Le 10e anniversaire de la signature de l’Accord politique global (APG) et l’absence des réformes constitutionnelles et institutionnelles ne sont que le constat de plus de l’échec de la longue lutte populaire pour l’alternance démocratique au Togo. Malgré tout, au CAP 2015, on trouve la motivation nécessaire de garder le cap de ce combat légitime.
 
Caricature : Donisen Donald / Liberté
Caricature : Donisen Donald / Liberté


Quid des Togolais, les premiers devant se sentir concernés par cette lutte ? S’il y a un autre triste constat à relever, c’est que le peuple semble résigné, et cela profite malheureusement au pouvoir Faure Gnassingbé.
 
Le triste constat de la résignation du peuple
 
Ce samedi 20 août 2016 marquait le 10e anniversaire de la signature de l’APG, après les pourparlers ayant suivi les violences meurtrières de 2005. Cela fait aussi autant de temps que les réformes constitutionnelles et institutionnelles prescrites par les parties prenantes, l’essentiel de cet accord destiné à instaurer la paix, la sérénité et la cohésion sociale dans notre pays et qui cristallise les aspirations du peuple togolais à la liberté, à la justice, à un développement partagé et à la sécurité pour tous, attendent d’être mises en œuvre. Le pouvoir Faure Gnassingbé tente de les noyer. « Dix ans après la signature de l’Accord politique global (APG) entre le pouvoir et les partis de l’opposition, que reste-t-il de ce cadre de réformes ? Pas grand chose car le pays a beaucoup évolué et réformé ses structures en profondeur. L’APG peut aujourd’hui difficilement servir de base pour entamer de nouvelles réformes institutionnelles et constitutionnelles. Il faut inventer autre chose, quelque chose de plus moderne et de mieux adapté à la réalité de la situation politique », écrit republicoftogo qui ne faisait que reprendre la disposition d’esprit au sein du sérail.
 
Sous d’autres cieux, cet anniversaire devrait être l’occasion pour le peuple de manifester sa colère contre l’obscurantisme manifeste du pouvoir Faure Gnassingbé qui use de subterfuges pour repousser ou plutôt noyer ces réformes. Car après tout, c’est lui qui devrait être le grand gagnant de leur matérialisation. Mais les Togolais ont fait du togolais, se mettant à l’écart de cet événement. Ce sont seuls les militants des partis membres du CAP 2015 qui étaient sortis, à l’occasion du meeting organisé par ce regroupement politique et ses alliés, pour marquer le triste 10e anniversaire de la signature de l’APG. A leurs côtés, les leaders de ces formations. Le commun des Togolais ne s’est nullement senti concerné. Que les réformes politiques prescrites dont ils sont à près de 90 % pour la mise en œuvre ne soient pas effectives et que le RPT/UNIR confisque leur destinée, cela ne semble rien dire aux Togolais, restés dans leur petit coin. Cette attitude n’est que trop illustrative de la résignation traditionnelle du peuple. A tort ou à raison, il ne se sent plus dans sa grande majorité concerné par la lutte pour l’alternance démocratique. Pour des manifestations de contestation, ce sont les militants de l’opposition seuls qui répondent à minima aux appels de leurs leaders. Et ici aussi, ils sont de moins en moins nombreux à le faire.
 
Une source de motivation pour le pouvoir
 
Non aboutissement de la lutte depuis un quart de siècle, tel est l’argument massue souvent brandi par nombre de Togolais pour justifier leur mise à l’écart de la lutte populaire. Beaucoup se désolent en effet que l’on stagne au Togo depuis autant de temps pendant que tous les pays autour de nous changent. Soit. Mais il est constant que toute dictature se nourrit de la résignation du peuple, et cette assertion se vérifie amplement avec l’équation togolaise.
 
