Le hasard n’existe pas dans la gestion des hommes. Les jeunes monarchies africaines affichent tous les jours leur face cachée, ici et là, le miracle promis s’éloigne. Elles sont caractérisées par les mêmes tares: pouvoir à vie, masturbation des textes politiques, crimes de sang et crimes économiques comme levier pour soutenir leur longévité politique, pour ces régimes ivres de pouvoir, les priorités nationales sont des embarras dont il faut vite s’en débarrasser.
C’est alors qu’en RDC, le fils Kabila, après avoir remplacé son père dans des conditions les plus floues, compte s’offrir une rallonge en fin de ce qui est supposé être son dernier mandat
IL compte y parvenir par un tripatouillage constitutionnel. Kabila fils fait feu de tout bois. Violence et répressions sanglantes sont une sentinelle toujours aux aguets. Sur le plan diplomatique, il se donne les moyens de ses ambitions. Mêmes les intellectuelles togolais comme EDEM Kodjo, muet si ce n’est complice face à la déconfiture dans leur propre pays, y jouent un premier rôle au nom de l’UA. Le chantier est encore vaste, et les difficultés offrent une vue imprenable pour le moment. Ce pays réservoir de ressources naturelles, risque de connaître, encore pour longtemps, des périodes incertaines à moins que les dirigeants raisonnent leurs ambitions. La RDC, c’est jadis le Zaïre de Mombutu Sesséko Wazambaga. Source de viles inspirations aux autres dictatures, Mombutu le démiurge a quitté le pouvoir alors qu’il était grabataire. Le long règne, la maladie et surtout la rébellion ont eu raison de lui. Son remplaçant, chef de rébellion, ne fera pas long feu; il est remplacé par son fils. Ce dernier, nous sommes mal placés pour juger de ses compétences à la tête du pays. La seule certitude est que le monsieur ayant reçu une mauvaise passe après un long règne dictatorial sur un des pays-continent les plus riches de l’Afrique, a du mal à se départir des habitudes qui rongent les dictatures. Le pays est riche, très riches, la nature a tout prévu pour tout le monde. Mais la répartition des biens reste un casse-tête chinois.
Le Gabon, l’autre monarchie plastique
Le fils du père, il n’a pas fini de se justifier de ceux qui estiment, en bon droit d’ailleurs, qu’il est un monarque usurpateur à double sens. D’abord, sa filiation restent à prouver et ensuite, sa réélection sera pour longtemps une énigme que seules comprennent les habitués des coups d’Etat électoralistes. En attendant, il jouit d’un héritage national. Les contestateurs ont encore des arguments de taille pour entretenir longtemps le débat. En milieux aride, un arbre ne survit que de sa rosée, Ali BONGO, si on peut encore le designer ainsi, vient de signer un braquage électoral arrosé du sang des Gabonais, comme l’a si bien réussi Gnassingbé fils en 2005. Bongo fils, un président de fait, mais la transition entre ce qui s’apparente à un coup d’Etat électoral et la normalisation promet des jours incertains. Ce braquage électorale a encore fragilisé une monarchie déjà contestée malgré l’apparente bien être sociale entretenue par les puits de pétroles et autres ressources. Petit pays, petite population, grandes richesses, autorité chancelante, le Gabon n’est pas encore sorti de l’auberge. Toutefois, socialement parlant, le pays n’a rien à envier aux bons élèves du contient.
Enfin et surtout le Togo, la tête d’affiche du syndicat des fils à Papa
Bande de terre suffisamment riche pour donner le sourire à tous les fils, l’or de l’humanité devenue terre d’asile des trafics décriés sur le continent. Mon pays a une double malchance. Il est d’abord géré par une monarchie au visage d’une calamité naturelle. Une monarchie, qui, au-delà de ses incohérences politiques, de ses insuffisances intellectuelles, a choisi de faire un lit drapé d’une impunité nauséabond aux crimes économiques.
De la RDC au Gabon, les clivages sociaux sont encore apparentes, toutefois, si les populations ne sont pas rassasiées, elles n’ont pas faim, mieux, politiquement, il est encore possible de rêver. Que dire du Togo? La terre aux portes closes, petit territoire aux grandes richesses confisquées par un clan, avenir politique au bout de la baïonnette. Si avec les autres monarchies, les clichés peuvent être analogues sur un point de vue politico-militaire, le Togo a touché le fond dans tous les domaines.
