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A quand l’ébauche d’une stratégie de vainqueur ?
 
« Deux mandats, ça suffit » ! « Alternance politique en 2015 » !, les slogans des partis d’opposition appelant à l’alternance en 2015 foisonnent. Et pour ce faire, tous ou presque misent sur une union sacrée de l’opposition, le choix d’un porte-flambeau. Mais dans les actes, ils préfèrent d’abord se tirer des balles dans les pieds. Quand vont-ils se consacrer à l’essentiel ? La veille de la présidentielle de 2015 ? Le triste débat sur les puérilités et énormités de l’opposition togolaise est ainsi remis au goût du jour. A la satisfaction de Faure Gnassingbé qui se frotte les mains dans la perspective de la prochaine présidentielle.
 
Tout système qui se refuse à la critique ou à l’autocritique est voué à sa propre ruine, dixit Périclès, l’un des plus grands théoriciens grecs de la démocratie. Mais la particularité de l’opposition togolaise est de ne jamais apprendre de ses erreurs, de s’égarer dans des détails qui l’éloignent toujours de l’essentiel et d’offrir le triste spectacle de crise de leadership, de coups bas, d’accusations réciproques et de manque de vision politique. Sans grande surprise, elle a repris ses gamineries au lendemain du scrutin législatif du 25 juillet 2013 duquel elle est sortie grande perdante face à son réel challenger, l’UNIR qui s’est adjugé soixante-deux sièges. Une défaite imputable non seulement aux manœuvres de fraudes et d’achats de conscience du parti présidentiel mais aussi à la désunion dans ses rangs.
 
Cette fois-ci, le CST et la coalition Arc-en-ciel se sont accusés mutuellement de l’échec des tractations destinées à présenter une liste commune des deux regroupements. Et à ce jeu, c’est le CAR et l’ANC qui se sont le plus illustrés négativement. Passé cet épisode, la suite du feuilleton reste marquée par une véritable foire d’empoigne autour du titre de « Chef de file de l’opposition ». Depuis trois semaines, c’est bien le sujet qui alimente la discorde entre Jean-Pierre Fabre dont le parti a engrangé dix-sept des dix-neuf sièges du CST, et Me Paul Dodji Apévon dont le parti a récolté la quasi totalité des six sièges de la Coalition Arc-en-ciel. Il a suffi d’une déclaration de Jean-Pierre Fabre dans laquelle il arborait fièrement le titre de leader de l’opposition togolaise pour que Me Paul Dodji Apévon devienne vert de colère et tente vaille que vaille de le lui dénier. Et depuis lors, les deux hommes se livrent une bataille médiatique sans merci. « C’est à croire qu’ici, on ne va aux élections que pour devenir leader de l’opposition », concluait un éditorial de votre journal dans une précédente édition. Mais quel est l’enjeu autour de ce titre qui suscite une telle coulée de bile et toutes ces convoitises?
 
A en croire l’article 24 de la loi portant Statut de l’opposition votée par l’assemblée RPT/UNIR-UFC, « Le chef de file de l’opposition est le premier responsable du parti politique appartenant à l’opposition au sens de l’article 2 ci-dessus, ayant le plus grand nombre de députes à l’Assemblée nationale. En cas d’égalité de sièges, le chef de file de l’opposition est le premier responsable du parti ayant obtenu le plus grand nombre de suffrage lors des dernières élections législatives. Le chef de file de l’opposition n’est pas nécessairement membre du parlement ». Des droits et avantages spécifiques lui sont reconnus aux articles suivants : Article 25 : «Le chef de file de l’opposition reconnu comme tel jouit, en cette qualité, des droits spécifiques reconnus par les lois et règlements pour toute la durée de la législature, sauf déclaration de retrait et les autres cas expressément prévus par la présente loi. Les modifications au sein d’un parti ou regroupement de partis politiques de nature à affecter le statut de chef de file de l’opposition sont notifiées au bureau de l’Assemblée nationale qui en informe le ministère chargé de l’administration territoriale». Article 26: Dans le cadre des règles du protocole d’Etat, le chef de file de l’opposition a rang de président d’institution de la République. Il bénéficie des privilèges et des avantages fixés par un décret en conseil des ministres.
 
