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Le samedi 20 août dernier, l’Accord politique global (APG) avait dix ans de vie, l’opposition s’est essayée à un bilan, loin d’être fameux. Une chose est certaine, les réformes constitutionnelles et institutionnelles ne sont pas mises en œuvre, et on se demande si elles le seront un jour. Entre-temps la problématique qui reste d’actualité, était au centre d’un pseudo-atelier. Mais après un petit branle-bas, c’est malheureusement le calme plat du côté du pouvoir sur cette question importante, de même que sur celle de la décentralisation et des élections locales ; on n’en parle même plus.
 
L’atelier du HCRRUN, puis rien
 
Les réformes constitutionnelles et institutionnelles seront-elles mises en œuvre un jour ? Voilà une question qui mérite d’être posée, car il y a une volonté manifeste du pouvoir de ne pas leur donner suite. L’opposition aura tout essayé pour les réclamer, elle aura crié, marché dans les rues, obligé le pouvoir à organiser des (simulacres de) dialogues, des présidents de pays de la sous-région ouest africaine à s’engager et servir de caution à la bonne foi de Faure Gnassingbé, rien n’y fit. A maintes reprises, les porte-voix du régime RPT/UNIR ont déclaré l’APG caduc, et il agit en conséquence. Aujourd’hui, plus les jours passent, plus l’espoir de voir ces réformes matérialisées s’envole.
 
Un certain optimisme était pourtant né entre-temps, lorsqu’à un moment donné, le pouvoir a fait semblant de s’intéresser à cette problématique. On fait d’abord allusion à l’intérêt manifesté par Faure Gnassingbé à la question, en marge de sa visite d’Etat en Allemagne dans le courant du mois de juin dernier. Il avait actualisé la problématique des réformes, à travers une interview accordée à Deutsche Welle. Cette sortie avait aussi le mérite de clouer le bec à Florent Maganawé, le porte-voix de l’Union pour la République (UNIR) qui déclarait quelques jours plus tôt l’APG caduc. Faure Gnassingbé avait surtout laissé entendre ses intentions de confier les réflexions sur les réformes à une Commission composée d’universitaires et autres intellectuels.
 
L’autre motif d’espoir était l’atelier dit de réflexion et d’échanges que le Haut-commissariat à la réconciliation et au renforcement de l’unité nationale (HCRRUN) a cru devoir organiser du 11 au 15 juillet derniers. Des assises auxquelles Faure Gnassingbé aurait donné sa bénédiction, à en croire Mme Awa Nana-Daboya, mais auxquelles de l’ouverture jusqu’à la clôture des travaux, il y n’aura montré aucun intérêt. Qu’à cela ne tienne, l’atelier a enregistré une convergence de vue des participants sur les questions essentielles inscrites au registre de ces réformes, à l’instar de la question de la limitation du mandat présidentiel et du mode de scrutin à deux tours. Et à en croire les responsables du HCRRUN, c’est avec un enthousiasme sans pareil que Faure Gnassingbé aurait accueilli les conclusions et recommandations qui lui étaient remises exclusivement.
 
On apprendra plus tard que les conclusions de l’atelier devraient être soumises à nouveau à la réflexion des membres de la Commission d’universitaires et d’intellectuels annoncée depuis l’Allemagne. Dans ces conditions, le commun des Togolais partisan de la mise en œuvre des réformes (selon l’institut de sondage Afrobaromètre, près de 90 % des Togolais, sont pour la limitation du mandat présidentiel) s’attendait à sa formation rapide et au démarrage de ses travaux. Un mois et demi après l’atelier du HCRRUN et la remise des recommandations à Faure Gnassingbé, et bientôt trois mois après l’annonce de sa création, il n’a pas encore procédé à sa composition. Dieu seul sait s’il y pense toujours.
 
La saynète à la Commission des lois de l’Assemblée nationale autour de la proposition de loi soumise par l’Alliance nationale pour le changement (ANC) et l’Alliance des démocrates pour le développement intégral (ADDI) a fini de convaincre plus d’un de l’opacité résolue du pouvoir à ces réformes. Après avoir servi une multitude d’arguments dilatoires, les députés du parti au pouvoir ont simplement sifflé la fin des travaux et renvoyé leurs collègues de l’opposition à se confier au HCRRUN. Aujourd’hui tout est entre les mains de Faure Gnassingbé. C’est à lui qu’il revient de donner suite aux réformes. Mais visiblement, l’homme n’est pas pressé de le faire.
 
