• Le magistrat doit pouvoir disposer d’un droit de recours légal

Nous apprenons que le projet de loi organique devant régir désormais la vie de la magistrature togolaise fait des allers-retours entre le ministère de la Justice, initiateur dudit projet, et l’Assemblée nationale. Quelle couleur aura la fumée qui sortir de ces tractations ? Mais s’il est un ou deux remarques que nous nous permettons de faire, c’est d’abord l’impossibilité pour le ministre de la Justice d’être membre du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Le 3ème pouvoir ne saurait se laisser envahir par l’Exécutif. Ensuite, l’insusceptibilité de recours devant un juge administratif pour tout magistrat injustement sanctionné comme ce fut les cas dans le passé.

En effet, du moment que celui auprès de qui le recours gracieux était sollicité sera désormais président du CSM, il devient impératif que le magistrat, tout comme tout justiciable, dispose d’un droit de recours auprès d’un juge administratif. Parce que les sanctions prononcées sont du domaine administratif et doivent à cet effet pouvoir être analysées, histoire de permettre à une juridiction administrative d’en apprécier la justesse. Ce qui devra consacrer la fin du recours gracieux qui aura vécu.

Ce faisant, le Statut des magistrats, une autre loi organique datant du 21 août 1996 devra aussi subir un toilettage pour répondre au mieux aux urgences et nécessités de l’heure. Des articles dont le 41 dispose : « La décision du conseil de discipline doit être motivée. Elle n’est pas susceptible d’opposition ; toutefois, elle peut faire l’objet d’un recours gracieux devant le Président de la République. Elle n’est pas rendue publique ». La révision constitutionnelle dépeindra à n’en pas douter sur ce statut qui d’ailleurs, a été trop longtemps violé.

Mais de grâce, une fois votées ces lois aux magistrats, que le législateur se penche sur la situation de ceux sans qui le tribunal ne saurait fonctionner, les GREFFIERS du Togo qui ne regretteront point le départ de l’actuel ministre de la Justice, Pius Agbetomey.

Abbé Faria

Projet de loi organique portant organisation, composition, attributions et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature

Titre I – Organisation et composition

Chapitre 1 : Organisation

Article 1er : conformément à l’article 116 de la constitution, le Président de la République est garant de l’indépendance de la justice. Il veille à l’impartialité, au professionnalisme, à la probité, à l’intégrité et à la dignité de la magistrature. Il est assisté à cet effet par le Conseil supérieur de la magistrature.

Article 2 : Le Conseil supérieur de la magistrature comprend deux (2) formations : la formation des magistrats du siège et la formation des magistrats du parquet.

Chapitre 2 : Composition

Article 3 : Le Président de la République est président du Conseil supérieur de la magistrature. Le ministre chargé de la justice en est le vice-président.

Article 4 : Est également membre du Conseil supérieur de la magistrature un député élu par l’Assemblée nationale.

Article 5 : Les magistrats membres de la formation des magistrats du siège du Conseil supérieur de la magistrature sont :

1- Le président de la Cour suprême, président ;

2- Deux (2) conseillers à la Cour suprême élus par le collège des conseillers à la Cour suprême ;

3- Les présidents des cours d’appel ;

4- Deux (2) présidents de tribunaux élus par le collège des magistrats du siège des tribunaux.

Article 6 : Les magistrats membres de la formation des magistrats du parquet du Conseil supérieur de la magistrature sont :

1- Le procureur général près la Cour suprême, président ;

2- Les procureurs généraux près les cours d’appel ;

3- Deux (2) procureurs de la République élus par le collège des magistrats des parquets de première instance.

Chapitre 3 : Election des membres

Article 7 : Les collèges électoraux pour l’élection des magistrats sont convoqués par le ministre chargé de la justice.

Les élections sont présidées :

– pour les conseillers à la Cour suprême par le président de la Cour suprême ;

– pour les présidents de tribunaux, par le plus ancien des présidents de cour d’appel ;

– pour les procureurs de la République, par le plus ancien des procureurs généraux près la Cour d’appel.

Ne peuvent être électeurs, les magistrats en position de disponibilité ou de détachement, en congé spécial, en congé de longue durée ainsi que les magistrats temporairement interdits d’exercer leurs fonctions pendant le temps où ils se trouvent dans une de ces situations. Est inéligible le magistrat frappé de sanction complémentaire d’inéligibilité prononcée en sus d’une sanction disciplinaire. L’élection se fait en présence d’un huissier de justice désigné par le ministre chargé de la justice.