Ces privilèges reconnus au leader de l’opposition seraient-ils à l’origine de la guéguerre entre Jean-Pierre Fabre et Me Dodji Apévon ? Selon le président national du CAR, le texte qui définit ce statut doit être repensé, relu. « Moi je pense même que si on est sérieux, ce texte-là, nous devons nous organiser à le réécrire. On ne peut pas accepter aujourd’hui se focaliser sur ce texte là pour dire que c’est par rapport à ça qu’on est leader ou pas. C’est vrai, les élections ont donné un résultat. Celui-ci peut dire oui, moi j’ai tel nombre de députés, mais ça ne suffit pas pour créer la responsabilité du leader », dixit le leader du CAR. Mais cette position semble peu honnête.
 
Mais le titre de chef de file de l’opposition a-t-il besoin d’être consacré par un texte ? Ce sont les élections qui le déterminent et l’attribuent. Et aujourd’hui, Jean-Pierre Fabre est le chef de file de l’opposition, qu’on le veuille ou non. Néanmoins, doit-il en rebattre les oreilles de ses camarades de combat ? Pour ratisser large, ne devrait-il pas penser à se mettre dans la posture du plus petit ? Me Paul Dodji Apévon indique à juste titre que ce dernier « doit être celui qui est devant pour impulser justement le rôle du rassemblement ! Parce que, c’est de ça qu’il s’agit. Si on dit qu’on est leader de l’opposition aujourd’hui ».
 
Toutes ces situations embrouillées fragilisent davantage l’opposition dans sa quête du pouvoir en 2015. Et c’est d’autant plus regrettable que tous crient à tue-tête vouloir l’union de l’opposition. Selon Dodji Apévon, « l’union de l’opposition est un passage obligé pour vaincre l’hydre RPT/UNIR ». Et Me Tchassona de renchérir : « Nous devons arriver à bâtir des stratégies et des actions politiques qui sont celles qui emportent l’adhésion de nos populations de sorte qu’en 2015 quels que soient les cas de figure, non seulement nous puissions être à même de remporter ces élections, mais surtout de mobiliser toute la population derrière le candidat de l’opposition ».
 
Comme on le voit, tout ceci ne restera qu’au stade des bonnes intentions si cette cacophonie devrait perdurer. L’opposition togolaise doit se remettre en cause et élaborer une stratégie de la gagne. Et surtout, élaborer une stratégie de vainqueur. Laquelle devrait, de l’avis d’un observateur avisé, passer par le choix d’un candidat porte-étendard de toute l’opposition. Mais ce candidat devrait être un rassembleur, quelqu’un qui fait l’unanimité. L’étape suivante doit être l’élaboration d’un projet commun qui colle aux réalités des Togolais et répond aux attentes des couches les plus défavorisées, qu’elles soient de la capitale ou de l’intérieur du pays. Et enfin, elle devrait se lancer très tôt sur le terrain, afin de ne pas se faire prendre au dépourvu. Qui veut aller loin ménage sa monture, dit-on. L’opposition a donc tout intérêt, par souci de survie, à mettre un terme à ses enfantillages et à s’atteler à l’essentiel, c’est-à-dire proposer une alternative crédible de conquête du pouvoir. La présidentielle approche. C’est donc dans une véritable course contre la montre que l’opposition devrait se lancer.
 
Quand est-ce que le CAR et l’ANC vont-ils enterrer la hache de guerre ? Quand vont-ils accorder leur violon, de concert avec les autres formations de l’opposition, sur un nom ? Quand ébaucheront-ils leur stratégie de conquête du pouvoir et des parades contre les manœuvres de fraudes et opérations d’achats de consciences ? Quand iront-ils à l’assaut et à la conquête des populations du Togo profond ? Ces « quand », on peut les aligner à merci. Sans jamais trouver des réponses qui rassurent. Messieurs les opposants, à vous la parole !
 
Magnanus FREEMAN
 
Liberté Hebdo

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