D’abord les autorités au sommet
Faure Gnassingbé, un éléphant annoncé qui arrive avec un pied cassé. Le monsieur est d’abord l’héritier d’un nom associé à l’image du pays depuis 50 ans, Gnassingbé. Pendant la même période où les populations n’ont eu d’oreilles que pour les Gnassingbé, dix différents chefs d’Etats se sont succédé aux USA. Si le prince était un technocrate, grand visionnaire à la taille des attentes d’une population déjà abusée par le père, bref s’il était une exception politique, il aurait pu donner une autre image au triste héritage congénital qu’il traine. Mais rien de tout ça. Ainsi, alors qu’il rempile déjà pour un troisième mandat, le gars n’a pas encore fini de quémander une crédibilité. Pour cause, ses discours qu’il tente de dissocier du règne du père ont du mal à s’accompagner d’actes. Du coup, la population affectée par une soif de changement, a toujours infligé un vote sanction au monarque à chaque rendez-vous politique.
De son côté, il utilise les mêmes cartouches que son père pour faire passer son forcing. Il glane une certaine crédibilité avec une population qui estime toujours son vote volé. Mais, comme par instinct de conservation, le peuple croise le bras et observe. A-t-il abdiqué ou c’est juste une façon de reculer pour mieux sauter, le temps nous édifiera. En attendant, l’on a le sentiment d’être en face d’une population« oubliée des dieux ». Elle se sent le vilain devoir de faire avec un environnement en perpétuelle déconfiture en marmonnant son mécontentement, en trainant les pas, obligée de renoncer à ses droits politiques pour éviter le pire dans l’espoir d’un avenir meilleur. Mais «l’avenir n’est pas écrit», l’image de tout avenir dépend de comment chaque camp s’organise. Le camp de l’oppresseur semble s’organiser le mieux. C’est le même Dieu des peuples que les monarchies aussi invoquent. C’est ensemble qu’on est fort, mieux, le dieu de la démocratie est dans le nombre, mais au Togo, la division, la peur semble, du moins pour l’heure, avoir raison du nombre. La plupart de ceux qui doivent agir sur les leviers pour mettre le nombre à contribution estiment que « en même temps est mieux». Diviser pour régner, la politique du bâton et de la carotte marche d’un côté, l’avenir s’assombrit de l’autre. Le pays est traversé par une forme d’arc-en-ciel qui précède les violentes averses.
L’atmosphère est lourd, la visibilité est limitée aussi bien avec les masses qu’avec les dirigeants. Les dirigeants gangrénés qu’ils sont par une myopie intellectuelle sont trop limités pour définir une orientation défendable, les populations suivent sans trop savoir vers où leur sort est orienté. Ça tâtonne, la minorité a fait preuve de sa médiocrité dans la gestion des affaires publiques. Les 7.000.000 d’âmes sont trainés par le nez vers un avenir incertain. Sur les eaux, sur la terre ferme, dans les relations diplomatiques, personne ne peut dire de quoi demain sera fait, la seule certitude est qu’il y a problème. Faure GNASSINGBE est sorti des meilleures universités américaines, en tout cas c’est ce qu’on a servi aux Togolais et son père en avait une fierté personnelle au point d’en faire un héritier au trône. Mais aux vu des résultats, les observateurs avisés se demandent si le monsieur mérite vraiment les diplômes à lui attribués.
Les premiers faux pas étaient excusables, dans toute initiation surgit des erreurs. Mais trois mandats c’est quand même grand pour s’affirmer. Le Togolais attend encore et toujours le miracle. Sur le plan économique, même au plus profond de la crise diplomatique entre son pays et le reste du monde, Gnassingbe I n’a autant endetté son pays que Gnassingbé II. Les choix économiques sont des plus hasardeux, tous les rapports du FMI et de la Banque mondiale affichent le rouge. Les minerais, s’ils ne sont pas bradés aux expatriés contre quelques actions aux Togolais, ils sont échangés contre la sécurité personnelle de monsieur le président qui a de bonnes raisons de se méfier de sa propre population, voire de son armée. C’est ainsi que de sérieux rapports stipulent que « le Togo ne connait pas les quantités exportées de son phosphate ». L’exploitation de ce minerais, jadis poumon de l’économie nationale, est passée sous le contrôle du colon israélien qui gère la sécurité du prince. Oui le prince, habitué des cambriolages électoraux, sait que pour asseoir son pouvoir, il a fait des mécontents à chaque coins de rue. Il veut bien porter les gants pour parer à toute éventualité contre les mouvements suspects. Les Israéliens y veillent même si les phosphates togolais doivent saignés. Le clinker, deuxième minerais passé premier depuis que les phosphates ont faibli, est partagé entre une horde d’Indiens, des sociétés écrans et quelques actionnaires togolais, même si la fraude fiscale, qui y a élu domicile, échappe à tout le monde jusqu’au sommet des sommets. Tout comme le fer, exploité dans la violation totale des droits des populations, le clinker est bradé et ces minerais ne participent au budget national que pour une portion congrue. Le port autonome de Lomé: là aussi, la côte togolaise n’est plus une destination rêvée pour les opérateurs économiques. Réformes sans grandes études d’impact, privatisations à la va vite, dispositions coercitives plus pilotées par des intérêts individuels que nationaux, ce sombre ensemble a asphyxié les quais togolaises. Malgré les grands investissements des multinationales, pour l’extension du port, les importateurs ne se bousculent plus. Il suffit de comparer les activités économiques au PAL d’il y a 5 ans à celles d’à présent pour s’en convaincre.
