Vendredi dernier, tous les regards des Africains et adeptes de la démocratie et de l’alternance au pouvoir étaient tournés vers le Gabon où la Cour constitutionnelle avait entamé son audience de confirmation des résultats de l’élection présidentielle du 27 août 2016 qui a fait couler tant d’encre et de salive. Mais la surprise, c’est qu’il n’y a pas eu de surprise. Comme on le redoutait, cette institution a simplement validé la victoire d’Ali Bongo, avec 50,66 % des suffrages contre 47,24 % pour son rival Jean Ping, un scénario typique du Togo. Le fils Bongo s’inscrit ainsi sur la short-list de son alter ego togolais Faure Gnassingbé, pour une régence à vie.
 
Faure Essozimna Gnassingbé, Ali Bongo Odimba, des fils à papa barbares, voleurs d’élections. Yep ! | Caricature : Donisen Donald / Liberté
Faure Essozimna Gnassingbé, Ali Bongo Odimba, des fils à papa barbares, voleurs d’élections. Yep ! | Caricature : Donisen Donald / Liberté


Pas de miracle de la Cour constitutionnelle
 
49,80 % pour Ali Bongo et 48,23% pour Jean Ping, tels étaient les chiffres proclamés par la Commission électorale nationale autonome permanente (CENAP) le 31 août dernier, donnant la victoire au fils de l’ancien président Omar Bongo. Ces résultats avaient déclenché une émeute dans le pays, les grandes villes prises d’assaut par les populations pour défendre leurs votes exprimés en faveur de Jean Ping. Ce dernier n’avait pas attendu la proclamation officielle des résultats par les voix autorisées pour se déclarer vainqueur, anticipant ainsi le vol à ciel ouvert du camp Ali Bongo. Ce soulèvement spontané a été suivi d’une répression féroce et de la prise d’assaut du QG de Ping soldées par des morts. Des indiscrétions font état d’une cinquantaine de décès au moins que l’on tente de cacher au cours de cette répression.
 
Malgré la violence entretenue par Ali Bongo pour faire avaler ces résultats au peuple, Jean Ping n’a pas abdiqué. C’est dans cette atmosphère qu’il a déposé un recours à la Cour constitutionnelle, avec des appréhensions légitimes. Comme partout en Afrique, les Cours constitutionnelles habilitées à valider en dernier ressort les résultats des élections se révèlent comme des institutions aux ordres des pouvoirs en place ; et dans le cas précis du Gabon, il se fait qu’elle est même dirigée par une marâtre d’Ali Bongo, Mme Marie-Madeleine Mborantsuo qui aurait donné deux enfants à Omar Bongo. Certains ont vite fait de parler de conflit d’intérêts. Qu’à cela ne tienne, Jean Ping a monté les enchères, avertissant d’un embrasement du pays si la vérité des urnes n’était pas respectée ; en d’autres termes, si sa victoire n’est pas reconnue. Mais dans la soirée de ce vendredi où la Cour a délibéré, il n’y a pas eu de miracle.
 
Aux termes de la séance qui s’est ouverte la veille avec l’examen des recours et les plaidoiries des avocats des parties en présence, ce qui devrait arriver arriva. Après des jonglages ayant consisté à faire certains ajustements de chiffres, Ali Bongo a été simplement confirmé vainqueur de l’élection présidentielle du 27 août, avec 50,66 % des suffrages en sa faveur contre 47,24 % pour son concurrent. L’invraisemblance des chiffres du Haut-Ogooué, la province à l’origine du scandale électoral n’a visiblement pas joué dans la balance à la Cour constitutionnelle. Voilà la fin d’un feuilleton électoral assez mouvementé.
 
Il est clair qu’en acceptant introduire un recours auprès de la Cour constitutionnelle, sur requêtes et conseils sans doute de certains milieux politiques ou diplomatiques, Jean Ping s’est mis la corde au cou. Aujourd’hui il ne peut plus rien réclamer, au risque d’être traité d’anarchiste. Il s’est royalement fait hara-kiri. Tout au plus, il peut saisir la main tendue de son rival Ali Bongo.
 
