Au départ annoncée comme une indiscrétion, la dissolution du Rassemblement du peuple (Rpt) est devenue un secret de polichinelle et certains de ses barons ont même osé l’annoncer publiquement et la justifier. A un certain moment, plus personne n’en faisait mystère. Cette dissolution devrait céder place à la naissance du parti de Faure Gnassingbé, et le mois de janvier 2012, le 28 précisément était censé enregistrer ce double événement. C’était à Blitta, et l’apatam devant abriter les assises était même déjà construit, tous les préparatifs bouclés. Mais la veille, c’est-à-dire vendredi 27 janvier, le congrès fut reporté. Et depuis, on ne voit plus rien venir.
Faure Gnassingbé a-t-il renoncé au projet ?
La question ne souffre pas de légitimité. L’opinion est même tentée de croire que l’« Esprit nouveau » y a renoncé, d’autant plus que cette initiative n’agréait pas tout le monde, surtout les barons et autres carriéristes du parti. Et c’est le contraire qui aurait étonné. Même si on pouvait croire à l’assentiment des cadres du parti, puisqu’aucune opposition au projet ne se manifestait sur la place publique, il y avait bien une fronde qui couvait en coulisse, et Faure Gnassingbé même n’était pas dupe. Des sources avaient même fait état de ce que les opposants au projet avaient commandité du grabuge sur les lieux du congrès ce 28 janvier 2012, et que c’était pour éviter le pire que le report a été décidé. Tout compte fait, la plus grande preuve de cette rancœur aura été la sortie du Professeur de Sociologie politique Roger Danioué au cours de l’émission débat politique sur la LCF au lendemain du report. Même s’il démentait être venu sur le plateau sous le manteau de membre du Rpt, l’homme s’était illustré comme le porte-parole des frondeurs. Ses propos étaient simplement illustratifs de la tension créée au sein du vieux parti par l’initiative de Faure Gnassingbé.
Aucune communication officielle n’a été faite pour éclairer l’opinion sur les réelles raisons de ce report inopiné. Mais dans les coulisses, une pile de mobiles avaient été évoqués. Entre autres arguments, certaines sources parlaient de la proximité entre la date du congrès et l’anniversaire du décès du fondateur du parti Gnassingbé Eyadéma, le 5 février 2012, et qu’il fallait le reporter pour donner l’opportunité à ses membres de rendre un hommage mérité à Eyadéma avant d’y procéder. Pour d’autres encore, le congrès a été ajourné parce que des cadres du parti souhaiteraient que cela se fasse après les obsèques d’un des leurs, Alex Ayité Gachin Mivedor.
Que ce soient les hommages au premier ou au second, ils sont passés. Des messes anniversaires ont été organisées ce 5 février 2012 à Kara, parlant des hommages à Eyadéma. Les obsèques de Gachin Mivedor ont eu lieu quelques jours plus tard, de façon pompeuse et il a été conduit à sa dernière demeure le 10 février dernier. Toutes les raisons invoquées pour justifier le report du congrès de la dissolution sont donc consommées. Mais depuis lors, un mois et demi après, on ne voit rien venir. Aucune autre date n’est même avancée pour abriter le congrès, et plus un mot là-dessus dans les rangs des partisans ni même des opposants à la dissolution. Autant de raisons qui portent à croire que Faure Gnassingbé a renoncé à son projet, celui de la dissolution du Rpt.
Le 13 mars, une date décisive
« Il n’y a pas du tout renoncé, c’est de la crédulité que de conclure qu’il a abdiqué. Le projet est juste mis en stand by, en attendant le 13 mars prochain, l’issue de la requête en omission de statuer introduite par les députés ANC auprès de la Cour de Justice de la Cédéao …Faure est un fin calculateur », nous confiait un ancien cadre du Rpt. Quel rapport entre les deux événements ? Devraient se demander certains. Mais c’est là une analyse réaliste de la situation.
En effet le vrai obstacle à la dissolution du Rpt, qui retarde en fait l’échéance, ce n’est pas tant l’opposition interne des barons et autres dignitaires du vieux parti, comme on pourrait bien le penser. La véritable équation qui se pose à Faure Gnassingbé et qui complique les choses, c’est plutôt le sort de ses députés. Toute dissolution du Rpt mettrait en cause leur existence à l’Assemblée nationale. Avec l’antécédent créé par la Cour constitutionnelle avec le cas des députés Anc, Alliance nationale pour le changement. Il n’y aurait plus de groupe parlementaire Rpt au Parlement et les cinquante (50) élus du parti n’existeraient plus au Parlement ; au meilleur des cas, et si le bon sens devrait prévaloir, ils devraient continuer à exister, mais sous la bannière de députés indépendants. Et là, ce serait au risque et péril de Faure Gnassingbé, qui devra supporter leur courroux lors des votes des projets de lois. D’ailleurs, cette éventualité est à écarter d’office, vu l’antécédent causé avec les neuf (09) députés Anc. Jean-Pierre Fabre et les siens ont été carrément exclus de l’Assemblée nationale en novembre 2010 pour s’être retirés de l’Union des forces de changement (Ufc), leur parti mère au nom duquel ils se sont présentés aux législatives en octobre 2007, pour aller créer leur propre parti.
Au sujet justement de cette affaire, les concernés avaient introduit une requête en omission de statuer auprès de la Cour de Justice de la Cédéao. Le dossier a été déjà évoqué le 02 février dernier et le verdict est attendu le mardi 13 mars prochain, dans quatre (04) jours donc. Sauf revirement de dernière minute, la Cour de la Cédéao devra ordonner la réintégration pure et simple à l’Assemblée nationale des neuf députés exclus de façon scélérate par la Cour constitutionnelle. Cette hypothèse serait même acceptée au sein du pouvoir, et certains observateurs l’expliquent par la subite humilité du pouvoir Faure Gnassingbé qui a ouvert les portes du dialogue à l’Anc et même confié la présidence du bureau à l’un de ses cadres, Patrick Lawson. Pour se soustraire à l’affront, Faure Gnassingbé pourrait ainsi décider de dissoudre purement et simplement l’Assemblée nationale et organiser des législatives anticipées.
Nous le disions tantôt, la véritable énigme qui retardait la dissolution du Rpt était le sort à réserver à ses cinquante (50) députés. Avec l’imminence d’une décision favorable à l’Anc auprès de la Cour de la Cédéao, Faure ferait d’une pierre deux coups. Il pourrait ainsi saisir l’opportunité, précipiter le congrès de dissolution du Rpt, et dans la foulée, dissoudre l’Assemblée nationale aussi. La date du 13 mars 2012 est donc décisive quant à la survie du Rpt.
Tino Kossi
liberte-togo.com

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