Les opérations de charme dans l’hinterland pour ressusciter la confiance des hommes d’affaires ne portent toujours pas de fruit, tant les maux qui les ont délogés demeurent. Pour le climat des affaires, à partir du moment où il est quasiment impossible de faire confiance à la force publique là où passent de gros sous, à partir du moment où la justice est devenue un repère pour une race d’hommes d’affaires qui monnaient le serment dans un environnement où le verdict est fonction de la mise, le climat des affaires est devenu inhospitalier malgré les dispositions prises pour alléger la création d’entreprises. Les fonds alloués par les partenaires, tombent entre les crocs et les griffes des voleurs à col blanc pendant que la population cible s’apparente aux vautours qui attendent pour se délecter des restes de la ripaille. Tous les grands projets économiques sont arrosés de scandale sous le regard vigilent d’une impunité garantie.
Dans la très grande politique de grands chantiers de construction du pays avec les BTP, il n’est possible de voir un scandale que quand il est déjà irréparable. C’est ainsi que les travaux de contournements pour apprivoiser la route accidentée du nord sont obligés d’être repris un an après réception alors qu’ils ont englouti des dizaines de milliards. Le bitumage de la route Lomé-Vogan-Anfoin quant à lui, s’est arrêté parce que deux petits ministres tout autant arrogants que méchants dans leur gestion ont décidé de prendre des largesses avec 10 milliards CFA au détriment d’une entreprise jadis fabriquée de toutes pièces pour garder les milliards des BTP en famille Désormais elle est en phase terminale, l’Etat togolais, quant à lui, risque »faure » de s’endetter sur les nouvelles routes quand on sait que la quasi totalité des chantiers sont arrêtés faute d’argent. Il est fort à craindre que des entreprises qui ont pu honoré leur cahier de charge en face d’un pouvoir public criblé de dettes et incapable de tenir ses engagements poursuivent le pays pour immobilisation du capital humain et matériel suite à l’abandon des chantiers. En toute évidence, la ronflante politique des grands travaux a pris du plomb dans l’aile, le pays n’a plus d’argent. Toujours avec les transports, l’aérogare de Lomé. Là, 115 milliards de nos francs sont investis pour construire un aérogare, qui en effet, n’est autre chose qu’un hangar fait de chinoiseries qui cèdent à la première pluie et de surcroit équipé de matériel de détection acquis au marché noir. Pour cette réalisation qui a exigé autant de sacrifices économiques, il est aberrant de découvrir que six mois après inauguration il soit demandé aux occupants de vider le plancher pour que les travaux soient refaits puisque les eaux pluviales inondent l’intérieur de la bâtisse surtout au niveau de ceux qui ont loué des espaces commercialisables. Pour le moment, monsieur Faure Gnassingbé, le plus économiste de la fratrie, observe son hideux silence. Il risque de l’observer pour longtemps car dans les grands scandales, les criminels de l’économie nationale savent manger avec lui. Les projets se succèdent et se ressemblent, les financements suivent, mais dans la base le changement promis se fait désirer. Les scandales économiques se relaient.
