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« Il est temps d’espérer ». C’est par ce brûlot, en date du 27 juin 2002, décrivant les habitudes de la maison qu’Agbéyomé Messan Kodjo, l’homme qui a connu une ascension fulgurante à l’ombre d’Eyadéma, a signé sa rupture avec le système qui l’a façonné, avant de prendre le chemin de l’exil. De retour au pays le 8 avril 2005, après le décès de son ancien mentor, il fut immédiatement arrêté à la frontière de Sanvee Kondji et ordre a été donné de le liquider dans les encablures de Sotouboua. Mais il a eu la vie sauve grâce à un officier supérieur de l’armée et a fini par atterrir à la prison de Kara où il a passé 60 jours de détention. Par cette arrestation, les fils de feu Eyadéma qui venaient de s’emparer du pouvoir à Lomé dans un bain de sang sans précédent, venaient de signer leur premier acte d’une vengeance implacable à l’égard de l’ancien tribun proche de leur père qu’ils accusent de trahison.
 
Plus tard, lorsque les relations entre le plus Faure des Gnassingbé et son jeune frère Kpatcha se sont détériorées, le premier aurait fait savoir que c’est le second qui avait pris l’initiative de liquider l’ancien Premier ministre. Qu’à cela ne tienne, accusé d’avoir détourné 10 milliards de francs CFA au Port Autonome de Lomé dans le cadre d’un projet financé par l’AFD (Agence Française de Développement), Agbéyomé Kodjo est sorti blanchi de cette épreuve. Libéré après 60 jours de détention et après la rupture avec son ami Dahuku Péré, il revient sur la scène politique en lançant son propre parti, l’Organisation pour Bâtir dans l’Union un Togo solidaire (OBUTS) avec lequel il participe à la présidentielle du 4 mars 2010 marquée par des fraudes massives. Il s’est vu attribuer un score minable par le pouvoir. Une manière de montrer à l’opinion nationale et internationale qu’il ne représente rien sur le terrain. Certes, l’OBUTS n’est pas aussi populaire que l’ANC, mais il est connu de tous que Gabriel Agbéyomé Kodjo est un activiste hors pair, une boîte à idées avec un carnet d’adresses très impressionnant, en tout cas à la hauteur des fonctions qu’il avait occupées par le passé. Plus de 10 ans après sa rupture avec le système RPT/UNIR, il dispose encore de solides relations dans son ancien parti, ce qui lui permet d’avoir des informations de première main. Aux yeux de Faure Gnassingbé, il reste toujours une menace.
 
La persécution d’Agbéyomé Kodjo par Faure Gnassingbé
 
Le Président de l’OBUTS ne rate aucune occasion pour mettre à nu l’incompétence de Faure Gnassingbé à la tête de l’Etat. Se présentant lui-même parfois comme un héritier de feu Gnassingbé Eyadéma, il dénonce régulièrement les méthodes du faux Prince, ses prodigalités, ses dérives et le pillage des ressources de l’Etat. Après sa sortie de prison et le refus de Faure Gnassingbé de le rétablir dans ses droits d’ancien Président de l’Assemblée nationale avec tous les avantages qui vont avec, des informations ont fait état de ce qu’Agbéyomé Kodjo s’était rapproché un peu de Kpatcha Gnassingbé au moment où ce dernier était en froid avec son frère aîné. Lorsque l’ancien ministre de la Défense a été arrêté après l’attaque de son domicile, certains dans l’entourage de Faure Gnassingbé, pour ne pas dire lui-même, ont tenté d’impliquer Agbéyomé Kodjo dans l’affaire afin de le neutraliser ; mais la mayonnaise n’avait pas pris.
 
A la veille de la présidentielle de 2010, le candidat de l’OBUTS, certainement en quête de fonds pour soutenir son projet, décide de vendre l’une de ses maisons inachevées à la cité OUA à une institution internationale. Une disposition de la loi au Togo dit clairement que seul le Président de la République est habilité à autoriser la vente d’un immeuble dont l’acquéreur n’est pas de nationalité togolaise. Le prix de l’immeuble étant très élevé, Faure refuse d’autoriser la vente et prive son adversaire de fonds de campagne. Malgré tout, le leader de l’OBUTS se lance dans la bataille. Six (6) mois après la présidentielle, du 4 mars 2010, le pouvoir contesté de Faure crée une terrible crise au sein de la formation de l’ancien Premier ministre en manipulant un de ses membres du nom de Gaston Vidada. Cette crise créée et entretenue depuis le laboratoire du pouvoir conduit à la dissolution du parti. Mais Agbéyomé Kodjo n’abandonne pas. D’ailleurs, c’est toute son existence sur la scène politique qui est en jeu. Il se bat de toutes ses forces et récupère le parti après avoir pris soin de mettre dehors les conspirateurs.
 
