C’est une dérive autoritaire. En fin de semaine dernière, le président de la Délégation spéciale de la ville de Lomé, le Contre-Amiral Fogan Adégnon a interdit une manifestation de la Ligue des consommateurs du Togo (LCT). La raison de cette interdiction, selon lui, est que « le ministère du Commerce n’est pas un lieu public » où peut se tenir une manifestation publique pacifique.

Empêcher toutes manifestations publiques pacifiques au Togo. C’est la mission que semblent avoir reçu les autorités administratives. La démonstration a été faite encore la semaine écoulée. D’abord, la marche programmée par le Mouvement Martin Luther King (MMLK)- La Voix des Sans Voix de Pasteur Edoh Komi, pour réclamer le départ du sélectionneur Claude Leroy a été empêchée. Le 06 avril dernier, des pluies de grenades lacrymogènes sont tombées sur ceux qui se sont joints à cette manifestation pacifique.

Ensuite, le même jour, un dispositif de sécurité a été placé aux abords du ministère du Commerce, de l’Industrie, du Développement du secteur privé et de la Promotion de la consommation locale. Là aussi devrait se tenir un sit-in prévu par la Ligue des consommateurs du Togo (LCT) pour protester contre la hausse des prix des produits pétroliers ainsi que celle de l’électricité, et les taxes sur les véhicules à moteurs et les habitations. Les démarches administratives ont été effectuées selon les normes, mais l’autorité publique a décidé de ne pas voir cette manifestation se tenir.

En effet suite à l’annonce, mi-mars 2019, de la hausse des prix des produits pétroliers, la LCT avait décidé d’une manifestation pacifique pour exprimer le ras-le-bol des consommateurs et exiger une annulation de la mesure. La manifestation programmée sur le 26 mars avait été repoussée au 29 mars pour avoir une meilleure organisation. Mais contre toute attente, la Délégation spéciale de la Commune de Lomé a estimé que le ministère du Commerce se trouvait à un carrefour très fréquenté et qu’une manifestation allait perturber la circulation.

Il faut préciser que l’interdiction n’a été notifiée à la LCT qu’à 24 heures de la manifestation alors qu’elle doit être, selon la loi, faite 3 jours avant la date prévue de la manifestation.

Après cette interdiction, la LCT a introduit une nouvelle lettre dans laquelle elle reportait sa manifestation sur le samedi 06 avril 2019. Etant un jour non ouvrable, aucun problème ne devrait se poser. Mais c’est compter sans l’homme qui occupe plusieurs postes dans ce pays où une grande majorité ne trouve pas d’emplois et où on ne cesse de nous rabattre les oreilles avec les discours sur l’entrepreneuriat. Comme sa Vice-présidente, Mme Suzanne Aho-Assouma qui a interdit la première manifestation, le Contre-Amiral Fogan Adégnon, Président de la Délégation spéciale de la ville de Lomé s’est lui aussi, opposé à la seconde manifestation prévue pour le 06 avril 2019.

Pour respecter le principe de violation de la loi chère à la dictature en place, la notification de l’interdiction de cette deuxième manifestation n’a été faite qu’à la veille. Dans une déclaration, la LCT a déploré « cette énième interdiction de son sit-in pacifique, surtout que l’autorité n’a pas respecté le délai légal de 72 heures dans lequel elle doit faire connaître ses observations avant la date prévue pour la manifestation ».

Interdiction tardive, oui. Mais ce qui surprend le plus, c’est que Fogan Adégnon semble atteint par une maladie qui l’emmène à confondre place publique et place privée. Pour motiver l’interdiction de la manifestation de la LCT, le Contre-Amiral, très fertile en imaginations malgré son âge, a décidé de déclarer le ministère du Commerce un lieu privé. « J’ai l’honneur de porter à votre connaissance que conformément aux dispositions de la loi N°2011-010 du 16 mai 2011 fixant les conditions d’exercice de la liberté de réunion et de manifestation pacifiques publiques, le lieu choisi ne correspond pas à une place publique au sein de ladite loi », écrit-il. Et de poursuivre : « En conséquence, cette manifestation n’est pas acceptée ».

Une interprétation volontairement erronée de cette disposition que la LCT n’a pas manqué de relever. Elle souligne qu’une place publique, selon la loi citée par Fogan Adégnon, est « toute aire ouverte habituellement et notoirement à l’usage du public, conformément aux usages locaux, qu’elle soit close ou non ». Il ne reste qu’à espérer que le Contre-Amiral ait compris l’explication.

Comme nous le disions plus haut, l’objectif de cette cacophonie alimentée par  Fogan Adégnon et ses collaborateurs est d’empêcher les manifestations. La raison de cette assertion est que dans la note adressée à la LCT, le Président de la Délégation spéciale lui a recommandé de « prendre attache avec le ministre du Commerce, de l’Industrie, du Développement du secteur privé et de la Promotion de la consommation locale pour lui remettre [ses] revendications ».

En d’autres termes, Fogan Adégnon demande à la LCT de taire son envie de réclamer publiquement que les décisions impopulaires soient rapportées. Et pourtant, il est manifeste qu’au Togo, ce sont ceux qui crient qui sont entendus. Sinon, Faure Gnassingbé n’aurait pas fait appel à la Cédéao pour éteindre le feu qui brulait sa case avec les manifestations populaires de la C14.

G.A.
 
source : Liberté
 

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