Le camp du président sénégalais Abdoulaye Wade, candidat contesté à un troisième mandat à 85 ans, dont 12 au pouvoir, a reconnu mardi qu’il serait contraint de disputer un second tour face à son ancien homme de confiance, ex-Premier ministre passé dans l’opposition, Macky Sall.
Cette confrontation avec Macky Sall, qu’il avait fait roi avant de s’en séparer sans ménagement en 2008, constitue un revers pour le président sortant qui, tout au long de sa campagne électorale s’était déclaré sûr de sa victoire au premier tour, comme en 2007, avec plus de 50% des voix.
« Tout indique qu’il y aura un deuxième tour: ce sont les chiffres qui le disent, on est au deuxième tour », a déclaré mardi à l’AFP El Hadj Amadou Sall, un des responsables de la campagne électorale de M. Wade.
Se basant sur les résultats provisoires du premier tour de dimanche concernant « 30 des 45 départements » qui lui sont parvenus, il a indiqué que le président sortant est « au-dessus de 35%, 36%. On arrivera peut-être à 40%, mais les chiffres le disent, on est au deuxième tour ».
D’après une estimation de l’AFP, sur la base de résultats officiels recensés par l’Agence de presse sénégalaise (APS) portant sur 39 des 45 départements sénégalais, Abdoulaye Wade arrive en tête avec 32,6% des voix, contre 25,8% à Macky Sall, qui devance Moustapha Niasse, également ex-Premier ministre de Wade (14,3%), ainsi que le patron du Parti socialiste Ousmane Tanor Dieng (11,7%) et un autre ancien résident de la Primature, Idrissa Seck (7,5%).
Lundi le chef de l’Etat, tout en gardant l’espoir d’une victoire au premier tour, avait admis qu’il pourrait être contraint d’aller à un second tour déjà jugé « inévitable » par l’opposition.
Il affrontera Macky Sall, ingénieur de formation âgé de 50 ans qui a été son ministre des Mines (2001-2003), de l’Intérieur (2003-2004), puis son Premier ministre (2004-2007) avant d’être élu président de l’Assemblée nationale. Tombé en disgrâce, il a créé sa propre formation, l’Alliance pour la République (APR).
Mardi, le responsable de la mission d’observation de l’Union européenne (MOE-UE), Thijs Berman, avait jugé qu’il y aura « très probablement un second tour », toute autre issue semblant « statistiquement impossible ». Il a rapporté que la mission n’avait « pas constaté de manquements importants pendant et après le vote », en présentant à la presse ses conclusions préliminaires sur le premier tour de dimanche.
Cela a été confirmé par la mission d’observation de l’Union africaine (UA), conduite par l’ex-président nigérian Olusegun Obasanjo, selon laquelle « aucun incident majeur pouvant avoir un impact significatif sur le vote n’a été constaté ».
Les commissions départementales de recensement des votes publient depuis lundi les résultats pour chacun des 45 départements du Sénégal, mais aucune annonce officielle de résultats sur le plan national n’est prévue avant jeudi ou vendredi.
Le taux de participation a tourné autour de 60%, selon un chiffre encore provisoire de la Commission électorale nationale autonome (Céna), en baisse par rapport au taux de 70% de la présidentielle de 2007.
La date d’un éventuel second tour dépendra de l’examen de possibles recours devant le Conseil constitutionnel, la plus probable étant le 18 mars.
Il pourrait s’avérer difficile pour le président sortant qui, sauf retournement de situation, n’a plus de réserve de voix.
Il en est conscient et a expliqué lundi que, « dans la perspective d’un second tour », il allait « explorer toutes les possibilités d’entente avec d’autres forces politiques selon des modalités à convenir ensemble ».
Ses principaux opposants ont, eux, proclamé comme mot d’ordre commun « Tout sauf Wade », promettant de s’unir derrière le candidat le mieux placé.
Les électeurs se sont mobilisés dans le calme au premier tour après des violences préélectorales qui avaient fait en un mois de 6 à 15 morts selon les sources.
La Croix-Rouge sénégalaise a indiqué mardi qu’elle avait secouru 153 blessés en 24 jours à Dakar et dans les provinces lors des violences ayant marqué les manifestations contre la candidature d’Abdoulaye Wade.
M. Wade, élu en 2000 et réélu en 2007, sollicite un nouveau mandat de sept ans, mais sa candidature a été jugée anticonstitutionnelle par ses opposants.
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