Les côtes des villages d’Agbavi, Gbodjomé et Nimagnan ont reçu la visite d’éléments indésirables. Des dépôts de goudron ont échoué sur les plages de ces localités situées à l’Est du port de Lomé. Hasard de la nature ou effets conjugués d’une marée noire ? L’information tombe au moment où un rapport indexe le large des côtes de Lomé comme abritant des opérations de mélanges de carburants toxiques destinés à l’Afrique de l’Ouest.
« Si vous étiez venus les 18 et 19 septembre derniers, le constat serait plus alarmant. Des riverains nous ont informés de la présence de boules de goudron qui auraient échoué sur la plage. Quand nous sommes venus et avons longé le rivage, c’est depuis Agbavi jusqu’à Nimagna en passant par Gbodjomé que les dépôts ont été constatés. Mais nous ne saurons dire d’où proviennent ces dépôts », relate un riverain qui a bien voulu nous servir de guide.
Nous avons longé les plages de ces trois localités le mercredi 21 septembre pour constater de visu l’information. Mais les mouvements de flux et reflux des vagues ne nous ont pas beaucoup aidés, la mer ayant pratiquement repris ce qu’elle a rejeté depuis dimanche. Le village de Gbodjomé a toutefois laissé apparaître des séquelles. Des jeunes de retour de mer nous ont montré des semelles de leurs sandales portant les stigmates du goudron, non loin d’épis en forme de puits destinés à arrêter l’avancée de la mer. Sur le sable, nous avons effectivement vu des particules noires qui fondent sous l’effet du soleil et qui laissent penser qu’une marée noire au large des côtes en serait la source. Or aucune information de ce genre n’a été signalée ces derniers jours, hormis les opérations signalées dans un rapport de l’ONG suisse Public Eye.
« Jamais nous n’avons vu pareil phénomène depuis que nous vivons sur la plage, mais c’est quand même curieux que moins d’une semaine après que les médias ont commencé à parler d’opérations de mélanges toxiques qui se dérouleraient au large de nos côtes, nous voyions ces particules qui viennent conforter Public Eye dans son rapport », constate un ancien riverain délogé par les vagues de la mer et que nous avons rencontré. En effet, nous avons trouvé curieux que ce soit dans la foulée du rapport de l’ONG suisse qui a indexé le large des côtes de Lomé comme abritant des opérations de mélanges de carburants à des produits pour obtenir des carburants de « qualité africaine » dont la teneur en souffre est parfois supérieure de 200 à 1000 fois à la norme européenne.
En effet, « Diesel sale », le rapport de cette Ong suisse a dénoncé des pratiques malsaines et dangereuses qui se déroulent au large des côtes de Lomé. Des navires-citernes de grande contenance ne pouvant pas accoster dans les ports africains transportent des carburants en provenance d’Amsterdam, Rotterdam et Anvers qu’ils mélangent à des produits chimiques rendant le mélange impropre à la consommation en Europe et aux Etats-Unis. Le rapport renseigne que des analyses ont révélé que la teneur en souffre est supérieure de 200 à 1000 fois à la norme européenne, raison pour laquelle ces carburants sont labellisés « de qualité africaine ». Seulement, personne ne sait dans quelles conditions les transferts des navires-citernes vers les navires de moindre capacité sont effectués. Mais les indices recueillis sur les plages d’Agbavi, Gbodjomé et Nimagna donnent une idée du risque environnemental que font courir ces affréteurs à la faune marine et aux populations en bordure de mer.
Il n’est pas certain que l’océan laisse encore pour longtemps ces traces sur le sable. Heureusement que nous avons réussi à en trouver. On veut croire qu’un gros ponte à l’image de Gnama Latta ne rameutera pas des médias pour démentir, comme ce fut le cas pour l’aérogare. Les paroles s’envolent, mais les images demeurent.
Source : Abbé Faria, Liberté No. 2284 du 26 septembre 2016 / 27avril.com