OBSERVATOIRE TOGOLAIS DES MEDIAS
Journée internationale de la liberté de la presse

 
Thème 2016:
« Accès à l’information et aux libertés fondamentales : c’est votre droit ! ».
(03 mai 2015-03 mai 2016)
Présenté par l’OTM
 
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INTRODUCTION
 
Sur toute la surface de la terre, nous ne choisissons à aucun moment d’être les habitants d’un des pays de ce monde globalisant, communément appelé aujourd’hui « village planétaire ». Cependant, notre bon sens nous amène spontanément à partager cet espace commun, en le défendant grâce à la mobilisation permanente des populations et la lutte pour la conquête des libertés fondamentales, gage de l’émancipation des peuples. Œuvre de missionnaire, sa réussite passe par les médias en général et la presse en particulier, en tant qu’ils sont les avant-gardistes des actions citoyennes à mener dans le sens de la pérennisation de la démocratie, pour la construction de nos Nations émergentes, au nombre desquelles, le Togo.
Attrayante mais délicate, la liberté de la presse est une liberté publique fondamentale et un des droits de la personne humaine. C’est là une vérité évidente que nul n’est censé ignorer. Ladite liberté présente néanmoins des revers qui la délégitiment de sa raison d’être, pour la rendre apparemment complexe, pour peu qu’elle ne soit pas utilisée à bon escient et de façon opportune. Et pourtant, c’est grâce à elle que l’information se diffuse sans crainte. Et c’est par son entremise que les peuples se développent sur la base du triptyque : Informer, éduquer et distraire.
Commémorée le 03 Mai de chaque année depuis 1993, la journée internationale de la liberté de la presse permet de célébrer les principes fondamentaux de cette liberté, mais aussi d’évaluer la liberté des médias, et de défendre leur indépendance.
 
C’est donc aujourd’hui, pour l’Observatoire Togolais des Médias (OTM), l’occasion idéale d’exposer à travers le présent rapport sur l’état de la presse au Togo, les obstacles rencontrés ces douze derniers mois en matière de liberté de la presse ; de faire le point sur les avancées, les innovations et les régressions enregistrées aussi bien dans les médias d’Etat que privés ; et d’analyser les relations tant au sein de la corporation des journalistes, qu’entre les professionnels des médias, l’Instance d’Autorégulation (OTM) et les Institutions de la République dont la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC).
Afin de préserver la liberté de la presse chèrement acquise au Togo, et d’amener les journalistes à respecter les règles d’éthique et de déontologie dont ils se sont eux-mêmes dotées, le présent rapport s’achèvera, comme à l’accoutumée, par un certain nombre de recommandations.
 
I-CONTEXTE
 
« Accès à l’information et aux libertés fondamentales : c’est votre droit ! », tel est le thème général retenu par l’UNESCO pour les célébrations 2016 de la journée internationale de la liberté de la presse commémorée depuis 1993 pour célébrer les principes fondamentaux de la liberté de la presse et informer l’opinion publique sur les atteintes à cette liberté.
D’autres thèmes tels que : « la liberté d’information en tant que liberté fondamentale et droit humain », « protéger la liberté de la presse contre la censure et la surveillance excessive » et « assurer la sécurité des journalistes en ligne et hors ligne », sont également retenus pour ces célébrations, dont la principale se déroule actuellement à Helsinki en Finlande.
 
Dans l’ensemble, depuis la détérioration globale de la liberté de la presse au niveau mondial en 2015, la situation est restée quasi stationnaire avec des pics de stagnation par ci, mais aussi des améliorations par là.
Selon Reporters Sans Frontières (RSF), « l’évolution générale témoigne d’un climat de peur généralisée et de tensions qui s’ajoute à une emprise des Etats et des intérêts privés de plus en plus grande sur les rédactions ». Sur le continent africain, les journalistes semblent harcelés par le terrorisme, les conflits armés et les crises électorales.
 
Le Togo, qui est plus ou moins épargné de ces contingences, occupe le 88è rang sur 180 pays au classement 2016 de RSF, perdant ainsi 8 places par rapport à 2015, à cause essentiellement du nouveau Code pénal qui, selon des spécialistes, pénalise des délits de presse. En dépit de cela, le pays connaît une situation plutôt bonne en matière de liberté de la presse.
Toutefois d’énormes insuffisances sont à relever au niveau des médias eux-mêmes aux plans qualitatif et organisationnel.
 
