Aux grands maux les grands remèdes, dit l’adage. Le braquage du producteur de soja dans le voisinage de l’UTB suscite diverses réactions. Outre le fait de déplorer le fait que les opérateurs ne recourent pas à la police pour sécuriser leurs opérations de retrait ou de dépôt de fortes sommes d’argent dans les banques, le ministre de la Sécurité et de la Protection civile pose des conditions. Désormais, toute opération impliquant des sommes importantes est soumise à la présentation d’un document du ministère de la sécurité. Un aveu d’échec du dispositif sécuritaire.
La saison des braquages à mains armées a été lancée ce mardi dans les rues de Lomé. Alors qu’il est allé récupérer une importante somme d’argent à la banque, un producteur de soja a été victime de braquage. Selon les témoignages recueillis sur place, l’opération a été menée par quatre individus juchés sur deux motos. Ils ont intercepté leur victime qui était également à moto et portait un sac contenant l’argent. La scène s’est déroulée non loin de l’agence UTB circulaire.
Ce nouveau braquage, loin d’être un fait isolé, renseigne davantage sur l’insécurité que vivent les populations togolaises. Les braquages sont monnaie courante au Togo et se déroulent en pleine journée et à des endroits censés sûrs. Selon le bilan sécuritaire présenté par le Général de Brigade Yark Damehame, de juillet à décembre 2021, il y a eu 24 faits de braquage dans le pays. On enregistre 2 morts et près de 109 millions de francs CFA emportés. Le drame de ce mardi 18 janvier 2022 doit donc constituer l’élément déclencheur d’une nouvelle approche de la politique sécuritaire au Togo. Plusieurs déclarations ont été faites dans ce sens. Pour le Directeur Général de la police nationale, Yaovi Okpaoul, il a été plusieurs fois expliqué aux opérateurs économiques la nécessité d’informer la police « lors d’importantes opérations de retrait afin de bénéficier gratuitement de la protection de policiers ». Ils ne le font pas, a-t-il regretté.
La réaction la plus attendue à la suite de ce braquage est celle du ministre de la Sécurité et de la Protection civile. Dans une intervention à la télévision nationale (TVT), Yark Damehame a rappelé aux opérateurs économiques la nécessité de recourir à la police pour leur assurer une couverture sécuritaire au moment de retrait de gros sous à la banque. « Si vous êtes opérateurs économiques, vous avez à faire un retrait important, la police, la gendarmerie et même l’armée sont à la disposition de tout Togolais qui a besoin de couverture sécuritaire. Je reçois des demandes de couverture sécuritaire pour les mariages et veillées… Pourquoi un opérateur économique reconnu qui va faire un retrait important de 20, 30, 40, 50 millions voire plus, ne peut pas demander aux commissariats ou à la brigade du coin, à la direction de la Police ou de la gendarmerie des éléments pour l’accompagner ? Nous sommes payés à la fin du mois pour cela », a-t-il déclaré.
Comme il est coutume au Togo, les autorités parlent pour décevoir. Et pour cause, comme solution aux braquages, le ministre de la Sécurité exige des opérateurs d’obtenir l’autorisation de retrait ou de dépôt. « On ne peut plus continuer comme ça. Si une banque ne voit pas un document signé du ministère de la Sécurité, l’opération de retrait ou de dépôt devra être ajournée. Si c’est le prix à payer pour éviter les braquages, nous devons nous y engager », a déclaré le chef de la sécurité au Togo.
Il faut d’abord dire qu’en parlant de couverture sécuritaire, le ministre fait une révélation de taille puisque dans la pratique, les Togolais ont plutôt l’impression que les forces de l’ordre ont été transformées en de petites mains rançonneuses. On les observe à tous les coins de rues, aux carrefours et devant les feux de signalisation. Mais le sport auquel elles se livrent le plus est de racketter les usagers de la route. Ce sont des experts en la matière.
Ensuite, certains ont trouvé bonne l’initiative d’autorisation du ministère de la sécurité. Seulement, ils oublient que les décisions, même si elles émanent des autorités, ne doivent pas être prises sous l’effet de l’émotion. Avant d’exiger des banques de viser une autorisation du ministère avant de faire des opérations impliquant de fortes sommes d’argent, il faut préalablement se référer à la législation. Existe-t-il un alinéa de la Constitution togolaise ou d’une loi relative à la sécurité ou aux opérations bancaires qui recommande cette autorisation ? Si oui, tant mieux. Si non, il faut trouver une autre approche pour lutter contre ces braquages au lieu de prendre des décisions qui restreignent la libre disposition de ses avoirs.
Et puis, le fait d’accuser les opérateurs économiques de ne pas prévenir la Police de leurs opérations est une fuite en avant. C’est un trop léger argument, même si cela démontre que le Togo est devenu plus dangereux et que les forces de sécurité ne jouent pas efficacement leurs rôles. La police et la gendarmerie nationales regorgent de dizaines de milliers d’hommes qui doivent être mis véritablement à la disposition de la population. Les forces de l’ordre peuvent aussi recourir aux caméras de surveillance installées un peu partout à Lomé et qui ne servent visiblement qu’à assurer la sécurité d’une minorité. Dans ce pays qui étouffe aujourd’hui sous le poids des braqueurs, des milliards de francs CFA ont été injectés dans l’espionnage des voix discordantes, opposants politiques et journalistes compris. La sécurité des populations passe au second plan.
Cette directive de Yark Damehame porte en elle-même les germes d’une autre forme d’insécurité pour les opérateurs économiques. Les détours dans les commissariats seront donc réguliers. Ceux qui font des opérations quotidiennement doivent y passer, comme s’ils y travaillaient.
G.A.
source : Liberté