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Le Togo est une démocratie avec des hauts et des bas. C’est la conclusion à laquelle est parvenu le Centre de recherche et de sondage d’opinion (Crop), au terme d’un sondage effectué, le second sur le Togo. Mais à tout point de vue, il s’agit plutôt d’une drôle de démocratie que prône Faure Gnassingbé. Un petit examen de ce qui se passe dans le landerneau politique dans le cadre des prochaines élections législatives permet de réaliser que le Prince de la République a presque réinventé ce système de gouvernement source de bonheur sous d’autres cieux.
 
L’opposition interdite de toute activité
 
C’est constant que l’opposition politique est un des facteurs clés de la démocratie. C’est l’existence d’un autre courant de pensée qui critique et contrôle l’action du gouvernement qui démarque la démocratie de l’autocratie. Et il lui est reconnu un certain nombre de droits, particulièrement celui de mener librement ses activités politiques. Si le Togo se veut une démocratie, Faure Gnassingbé a restreint les droits de ses contradicteurs, entendu le Collectif « Sauvons le Togo » et la Coalition Arc-en-ciel.
 
A l’approche des élections électorales où les partis politiques intensifient leurs activités, ces deux fronts de l’opposition en sont interdits par le régime en place. Illustration palpable avec le dossier des incendies. Une bonne partie des leaders du Cst sont incarcérés dans cette affaire, coincés et exclus ainsi de la course aux législatives dont la date vient d’être fixée au 21 juillet prochain. A l’exception de quelques-uns qui ne sont pas inquiétés dans ce dossier, tous les autres sont inculpés et interdits de sortie de Lomé ou du pays. En tout cas ils ne doivent le faire que sous autorisation. C’est le cas d’Abass Kaboua, le patron du Mouvement des républicains centristes (Mrc) – arrêté et incarcéré depuis le 22 mai dernier-, de Jean-Pierre Fabre de l’Alliance nationale pour le changement (Anc), d’Agbeyomé Kodjo de l’Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire (Obuts). Même s’ils déposaient leurs candidatures, ils ne pourront pas aller à la rencontre de leurs militants, sympathisants ou des populations très simplement si la Justice instrumentalisée sous Faure Gnassingbé ne le permet pas. Leurs campagnes électorales sont donc compromises, et le terrain sera occupé par le pouvoir tout seul. Et pour nombre d’observateurs, c’est le dessein secret nourri par le pouvoir en leur imposant ces restrictions.
 
La dernière, c’est l’interdiction systématique des manifestations publiques du Collectif « Sauvons le Togo » et de la Coalition Arc-en-ciel souvent organisées pour dénoncer les travers de la gouvernance Faure Gnassingbé et réclamer des élections transparentes et équitables. Des manifestations qui ont toujours été pacifiques. L’ordre a été inauguré par les ministres de l’Administration territoriale et de la Sécurité le 21 mai dernier, et le prétexte a été pris sur les casses qu’il y a eu au ministère de la Fonction publique ce jour, en marge du procès des étudiants arrêtés sur le campus. L’opposition ayant dénoncé lors des mouvements l’illégalité de l’interdiction, la procédure a été revue et c’est le président de la Délégation spéciale de la ville de Lomé, le Contre-amiral Fogan Adégnon qui y a procédé pour la manifestation de vendredi dernier. Il faut redouter que cette interdiction systématique ne soit levée qu’après les législatives.
 
L’opposition était d’ailleurs interdite tacitement d’activités dans certains coins du pays depuis plusieurs mois voire années. C’est ce qu’il faut voir dans le déploiement des milices du pouvoir à Kara pour empêcher les manifestations politiques du Cst. Ces milices se permettent même de faire des déclarations au nom des populations de Kara ; mais aucune réaction de la part de Gilbert Bawara et Yark Damehame.
 
UNIR roi du terrain
 
Au moment où l’opposition est interdite de manifestations publiques et de toute activité politique, le terrain est envahi par les émissaires du parti au pouvoir, l’Union pour la République (Unir) de Faure Gnassingbé. Le parti avait lancé sa campagne électorale depuis, même si elle n’est pas encore ouverte officiellement par la Commission électorale nationale indépendante (Céni). Mais c’est le comble ces derniers temps. Ministres du gouvernement membres du parti ou pas, anciens officiels de l’Etat, directeurs de sociétés et de services administratifs, cadres de la fonction publique, aspirants aux postes de députés, tous sont déployés sur le terrain et dans leurs fiefs respectifs pour vendre Unir aux populations. Et la Télévision nationale est réquisitionnée pour les besoins de la cause.
 
On croirait une télévision privée. Toutes les activités de Unir y sont rapportées dans les moindres détails et les éditions du journal de 20 heures ne sont qu’une somme d’éléments sur des tournées des émissaires de Faure Gnassingbé à l’intérieur du pays. C’est cette réalité que nous dépeignions dans l’éditorial de la parution d’hier sous le titre « Assez de pensée « UNIRque » ! ». « …Tous les ministres, même ceux qui sont allés au gouvernement sous la bannière de la société civile ou d’autres partis politiques, sont mis à contribution et ne jurent que par UNIR. En plus, toutes les personnes qui ont un poste de responsabilité dans la fonction publique, croient qu’elles doivent leur nomination ou leur promotion à Gnassingbé fils et deviennent automatiquement cadres d’UNIR de leur préfecture d’origine…Tous les médias publics sont réceptionnés pour relayer dans leurs moindres détails les activités d’UNIR. A la TVT par exemple, les civilités du présentateur restent souvent ce qu’il y a de nouveau dans les différentes éditions du journal. Tout part d’UNIR, tout revient à UNIR. Si ce n’est pas Veuves pour UNIR (VUNIR), c’est Femmes divorcées pour UNIR (FDUNIR) ou Etudiants non boursiers pour UNIR (ENBUNIR) ou encore Vidangeurs redoutables pour UNIR (VRUNIR), etc. Dans cette dynamique, n’est-il pas mieux de transformer la TVT en Télévision pour UNIR (TVUNIR) ? En ce moment, tout le monde serait quitte et chaque téléspectateur saurait à quoi s’attendre s’il allume sa télévision », écrivions-nous. Et tout cela se passe au nez et à la barbe de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac) de Kokou Tozoun, chargée pourtant de « veiller à l’accès équitable des partis politiques et des associations aux moyens officiels d’information et de communication ».
 
Au demeurant, Faure Gnassingbé semble avoir réinventé la démocratie.
 
Tino Kossi
 

source : Liberté Togo

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