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Nouveau rapport 2014 de GFI et « Swissleaks »
 
. 41 clients du Togo aussi concernés par le scandale
 
Il y a quelques jours, le journal français Le Monde a révélé un vaste système de fraudes bancaire et fiscale dont l’épicentre se trouve en Suisse, la filiale de la banque britannique HSBC. Mais lorsqu’on décrypte les montants et les pays en cause, on réalise que les deux derniers rapports de l’Ong américaine Global Financial Integrity (GFI) sur les flux financiers illicites et plus récemment celui du Groupe d’experts de haut niveau présenté au 24ème sommet de l’Union Africaine sur le même thème sont loin d’être des affabulations. « Swissleaks », du nom du scandale, ne serait que la partie visible de l’iceberg qu’est le phénomène des fraudes fiscales et autres flux illicites de fonds. Si seulement la découverte des auteurs pouvait être aussi aisée, beaucoup de responsables d’entreprises, de ministres et autres chefs d’Etat verraient leurs noms portés sur la place publique, au grand bonheur des pauvres contribuables.
 
Au menu des pays concernés par le scandale de Swissleaks, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Burkina Faso, le Togo, la Mauritanie, la Sierra Leone, le Nigeria, pour ne citer que ces pays-là, mais en matière de flux illicites de capitaux, presque tous les pays d’Afrique sont gangrénés. Selon le journal Le Monde, près de 180,6 milliards d’euros ont été dissimulés au fisc dans des paradis fiscaux avec la complicité de la banque HSBC entre 2006 et 2007 par un système qui permet de crypter les noms des vrais propriétaires des comptes qui sont créés auprès de cette banque. Les noms des propriétaires sont remplacés par des numéros, ce qui rend l’identification du propriétaire quasi impossible. Au moins deux modes de cryptages sont utilisés à cette fin dont le second consiste à rattacher les comptes identifiés sous des numéros à une personne morale (société écran) dont le vrai propriétaire ne deviendra qu’un simple mandataire discret. Ce faisant, seule un fichier secret permet de relier les numéros aux vrais propriétaires qui, pour les besoins de retrait de liquidités, utilisent les numéros ou se déplacent personnellement en Suisse, ce qui a l’avantage de ne pas laisser de trace écrite.
 
Aujourd’hui, c’est seulement la banque HSBC. Par rapport à des données antérieures à ce scandale, il est permis de dire que la réalité est ailleurs. Car il vous souvient que l’association GFI avait rendu public un rapport en décembre 2013 sur les flux financiers illicites de par le monde. Fin décembre 2014, GFI confirme les informations publiées il y a un an et qui portent sur 145 pays. Si le Sénégal est moins touché avec un flux moyen annuel d’1 million de dollars dans le nouveau rapport titré « Illicit Financial Flows from Developing Countries 2003-2012 », le Bénin occupe la 133ème place avec 41 millions de dollars, le Ghana est 93ème avec 316 millions de dollars, le Togo pointe au 41ème rang mondial et au 7ème rang africain avec des flux illicites annuels de l’ordre de 1,824 milliard de dollars entre 2003 et 2012, soit plus de 9.120 milliards de FCFA en 10 ans ! Et lorsqu’on constate que sous feu Eyadema jamais les flux illicites annuels n’avaient dépassé le milliard de dollars, on devine aisément sous quel chef d’Etat les fuites de capitaux ont connu leur boom. Mais paradoxe, 41 clients du Togo seraient aussi touchés par le scandale de HSBC.
 
Selon les explications du journal français, bien malin qui pourra déterminer la correspondance entre les numéros des comptes bancaires et leurs propriétaires véritables, et le secret bancaire étant la chose la mieux partagée dans le monde de la fraude financière, il est presque certain que ce ne sera pas demain la divulgation de noms de personnalités politiques, surtout africaines dont les noms figureraient dans les répertoires de la banque. Et ce n’est pas tant la divulgation des noms que la certitude de l’existence des flux illicites qui doit préoccuper si le but recherché est de trouver les moyens pour endiguer ce fléau.
 
Au Togo, lorsque nous avions publié un article début février 2014 sur l’existence des flux illicites, les autorités avaient fait dos rond, jusqu’à la conférence de presse de Jean-Pierre Fabre sur le même sujet. Il n’en fallait pas plus pour qu’il soit traité de tous les noms d’oiseaux. On l’avait même accusé de « récupérateur ». Mais les faits étant têtus, l’association GFI persiste et signe, un an après son premier rapport et le scandale de Swissleaks, quand bien même il ne couvre que deux années, apporte le bouquet final sur l’existence de ces flux.
 
Lutter contre cette pratique sera certes difficile, mais pas impossible et deux voies impartiales et complémentaires existent : l’une a donné son nom à une coalition camerounaise, « Publish what you pay » (Publiez ce que vous payez) ; et la levée du secret bancaire. A l’heure où la transparence dans la gestion des finances publiques devient la norme au sein de la société civile africaine (Cf : Déclaration de la société civile africaine au 24ème sommet des chefs d’Etat de l’Union Africaine), il s’avère que la publication des comptes des personnalités publiques, à commencer par ceux des chefs d’Etat africains devient une nécessité. Si tout Français peut par exemple accéder au salaire de leur président via la toile, oser demander à connaître les émoluments d’un chef d’Etat en Afrique est assimilable à un crime et passible de peine de prison. Encore plus grave si l’on veut s’aventurer sur les voies par lesquelles ils acquièrent des réalisations immobilières tant au pays qu’à l’extérieur.
 
Sur un site internet au Togo, des anonymes semblent curieux de connaître les noms des 41 concitoyens qui seraient aussi éclaboussés par l’affaire Swissleaks. Mais après les explications sus-données quant aux imbrications et enchevêtrements des voies des flux financiers illicites, on peut répondre à leurs préoccupations par un refrain d’une chanson d’Alain Barrière : « autant chercher une fleur dans le désert, un sucre dans la rivière ou un fantôme dans le vent ». Mais au-delà de cette interrogation, il serait intéressant que chacun se pose la question suivante : si en deux années, la seule filiale suisse de la banque HSBC a pu réaliser cette prouesse, qu’en a-t-il été des autres années et qu’en sera-t-il des autres banques d’autres paradis fiscaux ?
 
Abbé Faria
 
source : Liberté Togo
 

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