La semaine dernière a vu deux évènements se produire : la conférence de presse de la mission du Fonds monétaire international (FMI) et la visite de Tony Blair sanctionnée par une déclaration. Mais des deux sorties médiatiques, des Togolais pourraient se demander laquelle croire, surtout qu’elles sont en relation avec le Plan national de développement (PND) récemment lancé et qui, selon l’ancien Premier ministre britanique ayant salué sa pertinence, « va à coup sûr faire du Togo, un pays émergent ». Mensonge ou vérité ?

Le FMI est et demeure le déclencheur des autres bailleurs de fonds dans bien des pays du monde. C’est un fait. Raison pour laquelle le Togo, après avoir fait la fine bouche au temps du ministre de l’Economie et des Finances Adji Otèth Ayassor, est revenu à de meilleurs sentiments et a accepté de se soumettre aux conditionnalités liées à son programme de Facilité élargie de crédit (FEC depuis mai 2017.

Lors de sa 4ème mission, l’équipe de l’institution internationale s’est fendue d’une déclaration ayant un lien direct avec le projet de PND qu’on tente de peindre comme la panacée aux maints maux dont souffre le Togo. « Dans le moyen terme, la mission salue la vision et les réformes décrites dans le Plan  national de développement. La mission prévoit un taux de croissance économique annuel  avoisinant 5,5 %. Avec l’amélioration de l’environnement des affaires et des infrastructures  publiques, le secteur privé devrait jouer un rôle important en tant que moteur de la croissance  économique. Parmi les risques qui pèsent sur la croissance économique, figurent les  contraintes liées à la mise en œuvre des réformes structurelles et un éventuel ralentissement  des économies des principaux partenaires commerciaux du Togo. L’inflation et le déficit  budgétaire devraient rester dans les limites des critères de convergence de l’UEMOA. La  position de la balance courante devrait rester globalement conforme aux fondamentaux de  l’économie et aux orientations de politique économiques. La mission salue les efforts  entrepris en vue de renforcer davantage la gouvernance, d’améliorer l’inclusion financière et  de favoriser une croissance inclusive tirée par le secteur privé. A cet effet, la mission a  partagé avec les autorités les résultats et recommandations d’études sur l’efficacité des dépenses sociales, les progrès sur la gouvernance et les expériences sur les reformes des banques publiques ». C’est l’avant dernier paragraphe de ladite déclaration.

Comme on peut le constater, les projections à moyen terme (dans les 5 ans à venir) du FMI sur le Togo parlent de croissance AVOISINANT 5,5%. Mieux, pour que la croissance d’un pays soit inclusive, partagée et visible, les économistes indiquent un taux à partir de 7%. En plus, les pays comme le Sénégal, le Ghana ou la Côte d’Ivoire qui ont une avance certaine sur le Togo, ne se voient pas encore parmi les pays émergents de l’Afrique de l’ouest.

Un autre facteur qui plombe le Togo est son endettement, le plus élevé au sein de l’espace UEMOA. La courbe des taux coupon zéro de l’Agence Umoatitres du 29 mars 2019 renseigne que dans deux ans, ce taux sera de plus de 11% pour le Togo, le plus élevé des 8 pays. Le cumul de tous ces éléments a certainement contribué aux prévisions prudentielles du FMI quand il parle d’une croissance de 5,5% à moyen terme.

Mais l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, sans avoir démontré quoi que ce soit, se fend d’une déclaration qui mérite attention, histoire de situer les faits dans leurs réalités.

« « Nous travaillons avec le Président du Togo et notre collaboration porte sur les sujets relatifs à l’amélioration des conditions de vie des populations pour le changement du pays. Pour cela, nous avons un focus pour la mise en œuvre du PND. Donc je suis ici pour voir comment on peut transformer par ce plan, le secteur de la pêche. J’ai aussi échangé avec les femmes du village des pêcheurs et nous allons voir comment on peut faire pour améliorer leurs activités de fumage de poissons ». M. Blair a par ailleurs salué la pertinence du PND, qui selon lui va à coup sûr faire du Togo, un pays émergent. « Je suis très confiant pour le Plan national de développement du Président et je me réjouis que malgré les défis, le pays va connaître un progrès significatif » », a rapporté le confrère en ligne Icilome. Une déclaration qui lui vaudra à coup sûr une « réaction favorable » de celui à l’attention de qui il a « presté ».

