Les litiges fonciers au Togo constituent de plus en plus une menace qui risque d’embraser le pays si on n’y prend garde. Malgré l’adoption d’un nouveau code foncier pour désamorcer la bombe, et les récentes sorties du Président de la Cour Suprême et du ministre de la Justice, ces litiges représentent près de 80% des affaires pendantes devant la Justice. A Notsè Dalia -Bégbé, un litige foncier oppose le chef de ce village, Togbui Pierre Yao Kétika surnommé Yao Yovo et les autres familles membres de la collectivité Kétika. Devant la presse le vendredi 25 mars dernier, le camp adverse au chef du village accuse ce dernier de s’accaparer des terres et de les mettre en vente, d’exercer des menaces et intimidations, de procéder à la destruction des cultures des allogènes ou de leur interdire de mettre pied encore dans leurs champs sous prétexte qu’ils appartiennent désormais à Kétika.

Cette situation crée une vive tension actuellement dans le milieu. Au départ, selon les informations,Togbui Pierre Yao Ketika a été désigné par procuration en date du 1er février 2008 pour représenter la collectivité Kétika composée des familles Adako, Adamadou,Affo, Eklou, Kétika et Mawougna, devant les tribunaux dans un litige foncier l’opposant à la collectivité Agbo.Au premier arrêt, le Tribunal de Première Instance de Notsè a donné raison à la collectivité Agbo. La collectivité Kétika a interjeté appel devant la Cour d’Appel de Lomé et cette juridiction a confirmé le droit de propriété de la collectivité Kétika et la collectivité Agbo-Abalo a fait le pourvoi sur l’arrêt et a fait le sursis à exécution. La Cour Suprême a condamné la collectivité Agbo comme non fondé. C’est de là que Togbui Kétika a assigné la famille Mawougna en déclarant qu’ils sont des intrus dans le domaine et qu’ils seraient d’Aného. Pis, il exige l’annulation du mandat qui lui a été donné car il l’avait accepté innocemment et que le domaine faisant l’objet de litige lui appartient et non à la collectivité. « Etant le plus instruit,nous l’avons désigné pour nous représenter devant les tribunaux. En ce temps-là, nous avions un différend avec la collectivité Agbo. Cette dernière a perdu le procès en appel et a fait un pourvoi au niveau de la Cour Suprême. Mais contre toute attente, notre frère s’est retourné contre nous et se considère comme seul propriétaire des terrains en chassant les allogènes », a indiqué un membre de la collectivité. Pour dame AdamadouYawa, c’est tout simplement du gangstérisme et ils ne vont pas se laisser faire. « Yao Yovo veut nous priver de notre propre terrain, un héritage qui nous a été légué par nos aïeux.

J’ai été témoin de sa naissance, mais aujourd’hui qu’il a été intronisé par les siens, c’est l’occasion pour lui de nous arracher nos biens (terrains), soit disant que nous ne sommes pas des autochtones, nous venons d’Aného et autres. Que nos terrains qu’il a vendus nous soient retournés, ce sont des biens que nous avons hérités de nos aïeux, pas question qu’on les saisisse ». Du côté des allogènes, cette situation devient très embarrassante. « Je cultivais sur 18 hectares et on m’a accordé un certificat pour 5 hectares sur lesquels je faisais des semences. Le chef (Yao Yovo) lui-même est arrivé avec quelqu’un et ils ont partagé les terrains que je cultive pour les distribuer à ses frères. Cela fait 60 ans que moi et ma famille nous vivons ici, et c’est moi qui ai créé une école à Tako.

Ils sont rentrés dans nos champs et ont piqué des bornes partout. Ceci est une situation désastreuse et elle risque d’engendrer une autre encore plus grave. Et ce sera la guerre s’ils persistent à nous menacer comme il le fait », s’est indigné Ahougna Komi. « Suite à un décès d’un proche la semaine dernière, j’étais parti au nord pour les cérémonies funéraires mais force est de constater à mon retour qu’un convoi de Lalékpé envoyé par Yao Kétika était venu réarranger mon champ que j’ai déjà arrangé pour la semence.Cela fait 34 ans que je suis ici. Je suis sur le terrain de mon père et aujourd’hui on me chasse et m’interdit de ne plus cultiver alors que j’ai ma femme et mes enfants avec moi. Qu’est-ce-que nous allons manger ? Nous sommes tous des Togolais. Nous n’avons pas refusé de céder les terrains mais c’est la manière dont procède Yao Kétika et ses hommes de mains qui nous révoltent. Que tout se fasse dans la légalité et la transparence. En tant que chef, il doit » montrer le bon exemple », a déclaré très remonté Fenagnawa Somiabalo. Rencontré, Togbui Pierre Yao Kétika trouve ces déclarations diffamatoires envers sa personne. Il a,par ailleurs, reconnu que le domaine appartient de droit à toutes les six familles de la collectivité Kétika et que le problème réside au niveau du partage car il n’y a pas encore eu la levée topographique.Le chef du village de Lalékpé estime que ce sont ses autres frères qui se livrent à la vente des terrains et chassent les allogènes de leurs champs. « Je ne peux pas affirmer que le domaine contient tel nombre d’hectares. C’est maintenant que nous allons faire une réunion familiale [famille Kétika] et chercher un expert topographique pour nous faire le plan. J’invite tout le monde à se soumettre aux décisions de la justice». Pour éviter un lendemain sombre au village de Lalékpé à Dalia-Bégbé, les autorités sont vivement interpellées.

Le Correcteur N° 1036 du Lundi 04 avril 2022

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here