Après le vote, par le Parlement des réformes constitutionnelles, les réactions se multiplient. Elles s’attardent principalement sur certains articles jugés anti démocratiques et non consensuels. Pendant que pouvoir et opposition se déchirent sur la question, le Haut-commissariat à la réconciliation et au renforcement de l’unité nationale (HCRRUN), présidé par Awa Nana Daboya a choisi le silence. Il se souvient que c’est toujours Mme Awa Nana qui a présidé la Commission de réflexion sur les réformes politiques et institutionnelles avant de se voir engluée par le mouvement du 19 août 2017.

Le 08 mai dernier, dans une entente peu surprenante, les réformes constitutionnelles ont été approuvées, à une exception près, à l’unanimité par les de la 6ème législature. Cette révision constitutionnelle dispose de la limitation du nombre de mandats présidentiels, qui permet également à l’actuel président Faure Gnassingbé de se représenter aux deux prochains scrutins, en 2020 et 2025. Déjà que la mouture de cet article 59 fait débat, d’autres créent encore plus de vives polémiques sur l’avenir du vivre ensemble.

Plusieurs articles contestés…

Et pour cause, selon le nouveau texte, « le président de la République est élu au suffrage universel, libre, direct, égal et secret pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois ». « Cette disposition ne peut être modifiée que par voie référendaire », souligne le texte, précisant au passage que les mandats déjà réalisés et celui en cours à la date d’entrée en vigueur de la nouvelle loi constitutionnelle « ne sont pas pris en compte». Un abus, selon l’opposition qui a dénoncé une loi « taillée sur mesure » pour Faure Gnassingbé.

Autre point de discorde et non pas des moindres, c’est le fameux article 75 nouveau qui se décline en ces termes : « Les anciens présidents de la République sont de plein droit, membres à vie du Senat. Ils ne peuvent être ni poursuivis, ni arrêtés, ni détenus, ni jugés pour les actes posés pendant leurs mandats présidentiels. Ils prennent immédiatement rang et préséance après le Président de la République en exercice dans l’ordre inverse de l’ancienneté du dernier mandat, du plus récent au plus ancien. Une loi organique détermine le statut des anciens présidents de la République, notamment en ce qui concerne leur rémunération et leur sécurité». « Le chef de l’Etat sera au-dessus de la loi. Il sera sous le couvert d’une immunité Ad viternam. L’Assemblée nationale vient de délivrer à Faure Gnasingbé un blanc-seing pour les crimes, même de sang contre le peuple », a souligné dans une déclaration la Coalition de l’opposition.

Dans sa dernière parution, votre journal a souligné le caractère anti démocratique de l’article 101 qui stipule que « le Président de la Cour Constitutionnelle est nommé par le Président de la République parmi les membres de la Cour pour une durée de six (06) ans. Il a voix prépondérante en cas de partage ». Une hérésie puisque le pouvoir de Lomé conserve via cet article ses mêmes rôles d’organisateur et arbitre des compétitions électorale quand on sait que la Commission électorale nationale indépendante a été toujours contrôlée par le pouvoir.

Le débat que suscite cette réforme devrait amener « les intellectuels du pays» à éclairer les populations sur le sujet. Dans ce sens, il nous souvient qu’une commission composée de hauts juristes a été mise en place, il y a deux ans, pour qu’elle nourrisse des réflexions en symbiose avec les populations afin que les réformes soient consensuelles et acceptées par tous. Mais malheureusement, depuis le vote de cette loi, la Commission de réflexion sur les réformes politiques et institutionnelles ne s’est pas prononcée.

Que dit le HCCRUN…

La Commission de réflexion, sur les réformes politiques et institutionnelles est composée de : Kwesi Séléagodzi Arthème Ahoomey-Zunu, de Adji Otèth Ayassor, de Prof Kokoroko Komlan Dodji, du Prof Kpodar Adama, de Prof Batchana Essohanam, de Afandé Koffi Koumélio, M. Yabré Dago et David Ihou Ekoudé. Elle est présidée par la magistrate, Awa Nana Daboya.

Ecoute, collecte et pédagogie, ce sont là certains piliers de la tournée que la Commission de réflexion sur les réformes politiques, institutionnelles et constitutionnelles, a fait au près des populations togolaises. Cette tournée devrait permettre à cette commission de recueillir les aspirations des populations pour en faire une réforme dans laquelle l’intérêt général sera pris en compte.

En pleine mission, cette commission a dû écourter sa tournée pour remettre d’urgence son rapport sur les auditions et consultations effectuées et un document portant propositions de réformes. La commission « estime avoir pris en compte, les aspirations profondes des populations ». La nouvelle loi fondamentale a-t-elle pris en compte les aspirations des populations ?

A l’heure où les réformes font débats au sein de la population, il est avenant à la présidente de commission sortante de dire au peuple togolais si le texte voté le 08 mai 2019 est en harmonie avec les conclusions de leur rapport et surtout, si cette constitution est favorable à la réconciliation dont elle a la charge. Dans ce sens, son silence ne fera que soutenir les soupçons de diversions qu’avaient très tôt émises certains observateurs au moment de la mise sur pied de cette commission.

Awa Nana : la peur du passé

En effet, Awa Nana Daboya était présidente de la Commission Electorale Nationale (CEN) en 1998. A l’issue de l’élection présidentielle du 21 juin 1998, le processus électoral a été jugé « sorti de son cadre légal » par l’UE, dans un communiqué rendu public le 25 juin 1998. En effet, Mme Awa NANA-DABOYA, sous menace, a dû céder pour laisser le Ministre de l’Intérieur de l’époque, le Général Séyi Mèmène, publier des résultats provisoires jugés frauduleux du scrutin et de les transmettre à la Cour Constitutionnelle, en lieu et place de la CEN, en violation du code électoral.

C’est peut-être une chance qui s’offre, aujourd’hui, à celle qui est aussi Médiateur de la République, a une chance inouïe de réparer ce qui lui a échappé hier. A moins qu’elle n’attende pas se détacher des agissements d’un régime cinquantenaire dont la fondation est secouée de tout part.

 
Source : Fraternité No.315 du 29 mai 2019
 

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