« Les choses les plus belles sont celles que souffle la folie et qu’écrit la raison ». Dans son Journal, André GIDE souligne l’audace de faire avancer les cités en tumulte pour redresser les républiques inclinées ou les sortir des ravins de la perdition du sens. Aux heures troublantes de l’histoire des peuples, les politiques ont l’impérieux devoir de se piquer une folie pour transcender les montagnes, parce que le risque d’un écroulement se chassé de l’esprit lorsque l’engagement devient ferme et que la foi devient la perche du bondissement salutaire.
Les sociétés en crise secrètent des hommes de forts parce que l’instinct de survie ou de conservation est la plus puissante des dispositions naturelles qui nous rendent combatifs. L’ordre de rectifications de notre évolution nous impose un sursaut pour sortir de nos embrigadements mortels. L’osmose de libération pour des nouveautés est dans la dynamique de nos répondants, c’est-à-dire, du génie, du talent, de l’intelligence et de notre opiniâtreté à changer notre propre sort et celle de la collectivité.
Les peuples sont toujours fascinés par la lumière des horizons nouveaux. Si les Togolais militent massivement pour un nouvel ordre politique, démocratique et pour la transparence électorale, c’est parce qu’ils apprécient fort bien les mutations heureuses et spectaculaires des nations épanouies à la liberté et au respect de l’humain-patron.
Les dictatures, dans leurs violences et dans leurs privations, se sont révélées inefficaces, inadaptées. Elles n’ont de ressources qu’à pousser dans un goulot d’étranglement des masses contraintes aux réflexes de libération. Le système politique qui ne répond pas aux attentes des peuples, à leurs réclamations, à leurs conditions du vivre-ensemble ne peut pas être défendu avec sagesse et force arguments. Ce n’est pas dans le confinement à répéter des transgressions autoritaires de la Volonté populaire que ceux qui ont la faiblesse de croire en la violence réussiront à coiffer de leur esprit l’expression de la vérité.
Ce à quoi nous assistons au Togo dans l’interprétation de la feuille de route de la CEDEAO pour une sortie de crise est loin de nous combler de fierté. Les errements politiques sont des folies outrageantes pour la respectabilité de l’esprit de la nation. Le RPT/UNIR ne peut faire résidence dans la cocasserie politique sans flétrir l’honneur de l’homme togolais, sa respectabilité.
Comment peut-on, dans une folie conceptuelle, appartenir à la majorité qui gouverne, en plus avec un accord de partenariat bien scellé depuis une dizaine d’années sans jamais renoncer à cet accord et en même temps être de l’opposition ?
Les lois de la République sont-elles au-dessus des accords politiques pour une gouvernance dite apaisée ?
Si la Communauté sous-régionale s’investit pour un canevas de sortie de crise, par quelle folie pouvons-nous faire le tri de ses ordonnances sans nous enliser dans un embrasement ?
1) Le jeu de la mauvaise foi
Elle est une attitude consciente de négation de la vérité pour induire en erreur les esprits faibles. Les faussetés servies pour se frayer une voie quand tout le monde converge vers la clarté de l’analyse des faits ne s’apparentent guère à un soupçon de d’honnêteté. Quand la mauvaise foi devient l’arche de sauvetage politique, la République se pervertit et le sens de l’Etat périt chez les faux-monnayeurs de la démocratie qui se raidissent dans des manœuvres lassantes de leur mauvaise conscience.
Le jeu de la diversion auquel on assiste piteusement dans la mise à exécution de la feuille de route de la CEDEAO pour une sortie de crise au Togo est un exercice de l’esprit qui expose leurs auteurs à une perte totale du sens de l’Etat et du sens de l’honneur. Il n’y a pas de progrès sans effort, sans sacrifices, sans vérité, sans morale. Les artifices, les simulacres et les plaisanteries de mauvais goût n’ont ni la force, ni de la luminosité à réanimer une République morte de ses errements.
Dans A la recherche de la politique perdue, l’éminent sociologue Georges BALANDIER écrit : « Faire la politique autrement, ce n’est pas gagner du temps, mais la possibilité d’oser ». Si notre pays est dans cet écroulement spectaculaire avec un fort endettement improductif et que le « mandat social » décrété n’a de meilleurs résultats que d’emmener les Togolais à l’insurrection, la déduction est si nette que nous ne pouvons plus nous maintenir dans le statu quo, dans le modèle périmé de la gouvernance par effraction, par rapine, par enfumage mensonger et par gonflement propagandiste.
Le devoir d’oser est de l’ordre de la transcendance des leaders politiques, c’est-à-dire, un engagement clair d’agir avec hauteur et innovations susceptibles de réinventer l’espérance face à l’évènement de la mobilité dynamique du peuple lui-même qui lorgne la modernité organisationnelle de l’Etat. Les ressorts patriotiques, civiques, éthiques, moraux redressent les Républiques en faillite et la nôtre en rebut a plus que besoin de ce plancher référentiel des valeurs pour sa reconstruction.