II – ETAT DES LIEUX DE LA PRESSE TOGOLAISE
 
2-1- Les médias publics
 
• Au plan quantitatif, rien n’a bougé fondamentalement depuis un an.
On dénombre toujours :
 une (01) agence de presse : l’Agence Togolaise de Presse (ATOP) ;
 un (01) quotidien national : Togo-Presse ;
 une (01) télévision nationale : la Télévision Togolaise (TVT) ;
 deux (02) radios nationales : Radio Lomé et Radio Kara ;
 quatre (04) radios rurales : à Notsè, Kévé, Pagouda et Dapaong.
 
• Au plan qualitatif, certes des efforts se poursuivent quant aux choix et prestations des journalistes et animateurs de radio et de télévision, mais l’on constate que les professionnels des médias publics n’ont toujours pas une grande marge de liberté dans l’exercice de leur métier.
Il est à signaler l’intégration en 2015 dans la fonction publique de 150 agents de la communication, suite à un concours interne de recrutement des agents de la communication, organisé en juillet 2015.
 
2-2- Les médias privés
 
De mai 2015 à avril 2016, la HAAC a accordé 13 récépissés à de nouveaux journaux arrivés dans le paysage médiatique togolais déjà riche de plus de 400 titres enregistrés. Mais seule une centaine de quotidiens, de bihebdomadaires, d’hebdomadaires, de bimensuels et de publications spécialisées, paraissent plus ou moins régulièrement.
En ce qui concerne les radiodiffusions privées qui sont soit commerciales, soit communautaires ou soit confessionnelles, seule Hit Radio est venue s’ajouter à la quatre vingtaine émettant dans le pays.
Les télévisions privées du Togo n’ont quant à elles connu aucun mouvement au plan quantitatif et sont donc toujours huit à couvrir le pays.
Ce paysage médiatique est complété par deux agences privées d’information en ligne ainsi que par de nombreux sites internet et blogs.
On note également la présence sur le terrain médiatique de publications institutionnelles qui paraissent de façon épisodique. De même des agences et médias internationaux tels RFI, BBC, VOA, AFP, PANA, Xinhua et autres sont suivis.
Malgré la volonté affichée des acteurs de la presse, notamment la HAAC, le Ministère de tutelle, l’OTM, les autres organisations de presse, les directeurs de publication, de radios, de télévisions et de presse en ligne, les journalistes et techniciens, de présenter un visage plus glorieux de la presse togolaise, certaines pesanteurs freinent encore cet élan.
 
III–DIFFICULTES DES MEDIAS DU PAYS
 
Les difficultés de la presse togolaise sont bien connues des autorités, des acteurs et partenaires des médias. Elles sont liées aux ressources humaines et matérielles ainsi qu’au manque d’une bonne dose de professionnalisme.
 
3-1- Pour tous les médias du pays
 
Les handicaps à l’émergence d’une presse plus professionnelle et plus libre au Togo sont nombreux et l’on peut retenir entre autres :
– Insuffisance dans le management des entreprises de presse ;
– discrimination des organes de presse par les acteurs étatiques et non étatiques ;
– faiblesse de la rémunération ;
– insuffisance de qualification des ressources humaines (formation, recyclage, culture générale) ;
– vétusté des infrastructures et du matériel de travail ;
– violation récurrente de la règle de confraternité ;
– pluralité des organisations de presse qui se combattent parfois plutôt que de se compléter.
 
3-2- Pour les médias publics
 
Les conditions de travail dans les médias publics ne sont pas enviables et les principales difficultés sont :
– absence de statut particulier ;
– non transformation des médias publics en offices ;
– faiblesse de la subvention de l’Etat ;
– ligne éditoriale sous contrôle.
 