Article 8 : L’élection du député membre du Conseil supérieur de la magistrature se fait sur convocation du président de l’Assemblée nationale. Elle a lieu conformément au règlement intérieur de l’Assemblée.

Article 9 : Les élections des magistrats ont lieu au scrutin uninominal majoritaire à deux (2) tours et à bulletin secret. Les élections ne peuvent avoir lieu que si la majorité des membres composant les collègues électoraux est présente. Est élu au premier tour du scrutin le candidat qui a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés. Seuls peuvent se présenter au deuxième tour les deux candidats arrivés en tête au premier tour. Est déclaré élu, celui des deux candidats qui recueille la majorité des suffrages exprimés. En cas d’égalité de voix au deuxième tour, il est procédé à un tirage au sort.

Article 10 : Les procès-verbaux d’élections des membres élus du Conseil supérieur de la magistrature sont transmis par le ministre chargé de la justice au président de la Cour constitutionnelle qui, à défaut de contestation, en constate par ordonnance la régularité et les transmet au Président de la République.

Article 11 : Au vu des procès-verbaux d’élections et des ordonnances du président de la Cour constitutionnelle, le Président de la République nomme, par décret, les membres du Conseil supérieur de la magistrature.

Chapitre 4 : Contentieux de l’élection

Article 12 : Les contestations auxquelles peut donner lieu l’élection des membres du Conseil supérieur de la magistrature sont jugées par la Cour constitutionnelle. La Cour est saisie par une requête écrite adressée à son président par tout candidat dans les dix (10) jours qui suivent l’élection.

Article 13 : La requête contient : les nom, prénom(s) et qualité du requérant, ainsi que les motifs de la contestation.

Article 14 : La Cour constitutionnelle peut rejeter, par décision motivée, les requêtes ne pouvant avoir une influence sur les résultats de l’élection.

Article 15 : Lorsqu’elle fait droit à une requête, la Cour constitutionnelle peut, soit redresser les résultats, soit annuler l’élection contestée. En cas d’annulation, de nouvelles élections ont lieu dans les trente (30) jours suivant la décision d’annulation.

Chapitre 5 : Statut des membres

Article 16 : La durée du mandat des membres élus du Conseil supérieur de la magistrature est de quatre (4) ans renouvelable une seule fois. Le mandat des membres de droit du Conseil prend fin en cas de perte de leur qualité de président d’une juridiction ou de procureur. Le poste est alors considéré comme vacant et il est procédé tel que prévu à l’article 18 de la présente loi. Aucun membre ne peut, pendant la durée de ses fonctions, exercer ni les professions d’auxiliaire de justice, ni celles d’officier public ou ministériel, ni aucun mandat électif. Le Conseil constate la démission d’office de celui de ses membres qui se retrouve dans un cas d’incompatibilité et qui ne s’est pas démis dans le mois qui suit son entrée en fonctions.

Article 17 : Tout membre du Conseil supérieur de la magistrature peut démissionner de ses fonctions par lettre adressée au Président de la République. La démission prend effet le jour de la désignation du remplaçant.

Article 18 : En cas de vacance il est procédé au remplacement du membre vacant dans un délai de trente (30) jours dans les mêmes formes que celles prévues pour sa désignation. Il y a vacance en cas de décès, d’empêchement définitif pour une cause quelconque, de démission ou de perte de la qualité de président d’une juridiction ou de procureur. La vacance est constatée par la Cour constitutionnelle sur saisine du président du Conseil supérieur de la magistrature. Le membre désigné achève le mandat de son prédécesseur.

Article 19 : Il est pourvu au remplacement des membres du Conseil trente (30) jours au moins avant l’expiration de leur mandat.

Chapitre 6 : Droits et obligations des membres

Article 20 : Les membres du Conseil supérieur de la magistrature perçoivent des indemnités journalières de session. Les membres résidant hors du siège du Conseil ont droit au remboursement de leurs frais de déplacement et de séjour suivant le barème officiel.

Article 21 : Les membres du Conseil supérieur de la magistrature ainsi que les personnes qui, à un titre quelconque, assistent aux délibérations sont tenus au secret professionnel.