Tout le monde étant témoins de ce que fait tout le monde, personne ne peut discipliner personne. L’impunité, l’impunité, encore l’impunité, elle est en terre conquise. La récente actualité et pas des moins scandaleuses, le trafic des produits pétroliers dans les eaux togolaises. Ce trafic est jadis en vogue dans les eaux à cheval entre le Géant Nigeria et le Bénin, mais il est démasqué et combattu par le Nigeria. L’actuel président du Nigeria a installé des drones pour venir à bout de cette pratique. Mais au Togo, alors que les radars arrivent à surveiller la mer à un rayon de 60 Km, ces mélanges dangereux à 15 Km près prospèrent sous bonne escorte des autorités. Du coup, après la drogue, le Togo est devenu la plaque tournante des produits pétroliers de mauvaise qualité. Le prince observe, il organise un fameux sommet sur une certaine sécurité sur la mer sans en parler. Qui sait si cette grande aventure n’avait pas pour principale objet de sécuriser les trafics qui semblent être un sésame pour les autorités en place. Pour les choix économiques, les priorités n’existent que par ce qu’elles font gagner aux autorités. Les choix économiques les plus porteurs qui ne garantissent pas les retro-commission à la minorité sont très vites étouffés dans l’œuf. C’est ainsi que ces dernières années, la grandes parties des prêts, recettes et autres entrées publiques sont, soit consacrées à la politique des grands travaux, soit à la lutte contre la pauvreté ou à la modernisation de l’agriculture. Mais, in fine, c’est les mêmes qui se retrouvent dans la chaine de distribution de l’octroi de marchés, à leur exécution pour butter sur leur évaluation. Sur tous les business juteux, l’Etat est devenu juge et partie.
Ceux qui sont censés être des arbitres en cas de crise sont actionnaires, Faure Gnassingbé n’arrive pas à faire l’exception. Contre les bonnes pratiques de la transparence, l’Etat togolais est, par exemple, importateur et fixateur des prix de produits pétroliers depuis 2008. Ainsi, le Togo est devenu le puits de produits pétroliers dangereux à la santé et à l’économie sous régionale. Ce n’est pas à nous de lister les nombreuses structures dans lesquelles l’actionnariat du prince est ronflant. L’Etat est devenu un monstre aux affaires. L’importation des produits pétroliers, la fixation de leurs prix et leur contrôle de qualité sont faits par l’Etat dans une opacité éloquente. Ces quelques petits exemples démontrent qu’aucun trafic n’est trop vil pour les dirigeants togolais, pour peu qu’il régénère des entrées pour entretenir les réseaux internes et externes afin de la survie d’un pouvoir usé. L’argent étant le nerf de la guerre, on peut s’autoriser tous les crimes pour asphyxier financièrement l’adversaire. C’est alors que les incendies criminels des deux grands du pays resteront un mystère pour longtemps. Les activités qui s’y mènent sont supposées contribuer au financement de la vie politique de l’opposition. Dans le monde des affaires, seules ne prospèrent que les opérateurs économiques dont on est sûr qu’ils n’utiliseront pas leur argent pour être un contrepoids politique, pour financer la politique de l’adversaire, si ce n’est pour soutenir les activités du régime. Il existe une race de Togolais, à chaque fois qu’ils sont nommés à un poste juteux, c’est pour se construire un trésor de guerre qu’il ne peut réinvestir de peur de susciter des curiosités sur les origines de la manne. Ils thésaurisent, soient au pays ou dans les paradis fiscaux, mais ne peuvent investir au pays de peur de s’exposer. Au Togo, investir de gros sous dans entrepreneuriat privé peut être interprété comme une façon de préparer le terrain pour un avenir politique. Or, le prince et sa bande estiment que l’avenir politique de la République est leur chasse gardée. Qu’on soit du régime ou non, très peu de Togolais investissent. Ainsi, l’argent thésaurisé dans les couloirs des faveurs accordées çà et là pour services rendus, pour appartenance politique ou par fidélité, n’est pas réinvesti. Ce n’est pas un hasard si le FMI disait dans l’un de ses rapports sur les pays de la sous-région que « la masse monétaire au Togo est plus forte que la masse monétaire en Côte d’Ivoire ». La possibilité de créer une classe sociale intermédiaire s’éloigne. Il n’existe qu’une minorité insolemment riche, ‘’les en hauts d’en haut’’ et une majorité fatalement pauvre, ‘’les en bas d’en bas’’. Les uns naissent affamés, les autres naissent rassasiés. C’est la réalité que vit le Togolais. Eu égard à tous ces clichés, quel avenir attendez-vous d’un tel régime ? Au rendez-vous, nous n’attendons rien. De grâce.
Source : Abi-Alfa, Le Rendez-Vous N° 287 du jeudi 17 Novembre 2016.