C’est le sens insidieux du profit qui relègue les ordonnances de solidarité et de rectifications dans les falaises de l’abandon. La dialectique ascendante des politiques togolais est dans un choix d’emboîtement de la raison aux ordres de la facilitation et à l’inclusivité de la démarche sur le processus des préparatifs pour des consultations populaires. La bonne volonté de notre peuple se lit dans ses sacrifices à aller à la paix par le respect des Droits humains et des populations. La générosité de l’intelligence politique ne peut plus admettre s’écarter des sillons de la paix, tracés par une torche communautaire. Le chemin de la vérité des urnes est une hantise des Togolais autant que de tous nos partenaires au développement et de la CEDEAO. Le navire de la concorde nationale mis sur les flots sous les normes d’une assistance régionale ne doit plus couler sous des récifs des torpilleurs.
Le niveau des petitesses actives dont certains font l’interprétation sélective de la feuille de route nous renverse de honte. A quel rang d’humanité et de bon sens sommes-nous si nous sommes incapables de respecter ceux que nous avons volontairement sollicités pour le soutien à la cause de notre nation?
Il n’est pas possible que nous manifestions partout notre volonté à renaître à l’ordre et à la démocratie et nous laisser choir dans les petitesses par vanité. Être responsable, ce n’est pas le paraître. Nos simulacres de maturité politique et de recherche de la solidarité nationale sont hors de l’objectif communautaire dans la facilitation sur la question togolaise. Ce ne sont pas ceux qui parlent beaucoup des lois qui sont des légalistes. Ceux qui deviennent des professionnels des accords de façade ne sont non plus de grandes âmes. C’est un grand malheur pour les Républiques dans lesquelles l’Etat devient un figurant de la restauration de l’autorité. La mobilité politique, économique, sociale est le gage de la construction nationale. Le jeu politique, électoral sans la transparence est le socle de tous les vices.
2) Le Peuple Togolais et la CEDEAO face à la vérité de la feuille de route
Le mensonge et le faux se démentent d’eux par leurs incohérences. Il n’est surtout pas difficile de démasquer ceux qui s’y livrent. Pour peu que chacun ordonne bien sa raison par le jugement souverain qui est naturellement en lui, il découvre ce qui est vrai, juste et bon.
La CEDEAO a initié deux rencontres sur la crise avec les protagonistes, c’est-à-dire, les parties concernées. Aucune de ses conclusions et ordonnances n’a été exécutée proprement par l’autorité centrale contre laquelle se dresse notre peuple, représenté par la C14. Les prisonniers politiques sont toujours dans les cachots des horreurs et l’inclusivité réclamée, prescrite par la Communauté dans le processus électoral est rejetée par des manœuvres qui violent carrément les précautions d’une transparence électorale.
Dans le schéma de sortie de crise préconisé par l’instance sous-régionale, nous sommes tous témoins, peuple togolais, partenaires au développement, facilitateurs et Comité de suivi, des étapes escamotées, violées, transgressées par les robots de l’histoire de la rapine et de l’effraction au Togo. Ils ne sont éduqués ni à l’honneur, ni au respect des autres, encore moi au respect de la vie.
Dans le plateau de la balance, on voit bien ce que l’Opposition a concédé pour renoncer à ses armes légales, constitutionnelles au nom de l’apaisement et une disposition à privilégier un règlement pacifique et ordonné de la crise.
Ceux qui se flattent l’orgueil d’être les héritiers du trône et qui n’entendent pas s’écarter d’un legs, par orgueil politique, travestissent tous les accords et recommandations quels qu’ils soient, y compris les prescriptions de la CEDEAO en exhibant le 20 décembre comme une date d’ « explosion nucléaire ». Ce superflu de subterfuge est un choix de provocation et d’insulte à l’esprit et à la lettre des ordonnances de la Communauté. Le prétexte pour un test de levée de main de la CEDEAO pour garder la manette et biaiser les mesures inscrites dans l’inclusivité d’un processus électoral est si clair dans ce fétichisme du 20 décembre qui enivre le RPT/UNIR d’une déraison rageuse.
Une CENI non inclusive n’a d’existence ni légitime, ni légale pour un remplissage de recensement. Elle s’expose à un rejet plantureux, incisif du peuple du Togo et elle ne peut laisser indifférent, inerte le Comité de suivi de la feuille de route.
Par conséquent, l’explosion sociale d’une indignation se forme d’elle-même pour exiger une normalisation du processus électoral et ceux qui sèment les épines sur la trajectoire définie par la Communauté pour une sorte de crise s’exposent à de vifs refoulements de la puissance régionale. Dans une telle situation de travestissement de ses ordres, elle n’a de choix que la sévérité pour se faire respecter. Les réfractaires à un nouvel ordre, à vouloir semer des embûches sur le chemin de la paix et de la normalité électorale tombent de leur travers sous la tornade des soufflets de la honte. Ils parlent beaucoup sans convaincre personne.
« Ce qui probablement fausse tout dans la vie, c’est qu’on est convaincu qu’on dit la vérité parce qu’on dit ce qu’on pense », disait Sacha GUITRY dans Toutes réflexions faites. L’entièreté de la feuille de route, voilà ce qui est vérité. Il n’y a pas de flots langagiers possibles pour se départir de l’inclusivité, des réformes et des mesures d’apaisement qui pourraient subjuguer les Togolais et la facilitation .
source : L’Alternative