Article 22 : Les membres du Conseil supérieur de la magistrature exercent leur mission dans le respect des exigences d’indépendance, d’impartialité, d’intégrité et de dignité et veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflit d’intérêts. Ils veillent au respect de ces mêmes exigences par les personnes dont ils s’attachent les services dans l’exercice de leurs fonctions. Constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction. Saisie par le président d’une des formations du Conseil ou par la majorité des autres membres appartenant à l’une de ces formations, la formation plénière apprécie, à la majorité des membres la composant, si l’un des membres du Conseil a manqué aux obligations mentionnées aux deux (2) premiers alinéas. Dans l’affirmative, elle prononce, selon la gravité du manquement, un avertissement ou la démission d’office.

Article 23 : Dans les deux (2) mois qui suivent leur entrée en fonction, les magistrats membres du Conseil supérieur de la magistrature établissent une déclaration d’intérêts, dans les conditions prévues par la loi organique relative au statut de la magistrature. Les déclarations d’intérêts sont tenues à la disposition de l’ensemble des membres du Conseil. Toute modification substantielle des intérêts détenus fait l’objet, dans un délai de deux (2) mois, d’une déclaration complémentaire dans les mêmes formes. Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, la déclaration d’intérêts ne peut pas être communiquée aux tiers.

Article 24 : S’ils ne sont pas soumis à l’obligation d’établir une déclaration de situation patrimoniale à un autre titre, les magistrats membres du Conseil supérieur de la magistrature sont soumis à cette obligation dans les conditions prévues par la loi organique relative au statut de la magistrature.

Article 25 : Aucun membre du Conseil supérieur de la magistrature ne peut délibérer ni procéder à des actes préparatoires lorsque sa présence ou sa participation pourrait entacher d’un doute l’impartialité de la décision rendue. La formation à laquelle l’affaire est soumise s’assure du respect de cette exigence.

Titre II – Attributions

Article 26 : L’ensemble des membres du Conseil supérieur de la magistrature se réunit en session plénière sur convocation du Président de la République, président de la plénière. En cas d’absence ou d’empêchement du président, la plénière est valablement présidée par le ministre chargé de la justice, vice-président. Chacune des formations du Conseil supérieur de la magistrature se réunit sur convocation de son président.

Article 27 : Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en séance plénière pour :

1. élire le magistrat membre de la Cour constitutionnelle ;

2. donner son avis au Président de la République sur les recours en grâce présidentielle, les projets de loi d’amnistie et lorsqu’il est consulté par celui-ci sur toutes les questions concernant l’indépendance de la magistrature ;

3. donner son avis au ministre chargé de la justice sur le recrutement de tout magistrat dans la magistrature togolaise ;

4. adopter le rapport annuel de ses formations ;

5. constater la démission d’office d’un membre ; 6. élaborer et rendre public un recueil des obligations déontologiques des magistrats ;

7. se prononcer sur tout sujet sur lequel compétence lui est donnée par la loi.

Chapitre 1 : Nominations des magistrats

Article 28 : Les candidatures aux emplois pourvus sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature sont adressées simultanément au Conseil supérieur de la magistrature et au ministre chargé de la justice. Pour chaque nomination de magistrat du siège à la Cour suprême, de président de cour d’appel ou de président de tribunal, la formation du conseil compétente pour les magistrats du siège arrête, après examen des dossiers des candidats et sur le rapport d’un de ses membres, la proposition qu’elle soumet au Président de la République. Pour les nominations de magistrats aux autres fonctions du siège, l’avis conforme de la formation du conseil compétente à l’égard des magistrats du siège est donné sur les propositions du ministre chargé de la justice et après un rapport fait par un membre de cette formation.

Article 29 : Pour les nominations de magistrats aux fonctions du parquet, l’avis de la formation des magistrats du parquet du conseil est donné sur les propositions du ministre chargé de la justice et après un rapport fait par un membre de cette formation.

Article 30 : Les propositions du ministre chargé de la justice sont transmises à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature avec la liste des candidats pour chacun des postes concernés. Le rapporteur a accès au dossier des magistrats candidats. Il peut demander au ministre de la justice toutes précisions utiles. Ces précisions et les observations éventuelles du magistrat intéressé sont versées dans le dossier de ce dernier. Sur proposition du rapporteur, le Conseil peut remettre au ministre chargé de la justice les observations qu’il estime utiles sur le contenu du dossier examiné. Les dossiers des auditeurs de justice conservés au centre de formation des professions de justice sont transmis au Conseil lorsque celui-ci est consulté sur la première affectation des intéressés. Ces dossiers sont ensuite retournés au centre.

