Prochaines échéances électorales au Togo

La crise politique togolaise est loin de connaître un dénouement à cause des manœuvres du Rassemblement du peuple togolais(RPT) est pouvoir depuis 45 ans. Ces manœuvres vont du dilatoire que ce parti organise à l’approche des échéances électorales aux fraudes orchestrées lors des scrutins. Délibérément les conditions pour une élection crédible ne se mettent guère en place en vue d’éviter des contestations postélectorales. A la suite des élections présidentielles de Mars 2010, plusieurs observateurs dont ceux de l’union européenne a fat un certain nombre de recommandations aux acteurs politiques togolais. Lors de son message le 31 décembre de la même, Faure Gnassingbé a annoncé l’ouverture d’un dialogue inclusif avec l’opposition pour parachever les réformes constitutionnelles et institutionnelles. L’ouverture de ce dialogue a trainé jusqu’au mois de septembre 2011 où sous la pression et dans le souci de ne pas réaliser unilatéralement les réformes prescrites par l’APG signé le 20 Août 2006 dans son chapitre III, alinéa 3.2, le Chef de l’Etat, en accord avec son partenaire de l’UFC, a fait adopter un décret en conseil des ministres le 13 Septembre 2011 créant le CPDC rénové et nommant ses membres. Le piétinement des travaux de ce CPDC à cause de la duplicité du RPT et le feuilleton que ses acteurs vont vivre les Togolais amènent les observateurs avertis que les élections risquent d’être hypothéquées menant une fois encore à un imbroglio politique. Analyse.
En politique le facteur temps est une donnée importante avec laquelle on ne badine pas. Le Rassemblement du peuple togolais (RPT) en est bien conscient et cherche toujours à mener en bateau ses adversaires. Quitte à ceux-ci de s’en rendre compte et de chercher les stratégies pour le contrattaquer.

Divertir pour gagner du temps

Après beaucoup de tergiversations, le Chef de l’Etat, Faure Gnassingbé en accord avec son partenaire de l’UFC, ont fait adopter un décret en conseil des ministres le 13 Septembre 2011 créant le CPDC rénové et nommant ses membres. Les membres de ce cadre se sont réunis pendant près de cinq mois et avaient sorti un communiqué le 19 Janvier selon lequel ils ont achevé leurs travaux et leurs propositions seront compilées dans un document qui sera transmis au Chef de l’Etat. L’on croyait que c’était la fin de la tragicomédie. Curieusement le résidu des membres de ce Cadre après la désertion des partis comme OBUTS, CDPA, PDP, etc, ont resurgi et contre toute attente et ils se sont retrouvés jeudi dernier pour discuter du découpage électoral pour les prochaines échéances, de la composition de la Commission électorale nationale indépendante et du fichier électoral, des éléments très importants pour la régularité et l’équité des scrutins. Et comme le ridicule ne tue pas, ils se sont encore donné rendez-vous sur le jeudi 02 Février prochain, ce qui signifie que le film continue son cours. Au moment la vitesse menace le temps. La législature en cours doit prendre fin le 30 Septembre selon le code électoral en vigueur, donc théoriquement il reste huit mois que tout soit mis au point pour ces élections. Mais il a coutume de le faire, le RPT attend le dernier moment pour accepter certaines réformes quand il sait qu’il a déjà verrouillé le terrain pour ses adversaires. Mais la contrainte de temps se pose avec acuité. Il existe une disposition dans le Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance qui ne permet pas la révision du code électoral dans l’intervalle de moins de six (06) mois précédent un scrutin. Il s’agit en l’occurrence de l’article 21 qui stipule qu’ »aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (06) mois précédant les élections sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques ». L’opposition dite radicale ayant boudé depuis les travaux de ce CPDC renové, le RPT a choisi lui-même son opposition donc ses acteurs politiques avec lequel il fera passer les réformes au grand Dame de l’opposition de la ligne dure.

Les manœuvres qui vont compromettre les résultats

Le RPT continuera longtemps à savourer les délices de son mariage avec l’Union des Forces de Changement. Selon les termes de l’Accord signé entre les deux formations politiques le 26 Mai 2010, un certain nombre de préfectures reviendraient à l’UFC. Aujourd’hui, cette dernière peut se targuer d’avoir eu gain de cause avec au moins une dizaine de préfets issus de ses rangs. Mais dans la réalité des faits, c’est une stratégie bien ficelée du RPT pour endormir sa compagne. La plupart de ces préfets qui sont nommés sont des enseignants ou des cadres mineurs qui se laisseront aller par la petite brise du matin, autrement dit une petite mallette bourrée de billets flambants neufs qui leur sera offerte comme appât par le RPT. Ils prendront fait et cause pour le RPT dans la préparation en amont de ces élections. Une stratégie est également en train d’être élaborée pour les législatives. Il s’agit de l’argent liquide que le RPT met à la disposition de l’UFC pour financer sa précampagne à l’intérieur du pays. De l’argent est alors octroyé sous forme de crédit des micro finances. Au même moment l’UFC est en discussion avec certaines formations politiques de l’opposition pour les convaincre de ne pas présenter les candidats dans toutes les circonscriptions électorales et d’adopter la stratégie selon laquelle dans une circonscription électorale donnée, seule la formation politique la plus populaire présentera de candidat. La question qui se pose est de savoir comment les partis politiques peuvent savoir que tel ou tel autre est majoritaire si ce n’est par les urnes qui demeurent le critère scientifique et objectif si les élections sont transparentes. Selon les avisés c’est un piège que l’UFC et son allié sont en train de tendre aux autres partis afin d’asseoir leur hégémonie de la prochaine Assemblée. Le bon sens voudrait que la latitude soit donnée à chaque formation de présenter des candidats où bon lui semble. Pendant que cette proposition se murit pour faire échec à l’émergence d’une seule formation politique d’opposition à l’hémicycle, le RPT continue de faire divertir cette opposition avec sa probable dissolution, persuadé que cela porterait un coup sérieux à son vivier électoral.
Sur le terrain des réformes, l’inquiétude demeure surtout au niveau du découpage électoral. En effet, il existe un grand déséquilibre entre le nord et le sud du pays. Dans la partie septentrionale du pays favorable au pouvoir en place, il faut dix mille voix pour un parti pour un élu du peuple alors qu’il en faut cent mille pour élu du Sud du pays. Cette disparité ne peut être tolérée dans un même pays, d’où la nécessité de revoir le découpage électoral. Mais le RPT dans sa logique attend de façon subtile la dernière minute pour faire des avancées ou des propositions à ces adversaires qui ne disposent pas de temps suffisant pour ingurgiter ces propositions et font profil bas et acceptent malgré eux.
La crise de confiance qui a fait vider le CPDC des partis politiques cooptés pour ce cadre par le pouvoir doit interpeler le Chef de l’Etat afin qu’il repense la composition de ce cadre et mener à bien et de façon consensuelle les réformes inscrites au chapitre III alinéa 3.2 de l’Accord politique Global (APG) du 20 Août 206. Ce serait le prix à payer pour que les réformes telles que la recomposition de la CENI, le redécoupage électoral, la réforme du code électoral et la mise en place des conditions favorables à des élections législatives et locales libres, transparentes et équitables se fassent dans la paix. L’enjeu est crucial et le peuple attend cette année que des collectivités locales notamment les mairies soient gérées par des élus et comme des présidents de délégations spéciales tels que les connaît depuis plus de 10 ans.
Jean-Baptiste ATTISSO
L’Idépendant express N° 195 du 01 février 2012