Installée le 29 mai 2009, la Commission vérité justice et réconciliation (CVJR) est chargée de faire la lumière sur les crimes politiques survenus au Togo entre 1958 et 2005. Deux ans après sa création par l’actuel président Faure Gnassingbé, les auditions ont commencé ce mercredi 7 septembre.
 
Prévues pour durer deux mois, les audiences doivent se dérouler dans les grandes villes du pays. Au total, un peu plus de 20 000 dépositions ont déjà été enregistrées par la CVJR. Elle est composée de onze religieux, chefs traditionnels, professeurs d’université et ne compte aucun représentant des partis politiques. Elle est présidée par Mgr Nicodème Barrigah. « Nous démarrons une phase hautement sensible et difficile », a-t-il prévenu sur RFI.
 
Le mandat limité de la Commission
 
La Commission n’a pas le pouvoir de juger qui que ce soit ; elle n’a pas le pouvoir d’amnistier qui que ce soit ; elle essayera d’établir des responsabilités et elle fera des recommandations. Aucune disposition n’a par conséquent été prise afin de traduire en justice les auteurs des violations. Des pouvoirs limités qui laissent sceptiques plusieurs organisations de défense des droits de l’homme. Amnesty International le dénonce dans son rapport annuel de 2010 sur le Togo.
L’opposition doute, quant à elle, de la neutralité des onze membres de la Commission, à commencer par la vice-présidente, Kissem Tchangaï-Walla, ancienne responsable de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) qui a validé les résultats contestés de la présidentielle d’avril 2005. Certains analystes y voient un moyen pratique pour le chef de l’Etat de garder la main sur cette tentative de réconciliation nationale.
 
Comment apaiser les victimes ? Comment atteindre la réconciliation sans passer par la justice ? Comment pardonner ? Comment faire pour que les victimes obtiennent réparation ?
 
Il ne s’agit pas de juger mais de connaître les faits et essayer d’établir les responsabilités, personnelles, individuelles ou institutionnelles et surtout, précise Mgr Barrigah, « d’appeler les uns et les autres à tout mettre en œuvre pour que cette violence et ces violations ne se produisent plus ».
 
Un moment délicat
 


Une centaine d’agents a recueilli, pendant deux ans, les dépositions de ceux qui disent avoir souffert de violence politique et de ceux qui en ont commis. Ces dépositions ont ensuite été analysées et classées. La Commission s’est ensuite chargée de vérifier leur degré de véracité.
 
L’heure est maintenant arrivée pour que les auditions commencent. Les victimes et les présumés coupables seront invités à raconter en public, à huis clos ou en privé, selon les cas, ce qu’ils ont vécu. Ensuite, la Commission fera des recommandations quant aux réparations et aux condamnations.
 
Dans un entretien au journal La Croix, en juin 2011, Mgr Barrigah déclarait se préparer au plus dur en précisant que, dès le début des auditions « des noms vont être lancés sur la place publique… Cela va être dangereux pour tout le monde : pour les membres de la Commission, pour les témoins, les victimes… Je sais d’expérience de quoi sont capables certains. Pendant cette phase, tout peut arriver. Je me suis préparé à toute éventualité », achevait-il, résolu.
 
Faure Eyadema voulait-il jouer l’ouverture démocratique ?
 
La création de la Commission s’inscrit dans l’Accord politique global (APG), signé le 20 août 2006 par les acteurs politiques et des représentants de la société civile, au terme du Dialogue politique placé sous la présidence de l’opposant Yawovi Agboyibo, leader du Comité d’action pour le renouveau (CAR). L’actuel président voulait-il ainsi jouer la carte de l’ouverture démocratique ? Une tâche ardue vu l’histoire fort tourmentée du Togo.
 
D’abord en janvier 1963, avec l’assassinat du père de l’indépendance, Sylvanus Olympio, par un groupe de soldats. Un coup d’Etat militaire qui porta le général Etienne Gnassingbé Eyadema au pouvoir. Il a dirigé le Togo d’une main de fer pendant 38 ans, jusqu’à son décès en février 2005.
 
Ensuite, des violences qui ont de nouveau éclaté lors de l’élection présidentielle d’avril 2005, remportée par son fils, l’actuel président Faure Gnassingbé. L’élection très controversée avait été contestée par l’opposition et par la communauté internationale qui avaient dénoncé de nombreuses irrégularités. Les manifestations qui ont alors suivi ont été durement réprimées, faisant près de 500 morts, selon les estimations de l’ONU. Le gouvernement n’a, quant à lui, jamais donné de bilan officiel. Cette répression a par ailleurs fait fuir plus de 4 000 autres personnes qui se sont exilées dans les pays voisins.
 
source : RFI