Le colonel Damehame Yark, l’actuel ministre de la Sécurité et de la Protection civile a effectué une curieuse sortie médiatique le vendredi 21 septembre dernier au cours de laquelle il a cru devoir interdire la manifestation du FRAC prévue le samedi 22 septembre, avec pour point de départ Doumasséssé, tout en apportant son soutien ostentatoire aux miliciens se réclamant du parti RPT/UNIR. C’est tout de même surréaliste de la part d’un ministre de la Sécurité de créer dans un pays des zones de non-droit où des individus peuvent se permettre le luxe d’interdire toute activité politique. Mais sur la forme comme sur le fond, le Colonel Yark est complètement passé à côté de la plaque et a confirmé devant tout le monde que c’est le pouvoir en place qui cautionne les actes de violences de ces miliciens dont la plupart ont déjà opéré en avril 2005.
Sur la forme, selon la loi N° 2011-010 du 16/05/2011 fixant les conditions d’exercice de la liberté de réunions et de manifestations pacifiques publiques, l’interdiction d’une manifestation publique dans une commune n’est pas de son ressort. Seul le maire à qui la déclaration préalable a été adressée, est habilité à faire des observations, mais 72 heures avant, comme le dit clairement l’article 12 de la Loi en ces termes : « L’autorité administrative compétente qui reçoit la déclaration peut faire connaître ses observations et ses recommandations, notamment en ce qui concerne le lieu, l’itinéraire, la sécurité et les secours d’urgence raisonnables, dans un délai de soixante-douze (72) heures avant la date prévue pour la réunion ou la manifestation ». Dans le cas d’espèce, les responsables du FRAC ont adressé une déclaration préalable au Président de la Délégation spéciale, mais c’est le Colonel Yark qui s’invite avec des muscles à la veille de la manifestation pour faire son show.
Avec cette sortie maladroite, certains Togolais sont en droit de se demander si ce ministre et, au-delà de lui, le pouvoir de Faure Gnassingbé est capable d’assurer la sécurité de certains citoyens.
L’exercice auquel s’est livré vendredi Yark Damehame qui a consisté à charger les victimes de l’opposition et porter secours aux miliciens du pouvoir en justifiant leurs agissements est d’une extrême gravité et n’honore pas non seulement sa fonction de ministre de la Sécurité, mais aussi le prestigieux corps de la Gendarmerie auquel il appartient. Pour le Colonel Yark, les miliciens ont le droit d’interdire l’accès d’un quartier de la capitale aux militants de l’opposition dont la manifestation qui a fait l’objet de toutes les démarches administratives, est à ses yeux une « provocation ». Lorsqu’il lui a été demandé de savoir pourquoi depuis le 15 septembre 2012, date des évènements sanglants au quartier Doumasséssé, il n’a été procédé à aucune arrestation de ces miliciens, il a tout simplement répondu que les enquêtes se poursuivent. Et pourtant ce 15 septembre, la plupart des officiers de la Gendarmerie nationale, en commençant par le DG lui-même et le responsable du SRI (Service de renseignements et d’investigation), étaient sur le terrain et ont observé avec une complicité notoire ces milices armées d’armes blanches agresser des militants de l’opposition. Tous ces miliciens et leurs chefs sont connus de tout le monde, sauf Yark qui continue les enquêtes. Le plus ridicule dans l’argumentation du ministre qui cherchait par tous les moyens à dédouaner ces milices est qu’il ignore le lieu où ils se réunissent. Or, il est de notoriété publique que ces miliciens se réunissent au siège du RPT à Forever la veille de toute opération, et à la fin de leurs basses besognes, ils retournent au même endroit pour se partager les billets de banque, parfois à coup de bagarres.
Le jeudi 20 septembre 2012, jour de la marche des femmes du CST et de la Coalition «Arc-en-ciel», ces individus lugubres se sont de nouveau réunis au siège du RPT avant de se retrouver très tôt le matin sur le terrain de football derrière l’ancienne SAZOF, avec toujours les armes blanches, prêts à en découdre avec les femmes de l’opposition. Tout le monde les a vus, sauf le Colonel Yark. Finalement les services de renseignements n’existent que lorsqu’il s’agit de traquer des militants de l’opposition. Cette propension du Colonel à voler au secours des milices et à créer de fait des zones de non droit dans le pays est une dérive dangereuse qui sera préjudiciable à sa personne et au pouvoir dont il est le serviteur.
En prenant la tête du ministère de la Sécurité et de la Protection civile, il est évident que Faure Gnassingbé le poussait à la sortie. Mais visiblement, l’homme lui-même tient à jouer le numéro avant son garage. Une espèce de baroud d’honneur avec des réminiscences du passé. Comme quoi, chassez le naturel, il revient au galop. Mais il oublie que le zèle dont il fait preuve depuis sa prise de fonction ne le ramènera pas dans les bonnes grâces de Faure Gnassingbé. Quand un ministre de la Sécurité et de la Protection civile vole au secours des milices, il ne reste qu’à dire que le Togo est vraiment en danger.
Ferdi-Nando
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