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Ouestafnews – On croyait fini le rêve de « présidence à vie » en Afrique, et voila que la Gambie et le Togo font bloc pour dire « non » à une initiative sous-régionale, visant justement la limitation des mandats présidentiels.
 
La « présidence à vie », vieille pratique sur le continent apparu avec les « pères de l’indépendance » avait été, dans nombre de pays, balayée par le vent démocratique des années 90 et les « conférences nationales » qui avaient suivi.
 
Pourtant, plus de deux décennies après, les vieux démons continuent encore de hanter les esprits de certains dirigeants. Les citoyens quant à eux demandent plus de démocratie, symbolisée à leur yeux par la possibilité d’une alternance au pouvoir et d’une limitation du nombre de mandats présidentiels.
 
Au 46è sommet de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao), les présidents de la Gambie Yahya Jammeh et du Togo Faure Gnassingbé ont démontré qu’ils en voulaient encore, et se sont donc opposés à un projet visant à instituer la limitation des mandats présidentiels au sein de l’espace sous-régional.
 
Ce projet est pour le moment suspendu, a affirmé le ministre ghanéen des Affaires étrangères, Hannah Tetteh, cité par la BBC (le service public britannique) sur son site Internet, au lendemain du sommet tenu le 19 mai 2015.
 
Cette décision survient au moment où la tentation d’un troisième mandat crée actuellement des troubles très graves au Burundi, et a valu au président Blaise Compaoré une triste fin. L’ex-président a été balayé par une révolte populaire en octobre 2015 après 27 ans à la tête du Burkina Faso.
 
En proposant ce projet désormais remis aux calendes grecques, les dirigeants de la Cedeao avaient certainement en tête cette fin mémorable de Blaise Compaoré, jadis leur homologue et surtout personnage décrit comme « incontournable » dans la sous région jusqu’à sa chute.
 
Jammeh et Faure : des similitudes
 
Les présidents togolais et gambiens qui se sont opposés à cette initiative utile à l’ancrage de la démocratie en Afrique de l’ouest, présentent quelques similitudes.
Agé respectivement de 50 ans et de 49 ans, Yahya Jammeh et Faure Gnassingbé sont relativement jeunes et totalisent déjà quatre mandats pour l’un et trois pour l’autre. Mais surtout, rien ne laisse indiquer qu’ils envisagent leur retrait du pouvoir dans un avenir proche.
 
Fraîchement réélu pour la 3è fois à la tête du Togo, Faure Gnassingbé soutenu par l’armée a pris le pouvoir en 2005, suite à la mort de son père le Général Eyadéma qui a dirigé ce petit pays d’Afrique de l’ouest d’une main de fer pendant 38 ans, et en a fait une dynastie familiale.
 
Si Faure Gnassingbé doit beaucoup à une armée fidèle à la dynastie installée par son père, Yahya Jammeh est un pur produit de la soldatesque. Il est arrivé au pouvoir par les armes avant de troquer le treillis contre ses amples boubous qu’on lui connaît aujourd’hui.
 
Fin juillet 1994, à travers un putsch, Yahya Jammeh alors lieutenant de l’armée gambienne mettait fin au régime de Dawda Jawara qui dirigeait le pays depuis son accession à l’indépendance en 1965.
 
Elu pour la première fois en 1996, Jammeh souvent critiqué par les défenseurs des droits de l’Homme, compte briguer un 5è mandat en 2016.
Ghana, Cap-Vert, Bénin, Nigeria… exemples à suivre
 
Même si l’ancrage de la démocratie y est à parfaire, l’Afrique de l’Ouest est perçue sur le continent comme un espace où les avancées démocratiques sont indéniables. Le dernier exemple en date est l’alternance intervenue au Nigeria, au terme d’un scrutin pacifique et transparent, selon les observateurs, qui a consacré la victoire de l’opposition incarnée par Muhammadou Buhari.
 
Au Cap-Vert, où l’ex-président Pedro Pirès a obtenu, le prix Ibrahim de la bonne gouvernance, le changement démocratique au sommet de l’Etat est en passe de devenir une banalité, idem pour le Ghana, le Bénin et le Sénégal. Même si pour ce dernier pays, la présidentielle de 2012 et l’entêtement de l’ex-président Abdoulaye Wade avaient réveillé les vieux démons. Sa cuisante défait aux urnes a été la preuve que les citoyens avaient dorénavant choisi l’autre chemin, celui de l’alternance au pouvoir.
 
Les derniers bastions africains
 
Après les incessants bruits de bottes qui ont émaillé les premières décennies de la période post-indépendance et les guerres civiles qui ont pour l’essentiel pris fin dans un passé récent, c’est le 3è mandat ou la présidence à vie, est désormais l’une des dernières barrières à faire tomber pour une meilleure gouvernance politique en Afrique.
 
La révolution populaire des Burkinabé et le chaos actuel au Burundi risquent ainsi d’avoir des déflagrations jusqu’au Rwanda et en République démocratique du Congo (la prochaine élection présidentielle dans ses deux pays est prévue respectivement en 2017 et 2016).
 
Dans les deux cas on parle de la volonté des deux chefs d’Etat, Paul Kagame et Joseph Kabila, de modifier leur constitution pour pouvoir aller au-delà de la limite des deux mandats fixés par la loi.
 
Au Congo Brazzaville, le président Denis Sassou Nguesso qui cumule 30 ans de pouvoir est lui aussi soupçonné de préparer une modification de la Constitution pour se maintenir à la tête de son pays.
 
Dans tous ces pays, opposition, société civile et parfois les religieux, voire même dans certains cas des voix à l’intérieur des cercles dirigeants, se font entendre pour manifester leur refus.
 
En réalité, partout ailleurs sur le continent, la tentation du 3è mandat et les tripatouillages de la Constitution sont aujourd’hui farouchement combattues par la société civile africaine.
 
En juin 2011, Abdoulaye Wade qui souhaitait modifier les dispositions relatives au mandat présidentiel, a dû reculer face à la forte mobilisation de la société civile. Il sera battu à la présidentielle en 2012. Avant Wade, Mamadou Tandja du Niger avait été renversé en février 2010 par des militaires après avoir en 2009 forcé la voie par une modification de la constitution qui devait lui offrir un 3è mandat contre la volonté populaire.
 
 

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