« Les princes sont des bêtes qui ne sont pas attachées ». Les criminalités des monarchies et des républiques sans aucun système rigoureux de contrôle de l’action du chef révoltent toutes les bonnes consciences du monde. C’est pourquoi MONTESQUIEU prescrit comme remède majeur à l’inclination barbare la séparation effective des pouvoirs, des organes de gestion de l’Etat. Dans son œuvre Mes Pensées, il insiste sur le prix de la paix civile qui est le contrôle du pouvoir exécutif par la légitime-défense des contre-pouvoirs.
Au regard de ce que fut le régime Eyadéma et de ce qu’est celui de son fils héritier de la dynastie de la rapine, du viol et de la transgression, nous pouvons en inférer que la cruauté a assiégé la République sur cinquante ans. Elle gît dans un fleuve de sang et sur des ruines épouvantables aux prolongations abjectes, affligeantes. Les victimes de la dynastie GNASSINGBE se comptent sur des générations.
Mais, ce qui est insupportable pour toutes les consciences éclairées, c’est l’alchimie de l’intellect qui veut ouvrir les « portes du paradis » à un tyran, responsable d’un écheveau d’actes de cruauté et de violation massive des Droits humains et qui a contraint deux millions de nos compatriotes à l’exil forcé.
Le mode d’absolution oiseuse d’Eyadéma est dans l’attitude de Faure qui se libèrent en cette phrase : « Tout le monde peut faire des erreurs » L’exercice du raisonnement qui fonde les « mêmes erreurs » sur trente-huit ans laisse à imaginer la qualité de la réflexion. Le peu d’intérêt pour des actes de barbarie est une volonté d’amnésie dont les répliques sont visibles dans le mode de succession du père. L’enferment dans le ghetto du mépris est le trait signalétique d’une disposition à copier les mauvais exemples. Nous y sommes, malheureusement, dans le siège des prolongations honteuses où les crimes de masse et les crimes économiques sont encore sous le parapluie de l’impunité. Le cercle de la criminalité se perpétue avec la minorité « fauriste », encore lourdement incliné dans le népotisme, l’ « ethnicisme » outrancier et les identités meurtrières sous le père et le fils. Le Togo est divisée en deux, avec des cloisons étanches de gérance des institutions sur la base de préférence ethnique, étayée par des armes. Le reste du pays est dans la relégation à l’abandon et du « débrouillez-vous »
L’histoire peut-elle continuer à se répéter idiotement et mécaniquement dans notre pays sous la fanfare des imposteurs qui se suivent et se blanchissent.
Quelle humilité pour les enfants des bourreaux pour réinventer l’histoire des peuples meurtris ?
1) Les criminels d’Etat et leurs enfants
Personne ne choisit son père, sa mère, ses géniteurs, ses parents, sa famille, parce que la naissance est une contingence, un accident sur lequel nous n’avons ni autorité, ni libre-arbitre.
Par conséquent, les hommes composent avec le cercle de naissance, la cellule qui les engendre et y mûrissent en toute conscience, en toute responsabilité. Quand les parents sont d’une grande immoralité avec des crimes multiples de leur valeur de position, l’expression de notre intelligence nous commande des choix. Mais, c’est sur les bons côtés qu’il faut ressembler aux gens sur qui nous nous engageons à copier. Ce qui signifie que notre censure doit être aiguisée pour asseoir en nous une sagesse, une humilité, un discernement actif. Ces principes de construction de la personnalité nous confèrent une hauteur, une élévation. Ils nous portent à faux contre « Tel père, tel fils » pour nous offrir une résidence dans la transcendance d’un «père avare, enfant prodige »
Les enfants des criminels ne sont pas nécessairement ceux qui font équipe avec l’immortalité, le banditisme de gouvernance et la récidive. Seulement l’éducation et l’intelligence de la responsabilité les sauvent des actes crapuleux de reproduction du bain parental. Il est difficile de défendre des proches réputés nuisibles dans la durée. L’âme de justice est en chacun de nous, il faut savoir l’activer, la défendre
Par contre, les nains du monde des grandeurs ethiques, civiques, humaines ont une promptitude à l’enfermement sur les actes des crapules et les reproduisent comme des malédictions de sang. Ce sont eux qui se moquent des victimes de leurs géniteurs et en font autant, parfois plus que les parents placés en idolâtrie de morbidité cognitive. Ils deviennent des handicapés séniles de l’histoire qui narguent les communautés, les peuples et des générations entières par le courage de la criminalité, l’audace des transgressions insoutenables et des justifications honteuses. Ils constituent des pôles d’aggravation de l’immortalité par filiation avec une dose de provocation des victimes de la barbarie congénitale. Ils investissent ouvertement ou discrètement dans la « sécurocratie » de leur règne de fauve avec l’illusion d’une assurance tout risque, au lieu de se placer résolument dans l’option de rectifications courageuses pour répondre aux mœurs d’une époque nouvelle et vivifier les espérances collectives qui font le renouvellement de la communauté.
Les blessures saillantes de l’histoire, remuées et creusées par la faiblesse de la grandeur et la récidive du mépris deviennent des souffrances lancinantes qui, comme l’hécatombe de Pompéi, engloutissent les cités. Les suites funestes de la tyrannie tendent les bras à toutes les Républiques qui ont des principes corrompus de récompenses et de privilèges avec l’espoir de préserver un règne de pourriture et de brutalité fauve.