Le Togo dispose d’une ouverture sur la mer, et Tony Blair le sait ; mais depuis que le pays navigue avec des pirogues pendant que d’autres utilisent des chalutiers et autre systèmes modernes pour pêcher, on n’a pas entendu l’ancien Premier ministre, qui n’est pas à sa première visite au Togo, parler d’acquisition de bateaux pour industrialiser la pêche dans notre pays. En plus, il parle d’« améliorer les activités de fumage de poissons ». Vivement qu’il partage sa découverte avec les femmes fumeuses de poissons.

Lorsqu’un gouvernement ou un chef d’Etat rêve de voir les populations s’approprier une idée à lui, il fait en sorte d’adopter une démarche participative tout en restant en retrait. Mais quand Tony Blair se dit «très confiant pour le Plan national de développement du Président», il oublie que plus de 65% du financement devront être apportés par des privés, lesquels accordent une certaine importance à la…gouvernance en général et au fonctionnement des institutions de la République en particulier. Mais bizarrement, il n’en a pas soufflé mot. Le FMI par contre, oui : « …La mission a  partagé avec les autorités les résultats et recommandations d’études sur l’efficacité des dépenses sociales, les progrès sur la gouvernance et les expériences sur les reformes des banques publiques ».

Qu’est-ce qui explique aujourd’hui l’intérêt de cet homme pour un petit pays comme le Togo qu’on dit pauvre en ressources naturelles ? Parce qu’il fut un moment où, au nom d’un mensonge d’Etat pour lequel d’ailleurs il a eu à présenter publiquement des excuses, Tony Blair a causé la désolation en Irak. Les séquelles y sont visibles jusqu’à présent.

Dans un entretien à CNN et repris par lemonde.fr en date du 25 octobre 2015, l’ancien Premier ministre britannique reconnaît avoir une part de « responsabilité » dans la montée actuelle de l’Etat islamique. « Je présente des excuses pour le fait que le renseignement était faux. Je présente également des excuses, au passage, pour certaines erreurs de planification et, certainement, pour notre erreur dans la compréhension de ce qui arriverait une fois que nous aurions renversé le régime. Mais il m’est difficile de demander pardon pour avoir renversé Saddam », avait-il déclaré.

« Commandé en 2009 et agrégeant les conclusions de l’audition de 120 témoins, dont Tony Blair et son successeur Gordon Brown, le rapport qui devait initialement être rendu dans un délai d’un an est lui-même devenu controversé au fil des reports, poussant les familles excédées des soldats tués en Irak à fixer un ultimatum aux autorités, sous réserve de poursuites judiciaires. Certains de ces proches avaient décidé de boycotter la présentation du rapport mais quelques-uns ont réagi à ces conclusions lors d’une conférence de presse. «Je ne peux que conclure malheureusement que mon fils est mort pour rien», a déclaré Reginald Keys, le père de l’un des 179 soldats décédés entre 2003 et 2009 dans cette guerre qui a vu 45 000 Britanniques partir au combat. «Le monde doit avoir conscience qu’il y a un terroriste dans ce monde et son nom est Tony Blair», a ajouté, en larmes, Sarah O’Connor, la soeur d’un soldat décédé en 2005. Pour l’ONG Transparency, qui a salué ce rapport dans un communiqué, «les erreurs de l’Irak ne doivent jamais se répéter» », a écrit le journal liberation, avec AFP.

Le PND se cherche des financeurs privés et sans encore les avoir trouvés, Tony Blair déclare qu’avec ce Plan, le Togo serait émergent. Pourvu qu’il ne vienne pas dire s’être trompé également, comme en Irak.

Abbé Faria
 
source : Liberté
 

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