3-3- Pour les médias privés
 
Outre les difficultés déjà énumérées pour l’ensemble de la presse, les médias privés font face particulièrement à :
– une aide de l’Etat à la presse insuffisante ;
– l’absence de convention collective sectorielle;
– l’absence de couverture sociale pour les journalistes ;
– la politisation excessive de la presse ;
– la mévente et la rareté des recettes publicitaires ;
– l’absence de messagerie ;
– un manque de centrale d’achat d’intrants ;
– la non application des Accords de Florence qui recommandent la détaxe sur les intrants ;
– des redevances à l’ART&P et au BUTODRA trop élevées
 
IV -RELATIONS AVEC LES INSTITUTIONS ET LES ORGANISATIONS
 
4. 1 – Avec le gouvernement et les partenaires
 
Après la présentation du rapport du comité de suivi des états généraux de la presse sur les réalisations des recommandations issues de ces états généraux, les relations entre le ministère de tutelle et la presse semblent au beau fixe. Ces bonnes relations ont permis de faire un progrès sensible dans le domaine de la liberté d’expression et du droit à l’information publique par le vote et la promulgation de la loi portant liberté d’accès à l’information et la documentation publiques le 10 mars 2016, renforçant ainsi le rôle des médias dans la lutte contre la corruption et les fraudes.
 
Néanmoins, le vote, le 02 novembre 2015 par l’assemblée Nationale, du nouveau code pénal togolais a désagréablement surpris la presse togolaise. Celle-ci a affirmé haut et fort que les dispositions de l’article 497 de ce code sont en conflit avec l’article 82 du code de la presse et de la communication et portent atteinte à la liberté de la presse et la dépénalisation du délit de presse au Togo.
 
Les convocations entre autres des Directeurs de Publication des journaux « LE RENDEZ-VOUS », de « LIBERTE » et « L’INDEPENDANT EXPRESS » par la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) sur une plainte conjointe des ministres, respectivement de l’Economie, des Finances et de la Planification du Développement puis des Infrastructures et des Transports, dans une prétendue affaire de détournement, ont été interprétées par la presse comme une chasse aux journalistes jugés critiques vis-à-vis de certaines personnalités.
Il en est de même de la convocation au Service des Renseignements et d’Investigations (SRI) de Luc ABAKI de « La Chaine du Futur » (LCF) et Zeus AZIADOUVO, pour diffusion d’un documentaire sur la prison civile de Lomé.
 
4. 2 – Avec la HAAC
 
Du 03 mai 2015 à ce jour, les relations entre la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication et la presse n’ont pas connu de heurts majeurs, mis à part la réticence de quelques journalistes à répondre aux convocations de l’Institution de régulation.
 
4. 3 -Avec les organisations de presse
 
Ici, on notera les attaques de certains journalistes contre la personne du président du Conseil National des Patrons de Presse (CONAPP) à propos de l’organisation des 44ème assises de l’Union de la Presse Francophone (UPF) au Togo et les attaques répétées et infondées du journal « LE PERROQUET » contre l’Observatoire Togolais des Médias (OTM) et la personne de son président dans ses colonnes et sur les réseaux sociaux.
 
4. 4 -Avec les partis politiques et la société civile
 
La méfiance que nourrissent les partis politiques et la société civile vis-à-vis de la presse ne semble pas avoir changé. En témoignent les menaces du responsable syndical Sébastien Ayikoé TEVI sur la personne du confrère Joachim AGBETIM de radio victoire FM, menaces condamnées par l’ensemble des organisations de presse.
V-MANQUEMENTS DE LA PRESSE TOGOLAISE
 
5. 1- Atteintes à la liberté de la presse
 
Durant les douze derniers mois, il n’y a eu ni assassinat, ni emprisonnement de journaliste pour délit de presse. Les convocations des journalistes à la justice, au SRI et à la DCPJ évoquées plus haut, quoi que constituant des menaces sur la liberté de la presse ne l’ont pas réellement dégradée ou remise en cause.
 
5. 2- Ethique et déontologie
 
Les manquements de la presse togolaise, notamment le non- respect des règles d’éthique et de déontologie, les insuffisances en culture générale et les atteintes récurrentes à la règle de confraternité ont persisté en dépit de la volonté des acteurs des médias de professionnaliser le secteur.
Ainsi, certains confrères se sont rendus coupables de publication de fausses nouvelles, d’atteintes à la vie privée d’autrui ou à l’honorabilité de certains citoyens, et de dénonciations calomnieuses.
Ente autres exemples :
 