Seuls les grands changements consolent les peuples et la bonne foi des dirigeants est le principe actif de l’espérance collective. La puissance réactive d’un peuple qui dort comme un crocodile, les yeux ouverts, livre à la dernière heure ses secrets. Car, le soupir des créatures violées, opprimées, méprisées, écrasées, massacrées dans leurs droits dans un cannibalisme successoral entretient la résurrection la moins inattendue de la justice.
Les enfants d’un orgueil plat qui sont incapables de s’investir dans l’humilité du pardon et dans la générosité de la bonne action ne peuvent ni racheter leur héritage ni leur propre personne des fantômes de l’histoire. Le sentiment de subjectivité qui nous construit un asile de supériorité ne vaut que pour nous-mêmes et le sang sans la vertu ne vaut absolument rien. Vouloir coûte que coûte couvrir le diable du plus bel ange, voilà la grande maladresse qui provoque le sursaut des communautés qu’on a longtemps cru soumises et bêtes.
Des dictateurs ont de la famille, des enfants qui marchent sur la plate-bande de précautions et de la discrétion pour laisser les peuples rebâtir de nouveaux horizons sans eux.
2) Ce que le fils héritier montre aux Togolais
Quand Jean-Marie Le PEN dit que les camps de concentration ne sont qu’un détail de l’histoire, toute la France « civilisée » avec ses intellectuels, toute l’Europe de la bonne conscience, le monde de l’intelligence et de l’éthique se sont immédiatement dressés contre ce négationnisme de provocation, ce viol de la mémoire historique. La justice a été armée à ses trousses pour de si graves manquements à la moralité, au respect des victimes, de leurs progénitures, de leurs descendances
Le fils d’Eyadéma n’a trouvé mieux à servir les Togolais que de mépriser les victimes de trente-huit terribles années de règne de son père : « Tout le monde peut faire des erreurs », et peut-être y persister diaboliquement dans la durée sur quatre décennies. C’est pour cela que son père doit être célébré comme un héros chaque année, le 05 février au nez et à la barbe de ses victimes et de leurs enfants. Il faut l’immortaliser dans l’isoloir de la honte à travers une statue érigée dans son village pour étendre sa grandeur sur une république étouffée. Le trait signalétique de la grandeur d’un « Timonier » se limite à son village, à son canton. Curieuse grandeur !
Il y a toujours un désespoir brûlant dans toute âme qui s’acharne à effacer la mémoire d’un peuple. Qui peut extraire de la mémoire collective du Togo Kazaboua, Agombio, les massacres de nos frères dans la faune de Mango, la tragédie de la Lagune de Bè, l’assassinat de Sylvanus OLYMPIO, le népotisme dur et intégral comme système administratif du « Timonier »avec des faire-valoir sans pouvoir de décision, les milices du RPT/UNIR, une armée ethnique , tout à fait meurtrière à la solde d’un individu au Togo ?
En France, on n’a jamais vu quelqu’un se mettre à effacer Pétain de la conscience du peuple français comme on n’en a jamais cru apercevoir en Guinée un citoyen assumer la tâche de faire disparaître le Camp Boiro de la représentation collective du peuple de Guinée. Le devoir de mémoire a la puissance pédagogique et évite aux générations les récidives troublantes qui ensevelissent le vivre-ensemble.
Quoi qu’il advienne, tous les peuples parlent abondamment avec tristesse et chagrin des crimes de masse et des crimes économiques les plus barbares qui, à un moment du contrat social, ont été leurs pires ennemis ou qui ont abusivement arraché la vie de leurs enfants, parce qu’ils sont dans l’impuissance de se taire. Le pinceau de Faure pour blanchir un père et continuer son œuvre dans une désolation éprouvée, fortement ressentie, nous prouve que les falsifications grotesques de l’histoire ne sont de nul effet sur la conscience des peuples. Le fil de notre évolution saccadée se brise davantage avec l’acharnement d’un chef à une diversion diagonale sur des réformes de la Réconciliation nationale prescrites par l’Accord Politique Global (APG)
Le discernement actif, incisif et responsable des Togolais est une vérité cathédrale et personne ne peut en descendre le clocher, parce que la constance du mensonge a trop de peine à l’étouffer. Nous sommes un peuple qui ne supporte la trahison, les crapuleries, les escroqueries et la sottise. Aucun jeu de la diversion ne flétrit au Togo la grande âme nationale, le flambeau de l’intelligence. L’orfèvrerie grotesque de falsification de l’histoire saute aux yeux pour loger son auteur dans les confins de l’enfantillage politique
L’attitude la plus haute, la plus responsable des enfants des despotes qui ont troublé dangereusement l’histoire de leur peuple ne saurait être dans la provocation, dans le mépris, dans le choix d’une amnésie volontaire. L’humilité est absolument nécessaire pour qui veut reconstruire la république meurtrie et renversée sur les bases de l’histoire collective. C’est un grand malheur pour le fils d’Eyadéma de se produire dans des célébrités mornes au nom d’un héros sans visage. Qu’il se mette à l’école de CAMUS, dans ses Chroniques, pour qui : « La grandeur de l’homme est dans sa décision d’être plus fort que sa condition ».
Didier Amah DOSSAVI
source : L’Alternative Togo