Depuis la présidentielle de 2010, des propositions fusent pour que les acteurs politiques puissent renouer avec la confiance. Mais les lignes n’ont pas bougé d’un iota. Et à l’approche des législatives, la crise s’est plutôt exacerbée, avec en toile de fond l’affaire des incendies. Un schéma resté intact, en dépit des initiatives de l’Ambassadeur des Etats-Unis au Togo, des missions de l’Union Interparlementaire (UIP). Pourtant, le pouvoir avance dans l’organisation des prochaines législatives.
La crise sociopolitique qui sévit au Togo est profonde, bien plus qu’on ne l’imagine. Et la circonscrire à la dimension familiale des Olympio et Gnassingbé serait une erreur. Longtemps réduite certes, à un conflit clanique entre ces deux familles, la crise togolaise a démontré qu’elle était d’une envergure jusque-là méconnue. Elle oppose en fait une écrasante majorité des Togolais à un système pernicieux aux relents politico-maffieux au pouvoir. A preuve, Gilchrist Olympio qui, autrefois auréolé du soutien populaire, a eu la maladresse de pactiser avec Faure Gnassingbé et cru décréter la fin de la crise togolaise s’est trompé sur toute la ligne. L’accord qu’il a signé le 26 mai 2010 avec Faure Gnassingbé n’a pas permis de juguler cette crise devenue tentaculaire. Tout au plus, il a permis de vider le vieux contentieux qui opposait ces deux familles, encore que là, l’analyse reste à relativiser. La lutte politico-démocratique engagée par le peuple togolais est donc loin d’être incarnée par un homme, fût-il considéré, à tort ou à raison comme un « mythe ». Les manifestations hebdomadaires menées jusqu’aujourd’hui par le FRAC et le CST qui drainent une frange non négligeable de la population togolaise illustrent parfaitement cette réalité poignante que la crise togolaise n’a pas pu être résorbée par cet accord dit historique.
L’échec de l’attelage RPT/UFC a du coup ouvert la voie à d’autres propositions. Ainsi en son temps, le Comité d’Action pour le Renouveau (CAR) avait-il proposé la Refondation de la République au moment où l’Organisation pour Bâtir dans l’Union un Togo Solidaire (OBUTS) parlait de Refondation démocratique de la République. A la CDPA, on supplée au slogan « Démocratie avant multipartisme » devenu le crédo du parti dirigé à l’époque par le Prof. Léopold Gnininvi depuis l’appel de Tsékpo, l’exigence pour les Togolais dans leur ensemble d’adhérer au « Pacte républicain ». D’autres formations de l’opposition avaient également brillé par leurs imaginations. Mais rien n’a changé. Le pouvoir est demeuré dans la logique de conservation du pouvoir à tout prix. Quant à l’opposition, elle ne s’est jamais lassée de faire ce qu’elle sait faire le mieux : dénoncer le recul de la démocratie, les arrestations arbitraires devenues légion au sein de l’opposition.
L’étape des négociations….inabouties
Après l’étape des propositions visiblement tombées dans les oreilles de sourds, vient la saison des négociations, et des dialogues. Ici, c’est à un cafouillage total que l’on assiste. Les versions du Cadre Permanent de Dialogue et de Concertation (CPDC), on en dénombre plusieurs. CPDC original, CPDC version Sanvi de Tové, élargi aux partis extra-parlementaires, CPDC rénové, la discussion limitée aux partis parlementaires, etc. Toutes ces initiatives ont fait flop. Et jusqu’aujourd’hui, pouvoir et opposition se jettent la responsabilité des échecs de ces pourparlers. Quand du côté du pouvoir on dénonce les préalables, notamment le retour des neuf députés ANC à l’hémicycle, que pose souvent l’ANC pour prendre part aux discussions, dans le camp d’en face, on parle de mauvaise foi des tenants du pouvoir habitués à organiser des farces de discussions destinées en réalité à ripoliner l’image du régime à l’extérieur. Surtout que d’une main, le pouvoir tendait la perche du dialogue et que de l’autre, il tenait les cordelettes, matraques, menottes, grenades lacrymogènes pour réprimer. Du coup, se sont dit les opposants, « il n’est pas question de se prêter à ce marché de dupes ou de servir de faire-valoir démocratique au pouvoir dans son dessein malsain ».
Mgr Nicodème Barrigah, la dernière bouée de sauvetage ?
Sous l’égide de l’Ambassadeur des Etats Unis au Togo, une nième consultation qualifiée de concertation à huis clos a eu lieu et a été présidée par le Prélat Nicodème Barrigah, celui-là qui a eu du mal à gérer la patate chaude qu’est ce machin de réconciliation nationale. Des partis membres de la Coalition Arc-en-ciel y ont pris part, ainsi que l’Alliance des Démocrates pour le Développement Intégral (ADDI), membre du Collectif « Sauvons le Togo » (CST). Mais là également, les frères « ennemis » togolais n’ont pu accorder leurs violons sur l’essentiel des réformes à opérer. Cette nième tentative n’a pas connu un meilleur sort que les précédentes. Et pourtant, les législatives approchent à grand pas et il y a urgence de trouver un modus vivendi pour aller aux élections sans heurts. Le pouvoir, a-t-on appris, est resté hermétiquement fermé aux réformes majeures. Il continue de soutenir qu’elles ne pourraient être opérées qu’après les législatives.
Horizon bouché…vers des élections sous haute tension
Devant l’évidence de mauvaise foi du régime Faure Gnassingbé et la radicalisation des positions, avec en toile de fond l’affaire des incendies qui sert de prétexte au pouvoir pour décapiter le CST, les Togolais qui devront être appelés aux urnes fin mai selon certaines sources proches de la CENI, ne savent pas exactement où donner de la tête. Et pour cause, l’horizon est bouché. La dernière mission dépêchée au Togo par l’Union Interparlementaire (UIP) reste aussi une preuve que les élections législatives ne s’annoncent pas sous des jours sereins.
Mais feignant d’ignorer le spectre de la violence qui plane sur le pays si le scrutin s’organise dans les conditions actuelles qui sont décriées, le pouvoir conduit le processus et semble lui donner un coup d’accélérateur ces derniers temps. Côté CENI, les dernières dispositions sont en train d’être prises pour donner le ton au recensement électoral, censé se dérouler entre le 15 mars et le 14 avril 2013. Et, inéluctablement, l’on s’achemine vers des élections sous haute tension. Car, si du côté du CST, on n’est pas prêt à lâcher du lest, du côté du pouvoir, on ne semble pas prêt non plus à organiser le scrutin dans des conditions de transparence. Toutes choses qui font d’ores et déjà monter la tension au sein de la population qui redoute un remake de 2005.
Magnanus FREEMAN
liberte-togo