Epilogue identique au Togo
 
Le Gabon et le Togo semblent des pays identiques, avec des dirigeants comme des frères jumeaux, et évidemment les mêmes méthodes de gouvernance. En matière électorale, c’est le même scénario qui est mis en œuvre dans notre pays pour valider à chaque fois la victoire du pouvoir RPT/UNIR. La chose prend même des allures d’une simple formalité .
 
Les résultats proclamés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) sont toujours en faveur du pouvoir quel que soit le déroulement de l’élection. Des chiffres issus des manœuvres électorales des plus scandaleuses. Traficotage du fichier électoral, bourrages d’urnes, votes multiples des corps habillés, votes des mineurs et des étrangers, suffrages exprimés dépassant le nombre des électeurs inscrits, achat des consciences des délégués de l’opposition, falsification de procès-verbaux…tel est le décor des élections au Togo. Toutes choses qui faussent évidemment le jeu électoral. Mais ces anomalies ne pèsent jamais dans le verdict final de la Cour constitutionnelle. Les victoires du pouvoir ont toujours été validées, comme si de rien n’était. Illustrations.
 
En avril 2015, c’est un véritable braquage électoral qui a eu lieu. Les résultats ont été proclamés par Taffa Tabiou sans être authentifiés et validés, comme le prévoient les dispositions collégialement arrêtées. Le Vice-président de la CENI, Francis Pedro Amuzun a suffisamment prouvé au monde entier le hold-up avec son entrée fracassante sur le plateau de la TVT où son président proclamait des résultats d’ordinateur alors qu’il avait convoqué une séance de compilation des résultats à la CENI. Mais cela n’a guère ému les juges de la Cour constitutionnelle, Aboudou Assouma en tête, qui ont validé la réélection de Faure Gnassingbé. Cinq ans auparavant, en mars 2010, au-delà des fraudes électorales conventionnelles qui font partie de l’ADN du pouvoir, c’est le système de compilation des résultats, le VSAT installé qui a été proprement saboté pour donner lieu au plan B de détournement des suffrages. En avril 2005, à part le hold-up, l’élection a été suivie de violences entretenues par le pouvoir, avec les militaires, les forces de l’ordre et de sécurité, les miliciens qui ont tué un millier de Togolais, juste pour favoriser la montée au pouvoir du fils du père. Mais tous ces événements n’ont jamais poussé la Cour constitutionnelle à invalider les résultats proclamés par la CENI. Et pas sûr que cela arrive sous peu.
 
Evidemment la panacée, après les détournements des suffrages qui créent des rancœurs, c’est de parler de dialogue, de gouvernement d’ouverture et machins…
 
Ali Bongo suit bien Faure Gnassingbé
 
Faure Gnassingbé et Ali Bongo avaient déjà un trait commun qui saute aux yeux. Ce sont des rejetons d’anciens dirigeants de leurs pays respectifs, le Togo et le Gabon ; mieux, ce sont des fils qui ont succédé à leurs pères au pouvoir et font tout pour y rester. Ils ont aussi cette aptitude à toujours gagner les élections, bien sûr par les méthodes de fraudes. Après sa venue au pouvoir en 2005 dans le sang, Faure Gnassingbé a réussi à se faire reconduire en 2010 avant de se faire cimenter au trône en avril 2015 à travers un scrutin à la togolaise. Ali Bongo arrivé au pouvoir en 2009 se fait aussi reconduire pour un second mandat de sept (07) ans. Le rapport est davantage poussé entre les deux hommes : le goût au règne à vie.
 
C’est Faure Gnassingbé qui a inauguré la série. Son élection en 2015 était celle de trop. Il captait ainsi un 3e mandat au pouvoir. Ali Bongo, lui, n’en est qu’à son second. Mais c’est de fait synonyme d’un 3e car rien ne l’en empêche. Ils ont d’ailleurs des boulevards tout tracés devant eux pour un règne à vie. Leurs géniteurs respectifs ont eu la clairvoyance (sic) de tripatouiller la Constitution de leurs pays et sauter le verrou de la limitation de mandat. Aussi bien au Togo qu’au Gabon, la Constitution n’a pas fixé de limite de mandat. Ainsi ils peuvent prétendre au nombre de mandats qu’ils désireraient. Triste dans des pays qui disent avoir opté pour la démocratie dont l’un des principes fondamentaux est l’alternance…
 
Source : Tino Kossi, Liberté No. 2284 du 26 septembre 2016 / 27avril.com
 

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here