotho (14,8%), le Sénégal (13,6%), le Liberia (13,1%), le Cap-Vert (12,8%), le Zimbabwe (9,6%), le Ghana (7,4%), puis le Nigeria (6,1%). En 2017, selon le rapport sur l’aide publique au développement, la diaspora togolaise a transféré au pays plus de 480 millions de dollars, dont la majorité (53%) a servi à assister les familles et les amis restés au pays. Sur le sujet, l’on se rappelle d’une déclaration du président du PNP, TikpiAtchadam : « … quel Togolais n’a pas à courir régulièrement entre l’école et un bureau de Western union afin de pouvoir régler les frais de scolarité ? Qui n’a jamais connu la navette entre le marché et un bureau de Money Gram ? Qui n’a pas eu cette frayeur la veille d’une fête que les bureaux de Nagodé transfert ferment avant la réception de l’ordre d’envoi ? Trouvez-moi un Togolais non habitué à cette course parfois en larmes entre l’hôpital, un service de transfert d’argent et la pharmacie. Les plus heureux passent d’abord par l’agence avant d’aller à l’hôpital. En tout cas, les Togolais de la majorité connaissent parfaitement le circuit: hôpital – bureau de transfert d’argent – pharmacie – hôpital. Les médecins sont tenus d’attendre et la famille se recueille en prières selon la foi afin qu’il ne soit pas trop tard. Parfois, c’est trop tard ».

Voilà le grand rôle que la diaspora a joué et continue de jouer pour l’essor économique de la nation togolaise. Or, sur le débat politique, les dirigeants togolais font tout pour l’exclure pour ne lui faire des yeux doux qu’en périodes de vaches maigres afin de bénéficier de ses contributions financières pour la croissance et le développement. L’hypocrisie est un vilain défaut. Tâchons de le reconnaitre pour changer. Au demeurant, en dépit de la crise de confiance consommée entre les dirigeants togolais et une majeure partie du peuple, les membres de la diaspora togolaise sauront apprécier à sa juste valeur, la main tendue du chef de l’État togolais, Faure Essozimna Gnassingbé pour repousser les limites de la pandémie de covid-19 et surtout, sa capacité à gérer convenablement le Fonds national de solidarité et de relance économique afin d’empêcher des millions de Togolais de retomber dans une pauvreté abjecte. Les jours à venir édifieront donc !

 Sylvestre BENI / La Manchette

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