L’APG a déjà égrainé dix ans de vie et est entré dans sa onzième année ; mais aucune lueur d’espoir à l’horizon. C’est l’impasse totale sur cette problématique importante des réformes, après l’agitation.
 
Omerta sur les élections locales
 
Décentralisation et élections locales, voilà un autre sujet important autant que celui des réformes constitutionnelles et institutionnelles de l’APG. Et lui aussi date d’il y a longtemps, plus longtemps même que les réformes. C’est depuis les 22 engagements pris en avril 2004 par le pouvoir RPT incarné à l’époque par Eyadéma que le pouvoir avait donné sa parole de tenir ce scrutin dont l’importance n’est plus à démontrer. Cette élection est universellement reconnue comme l’expression et source d’enracinement de la démocratie à la base, permettant aux communautés elles-mêmes de se prendre en charge sur un certain nombre de besoins. Douze bonnes années après, le pouvoir n’a pas encore honoré cet engagement. Comme sur les réformes, l’opposition n’a pas manqué d’exiger l’accélération du processus de décentralisation et l’organisation de ce scrutin. La pression a été aussi mise un moment par les partenaires en développement, qui se sont même déclarés prêts à mettre la main à la poche. Mais le régime en place est resté opaque à toutes ces sollicitudes.
 
La question était entre-temps réactualisée par Faure Gnassingbé lui-même, après une série d’interpellations y relatives. Il avait rencontré le 29 mars 2016 au Palais de la Présidence de la République, les chefs traditionnels. Au menu des échanges (sic), la décentralisation et les élections locales. A cette occasion, il a réaffirmé son engagement à mettre très rapidement en œuvre la feuille de route soumise au Gouvernement par le Comité technique mis en place en 2014 sur le sujet. « J’accorde une grande importance à la décentralisation. Plusieurs fois, on a parlé des élections locales, mais on n’a jamais réussi à les organiser. Le sujet occupe le débat politique, mais le Gouvernement ne peut pas décider tout seul sans l’avis de tous. Cette réforme va bouleverser la manière dont l’Etat agira désormais dans vos cantons et préfectures (…) Il n’y a pas vraiment de raisons de ne pas y aller. Il y a eu une hésitation de notre part parce que les gens estiment que les infrastructures ne sont pas à la hauteur, mais s’il faut attendre de tout régler avant d’aller à ces élections locales, on ne les organisera jamais », avait dardé le maitre de céans.
 
Cette rencontre avait suscité le courroux des acteurs de l’opposition qui se sont sentis snobés, eux les premiers acteurs de la décentralisation et des élections locales. Comme pour les amadouer, il était dit que cette séance avec les gardiens des us et coutumes était juste le début d’un processus de consultations entamées par Faure Gnassingbé sur cette problématique et que d’autres rencontres seront tenues avec les différents acteurs. Dans son discours du 26 avril 2016, il déclamera ses intentions de recueillir les avis divers sur le sujet. Mais depuis cette rencontre au Palais de la Présidence, aucune autre n’a été organisée. Les acteurs de l’opposition n’ont reçu aucune invitation dans ce sens, six mois après le folklore au Palais de la Présidence. Il était aussi prévu une rencontre à la Maison de l’Afrique à Paris en France entre le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, Payadowa Boukpessi et les Togolais de la diaspora. «Développement local et décentralisation au Togo : pour quel avantage économique ? », tel était le thème retenu. Mais elle a été annulée au dernier moment et reportée à une date ultérieure. Depuis lors, elle se fait toujours attendre. Il y a longtemps qu’au niveau du pouvoir, on ne parle plus de décentralisation et d’élections locales ; preuve suffisante qu’on n’a aucune envie de hâter le processus et en arriver à la tenue de ce scrutin important. Même le document de la feuille de route sur la décentralisation et les locales, on refuse de le remettre au chef de fille de l’opposition, Jean-Pierre Fabre qui en a fait la demande à plusieurs reprises. Pas sûr que cette question fasse encore la préoccupation de Faure Gnassingbé.
 
Avec l’imminence de l’organisation du sommet sur la sécurité maritime à Lomé qui réquisitionne carrément le Gouvernement, ces problématiques importantes des réformes et des élections locales n’ont aucune chance de bénéficier de l’intérêt de Faure Gnassingbé et les siens. Il y a une véritable impasse, et Dieu sait quand il décidera de s’en occuper sincèrement.
 
Source : Tino Kossi, Liberté
 

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