Dans l’affaire dite « Tilapiagates », les confrères Elom ATTISSOGBE et Thierry AFFANOUKOE se sont rendus coupables de chantage et tentative d’extorsion de fonds en violation de l’article 1 du Code de déontologie des journalistes du Togo. D’où leur suspension par l’OTM pour six (6) mois depuis le 16 novembre 2015.
Le 23 mars 2016, c’est le journal « Le Perroquet » qui a été mis en garde par la HAAC pour « violation des règles déontologiques et éthiques » en violation de l’article 61 du Code de la presse et de la communication. Le même journal a écopé d’un mois de suspension de parution, depuis le 25 avril dernier, pour « violations répétées des règles de déontologie et non observation des conseils, des recommandations et mises en garde de la HAAC »
De même, les organes TV7, Fréquence 1, Radio victoire Fm et RTDS ont-ils été rappelés à l’ordre par la HAAC pour « Violation des dispositions législatives et règlementaires en vigueur » en ce qui concerne la diffusion et la publication des messages publicitaires des produits prohibés.
S’agissant de la violation de la règle de confraternité (article 16 du Code de déontologie des journalistes du Togo), le confrère Germain AYIVI et son journal « LE PERROQUET » s’en sont rendus maitres ces derniers temps. D’où le blâme qui leur a été infligé par le tribunal des pairs depuis le 25 janvier 2016.
VI -RECOMMANDATIONS
6-1-Aux autorités étatiques
L’OTM recommande la mise en application du reste des résolutions et recommandations issues des états généraux de la presse de juin-juillet 2014.
6-2- Aux partis politiques
L’OTM recommande de cesser l’instrumentalisation des journalistes et des médias.
6-3- Aux médias
L’OTM recommande de se conformer aux résolutions et recommandations des états généraux de la presse ainsi qu’aux rappels à l’ordre de l’OTM et de la HAAC. Il s’agit notamment du respect des règles d’éthique, de déontologie et de confraternité telles que prescrites par le Code de la presse et de la communication et le Code de déontologie des journalistes du Togo.
6-4- Aux Organisations de presse
L’OTM recommande :
 La poursuite des efforts en vue d’aboutir dans un délai raisonnable à des regroupements uniques ou des fédérations des journalistes du privé et du public d’une part, et des patrons de presse d’autre part ;
 L’accélération et l’aboutissement du processus de mise en place de la convention collective sectorielle ;
 La création d’une messagerie et d’une centrale d’achat.
 
CONCLUSION
 
Comme dirait l’autre, en parlant de la Paix, on pourrait dire, à propos de la Liberté de la Presse, qu’elle est beaucoup plus un comportement qu’autre chose. Car, si elle n’est pas une fin en soi, elle constitue en réalité une quête personnelle et collective permanente, sous tendue par une attention particulière et une réglementation des professionnels des médias pour tenter d’éviter, ou tout au moins limiter les déviances dues parfois à l’exploitation irresponsable de cette liberté.
Au fil des années, la presse togolaise avance et poursuit inexorablement son bonhomme de chemin. En jouant le rôle primordial et basique qui lui est assigné (Informer, Eduquer, Distraire), elle rapproche les peuples et contribue tant à la bonne gouvernance au Togo, qu’à l’encrage de la démocratie et d’un Etat de droit sur la voie de l’émergence.
 
Dans cet environnement exigeant, il est certes à remarquer que la presse en général, et les médias en particulier, font un travail de plus en plus professionnel qui doit être encouragé. Mais ces efforts des journalistes ne peuvent être maintenus et soutenus que par une prise de conscience de leur rôle de médiateur dans la société. Il s’agit donc pour eux, de prendre la mesure de leur responsabilité sociale par le respect des règles d’éthique et de déontologie qui garantissent la professionnalisation. Sur le socle de cette dernière, les patrons de presse devront s’atteler à transformer les structures de production en véritables entreprises de presse. En toute conscience, l’Etat devrait pouvoir les accompagner vers ces objectifs nécessaires et indispensables.
 
Le meilleur, dit-on, est à venir. C’est dire que, même si le pire est derrière nous, certains journalistes devront encore se départir des comportements qui avilissent la profession. De leur côté, les organisations de presse devront être unanimes pour extirper de leurs rangs les « brebis galeuses » qui font, volontairement ou pas, honte à la corporation.
C’est en cela que la presse togolaise pourra, à l’instar d’un trésor, préserver ce qu’elle a acquis de haute lutte : la liberté d’expression et son corollaire, la liberté de la presse.
 
Fait à Lomé le 03 mai 2016
L’Observatoire Togolais des Médias (OTM)

 




 
lomévi (www.togoactualite.com)
 

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