Chapitre 2 : Discipline des magistrats.

Article 31 : Le pouvoir disciplinaire est exercé, à l’égard des magistrats du siège par le Conseil supérieur de la magistrature, formation des magistrats du siège et à l’égard des magistrats du parquet ou du cadre de l’administration centrale du ministère de la justice, des services, institutions et organismes rattachés au ministre chargé de la justice par ce dernier avec l’avis du Conseil supérieur de la magistrature, formation des magistrats du parquet. Il est exercé à l’égard des magistrats en position de détachement ou de disponibilité ou ayant définitivement cessé leurs fonctions :

– par la formation du Conseil compétent pour les magistrats du siège lorsque ces magistrats ont exercé leurs dernières fonctions dans le corps judiciaire au siège ;

– par le ministre chargé de la justice avec l’avis de la formation du Conseil compétente pour les magistrats du parquet, lorsque ces magistrats ont exercé leurs dernières fonctions dans le corps judiciaire au parquet, à l’administration centrale du ministère de la justice, dans les services, institutions et organismes rattachés au ministre.

Dans tous les cas, la formation compétente du Conseil est saisie par le ministre chargé de la justice. La réunion a lieu sur convocation du président de la formation concernée toutes les fois que les circonstances l’exigent.

Article 32 : Les sanctions applicables ainsi que la procédure sont déterminées par la loi organique fixant statut des magistrats.

Chapitre 3 : Autres attributions

Article 33 : Le Conseil supérieur de la magistrature est consulté par le Président de la République sur toutes les questions concernant l’indépendance de la magistrature. Il oeuvre à la recherche des solutions aux revendications formulées par les magistrats.

Article 34 : Chaque formation du Conseil supérieur de la magistrature peut charger un ou plusieurs de ses membres de missions d’information auprès de la Cour suprême, des cours d’appel, des tribunaux et du Centre de Formation des Professions de Justice. Le Conseil publie chaque année le rapport d’activité de chacune de ses formations.

Titre III- Fonctionnement

Article 35 : Chacune des formations du Conseil supérieur de la magistrature se réunit sur convocation de son président en session ordinaire au début de chaque trimestre et chaque fois que les circonstances l’exigent.

Article 36 : Pour délibérer valablement, le Conseil supérieur de la magistrature doit comprendre, outre le président de séance, au moins :

– neuf (9) membres pour la plénière ;

– cinq (5) membres pour la formation des magistrats du siège ;

– trois (3) membres pour la formation des magistrats du parquet.

Les propositions et avis de chacune des formations et de la plénière sont formulés à la majorité absolue des voix. En cas de partage de voix, celle du président est prépondérante.

Article 37 : Les recours en grâce sont préalablement instruits par le ministre chargé de la justice et s’il y a lieu, après examen préalable, par le ministre intéressé par la condamnation objet desdits recours. Le Conseil supérieur de la magistrature émet son avis après un rapport établi par l’un de ses membres.

Article 38 : Les crédits nécessaires au fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature sont inscrits au budget de la Présidence de la République.

Article 39 : Le secrétaire général du Conseil supérieur de la magistrature est nommé par décret du Président de la République sur proposition du ministre chargé de la justice parmi les magistrats justifiant d’au moins dix (10) ans de services effectifs en qualité de magistrat. Il est placé en position de détachement et ne peut exercer aucune autre fonction. Il est désigné pour la durée du mandat des membres du Conseil et peut être renouvelé une fois dans ses fonctions. Le secrétaire général perçoit une indemnité de fonction équivalent au moins à celui des secrétaires généraux des institutions de la République. Les modalités de fonctionnement du Conseil ainsi que l’organisation du secrétariat général sont fixées par décret en Conseil des ministres.

Titre IV – Dispositions finales

Article 40 : Est abrogée, la loi organique N° 97-04 du 6 Mars 1997 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.

Article 41 : La présente loi organique sera exécutée comme loi de l’Etat.

Avec Liberté Togo

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