C’est donc le pouvoir Faure Gnassingbé qui profite de cette attitude nuisible du peuple. Lorsque pour une manifestation autour d’une question nationale comme le bilan de l’APG et le refus de mise en œuvre des réformes constitutionnelles et institutionnelles, ce ne sont qu’une poignée de citoyens qui sortent, c’est le pouvoir qui devrait se frotter les mains. Quand le peuple reste coi devant le Wacemgate et l’évasion fiscale qui prive le Trésor public des milliards de FCFA à investir pour la satisfaction de ses besoins ( ???), il n’y a pas de raison que le pouvoir n’ait pas la motivation nécessaire de continuer. Lorsque les populations consomment sans broncher les augmentations intempestives sur les prix des produits pétroliers et les produits de premières nécessités, il y a de quoi encourager le Gouvernement à continuer sur cette lancée. Le peuple togolais est le genre de peuple dont rêverait avoir tout dictateur, caricature-t-on dans certains milieux.
 
Au-delà de la source de motivation que constitue pour le pouvoir la résignation des Togolais, vis-à-vis de la communauté internationale, cette attitude a une connotation de consentement de son sort. Ici, on ne se sent nullement obligé de s’intéresser au cas togolais lorsque les citoyens eux-mêmes donnent l’impression de se satisfaire de leur situation. Qui ne dit rien, consent, dit-on souvent…
 
Prendre ses destinées en mains
 
Toute lutte démocratique est sans doute incarnée par des leaders ; mais c’est une constance que celles qui ont réussi ont toujours eu l’aval des peuples au nom desquels elles sont menées. La belle histoire de l’alternance au Burkina Faso a apporté l’ultime confirmation qu’aucune dictature ne peut résister à un peuple déterminé à changer son destin. Blaise Compaoré qui régnait en maitre, avait toutes les manettes du pouvoir en mains et pensait pouvoir s’y accrocher à vie, a dû prendre ses jambes à son cou lorsque le peuple burkinabé s’est levé, comme un seul homme, pour lui NON ! Les armes qu’il avait ne lui ont servi à rien.
 
Il y a urgence pour les Togolais, à des degrés divers, de s’investir dans le combat démocratique et ainsi prendre leurs propres destinées en mains. L’histoire a prouvé que les fois où le peuple togolais a semblé se mobiliser en masse, les tenants du pouvoir font souvent dans leurs frocs. C’était le cas lors des manifestations de rue dénommées « Les derniers tours de Jéricho » organisées par le Collectif « Sauvons le Togo » en janvier 2013, notamment la manifestation monstre qui avait regroupé à Décon le peuple togolais. Il a fallu au pouvoir, aidé par ses espions au sein de ce regroupement, d’utiliser la méthode forte pour disperser la foule et ainsi compromettre le plan scellé.
 
Ce serait donc une erreur que de se cacher derrière l’investissement d’un groupe de partis politiques et de militants de l’opposition. Les Togolais auront tout faux à attendre des miracles de l’opposition, qui s’est en réalité réduite à une poignée de partis dont les responsables ont encore le sens de l’intérêt commun et n’ont pas succombé, comme les autres, au chant des sirènes. La lutte pour l’alternance démocratique devra être l’affaire de tous les Togolais, et toute attitude contraire sera une voie royale tracée pour la pérennisation au pouvoir de Faure Gnassingbé qui est d’ailleurs dans cette disposition d’esprit.
 
Dans cette perspective, il faudra louer cet appel patriotique des leaders du CAP 2015 au peuple togolais à désormais s’investir dans la lutte. « Le péril à nos portes montre clairement que le salut de chacun de nous réside en notre capacité à nous mobiliser massivement pour mettre un terme au régime de dictature qui régente le Togo depuis des décennies. Pour cela, engageons-nous individuellement et collectivement. Engageons-nous avec détermination aux côtés de CAP 2015 et de ses alliés, dans une action politique commune et résolue, afin de faire aboutir les aspirations profondes du peuple togolais », ont-ils lancé. Et dans cette logique, il est annoncé une tournée nationale d’information, d’explication, de sensibilisation et d’échange qui devrait débuter dès ce mois d’août, dans la préfecture de Tône. L’affranchissement du joug du pouvoir des Gnassingbé est à ce prix.
 
Source : Tino Kossi, Liberté
 

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