Entre-temps, après des investigations qui ont abouti à des soupçons de financement de la campagne présidentielle de l’OBUTS, le pouvoir décide d’asphyxier deux hommes d’affaires. D’abord Gabriel Améyi, l’actuel Président de la Fédération Togolaise de Football, accusé dans les officines d’avoir financé la campagne de l’homme de Tokpli et surtout d’avoir roulé pour lui dans le Kloto, et principalement dans la zone de Womé où Agbéyomé avait réalisé un score impressionnant. Il s’est vu fermer les vannes et toutes ses affaires sont en faillite. Cet homme qui s’est énormément enrichi dans le commerce du bois est bien obligé de vivre sur les fonds de la FIFA. Des informations font état de ce que le Prince cherche à lui mettre aussi le grappin dessus. Peut-être après la CAN. L’autre, c’est Pierrot Akakpovi, transitaire, homme d’affaires à la tête du groupe MONOTRANS et propriétaire de l’hôtel Novela Star. Il a fait l’objet d’un redressement fiscal de plus de 4 milliards, toutes ses sociétés ont été fermées avec la mise au chômage de plus de 400 personnes.
 
Contraint à l’exil, son hôtel en bordure de mer est actuellement convoité par certains proches de Faure Gnassingbé. En dépit du démantèlement de tout ce réseau, Faure a toujours maintenu le viseur sur le Président de l’OBUTS, surtout que ce dernier a retrouvé sa verve et son activisme avec la naissance en mai 2012 du Collectif « Sauvons le Togo » (CST). Profitant d’une manifestation du CST qui a été émaillée de violences, les éléments du SRI fortement armés, avec à leur tête le fameux capitaine Akakpo, investissent en juin dernier tôt le matin le domicile de l’ancien Premier ministre, y pénètrent par effraction, passent à tabac les enfants, défoncent les portes jusqu’à la chambre à coucher avant de mettre la main sur lui, le menottent comme un vulgaire bandit et le traînent dans les locaux de la Gendarmerie nationale. Et pourtant, il était couvert en tant qu’ancien Président de l’Assemblée nationale d’une immunité que Faure lui-même s’est inventée lors de son coup d’Etat constitutionnel de 2005. Il avait été relâché suite à la forte mobilisation et à diverses pressions venues de l’extérieur. Le CST, ce monstre sorti de nulle part qui donne de l’insomnie au pouvoir est monté en puissance, porté à bout de bras par les populations.
 
Agbéyomé Kodjo a retrouvé ses réflexes de tribun. Il est sur tous les fronts, mais aussi multiplie les visites en France et des rendez-vous à l’Elysée et au Quai d’Orsay. Des mouvements et rencontres qui inquiètent le pouvoir. Fin décembre 2012, le SRI ouvre une enquête discrète sur une prétendue affaire de coup d’Etat sur fond de trafic d’armes et d’empoisonnement. Les premières arrestations sont opérées, des noms sont cités, entre autres, Pascal Bodjona, Sow Agba Bertin, Gabriel Améyi, le colonel Yark Damehame et un certain Agbéyomé Kodjo. Des fuites parviennent vite au Président de l’OBUTS qui dénonce à travers un communiqué la manœuvre en cours. La presse se saisit du dossier et dénonce ce nouveau coup d’Etat imaginaire dont l’unique objectif est d’éliminer certaines personnes. Face au tollé suscité, le pouvoir fait marche arrière et abandonne le projet.
 
Trois semaines plus tard, ce sont des marchés de Kara et de Lomé qui brûlent. Au lendemain de l’incendie du grand marché de Lomé, le Vice-président de l’OBUTS, Gérard Adja, est enlevé pendant qu’il revenait de l’église et gardé à la Gendarmerie pour des besoins de l’enquête. Les avocats membres du CST dépêchés à son secours à la gendarmerie ont été gardés pendant des heures par le capitaine Akakpo avant d’être relâchés plus tard dans la nuit.
 
Avec l’arrestation de Gérard Adja, c’était clair que c’est le Président du parti lui-même qui était dans le viseur. Trois jours plus tard, c’est-à-dire le mercredi 16 janvier, l’Assemblée nationale procède précipitamment à la levée de l’immunité parlementaire de l’ancien Président de l’Assemblée. Quelques heures plus tard, ce sont des bidasses qui investissent le domicile d’Agbéyomé Kodjo pour l’embarquer manu militari à la Gendarmerie nationale où il est détenu depuis lors. Faure Gnassingbé vient ainsi de parachever son plan de liquidation de l’un des opposants qu’il a toujours redouté. Le grappin est désormais mis sur Agbéyomé Kodjo, mais personne ne croit un seul instant qu’un membre du CST ou le CST lui-même soit derrière l’incendie du grand marché de Lomé où ils tirent la plupart des moyens humains et financiers de leurs actions politiques. Désormais dans les serres du Prince, il n’est pas évident que le prédateur lâche de si tôt sa proie.
 
Le Togo a désormais son Bachar El Assad, sous le regard admirateur d’une certaine communauté internationale. Qui a pu se faire une idée de la maladie qui a défiguré et emporté en un temps record le Général Assani Tidjani ? Attention à l’empoisonnement, car les psychopathes sont à l’œuvre.
 
Ferdi-Nando
 
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