« Le meilleur moyen de rendre les autres meilleurs, c’est de le devenir soi-même » (Jules Beaulac)

«A mon avis, notre homologue ivoirien est disqualifié pour exiger des sanctions contre un pays alors que lui-même viole la constitution de son pays pour avoir un 3è mandat». C’est ainsi que le jeune président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embalo avait violemment taclé Alassane Ouattara. Lorsque le président ivoirien est monté en première ligne pour instruire des sanctions contre le peuple malien et la junte au pouvoir alors que lui-même n’est pas un parangon de vertu. Comme le dit Joseph Sanial-Dubay, «on exige l’exemple, mais on se dispense de le donner. »

Cette vérité, si dure qu’elle soit, s’applique à tous les chefs d’Etat de la CEDEAO qui n’ont aucun respect pour leur parole et engagement et qui violent allègrement les lois et textes de leur pays dans le seul but de se maintenir au pouvoir. En premier lieu, Faure Gnassingbé qui est l’incarnation même du virus du troisième mandat qui se répand aujourd’hui dans la sous-région ouest africaine.

Lorsqu’il avait capté le pouvoir en 2005 dans les conditions apocalyptiques qu’on sait, Faure Gnassingbé avait, dans la foulée, démontré qu’il est le fils de son père, qu’il a reçu les germes de la dictature et qu’il n’adhère pas aux principes démocratiques. Pendant 15 ans, il va ruser avec les engagements qu’il avait pris et maintes fois renouvelés devant la nation togolaise et la communauté internationale de mettre en œuvre les réformes politiques et électorales devant contribuer non seulement au règlement durable de la crise sociopolitique, mais aussi permettre d’engager le pays sur les rails de la démocratie et du développement.

Faure Gnassingbé va finalement, après trois mandats présidentiels, faire tripatouiller la constitution pour s’octroyer deux mandats supplémentaires au travers de ce que les thuriféraires de son régime appelaient la « remise du compteur à zéro ».

Bien avant, il s’était illustré devant ses pairs de la CEDEAO, en s’opposant à la volonté de la Commission de la CEDEAO d’imposer l’alternance démocratique dans les quinze (15) pays membres en limitant le mandat présidentiel à deux. Sa propension à s’éterniser au pouvoir va plomber cette ambition nourrie par les différents peuples.

Le n°1 togolais qui est aujourd’hui à son 4ème mandat, devrait s’offrir un 5ème en 2025. Avant d’envisager la possibilité de la présidence à vie comme son géniteur s’il ne trouve aucune résistance devant lui. Une jurisprudence dans la région. D’autres dirigeants, notamment Alassane Ouattara et Alpha Condé qui, ironie de l’histoire, ont de tout temps soutenu leur homologue togolais dans sa volonté de prolonger son bail à la tête du Togo, surfent sur ce vice pour candidater pour un 3ème mandat présidentiel.

Quand on n’est pas soi-même un modèle, un bel exemple à suivre, une référence, il va de soi qu’on ne peut prodiguer des conseils aux autres. Le président togolais en est conscient et se montre très discret à propos des questions d’intérêt régional.

Le régime de Faure Gnassingbé n’est pas très populaire pour être une force diplomatique qui pèse dans l’orientation du destin de la CEDEAO. Le fils du père qui vit déjà la tragédie d’une dévolution monarchique du pouvoir, est celui qui donne le mauvais exemple en perpétuant le règne héréditaire au Togo.

Du coup, bien qu’il soit le doyen des chefs d’Etat de la CEDEAO, il est laissé sous le carreau et n’est pas consulté pour des grandes décisions qui engagent l’avenir de l’espace communautaire, comme dans la situation au Mali où des délégations de haut niveau des chefs d’Etat s’étaient rendues à Bamako en vue de solutionner pacifiquement la crise.

Médard Ametepe

Source : Liberté N°3224 du Jeudi 03 Septembre 2020

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