« Le fils d’un dictateur, succédant à son père, doit faire la preuve qu’il a de meilleures intentions que son père. Et qu’il n’a pas reçu en héritage les germes de la dictature » (Jean-Baptiste Placca)
Au détour d’un voyage en Allemagne, Faure Gnassingbé s’est mis dans la peau d’un chef d’Etat vertueux et démocrate, prodiguant des conseils et des recettes pour l’ancrage et la consolidation de la démocratie sur le continent. Dans cet esprit, il estimait qu’il ne sied pas qu’un dirigeant fasse plus de trois mandats présidentiels. « Pour que la démocratie progresse en Afrique, il faut nécessairement limiter les mandats présidentiels à deux ou à trois », a-t-il déclaré.
A l’épreuve du pouvoir, Faure Gnassingbé, le grand défenseur de l’idéal démocratique, refuse de s’appliquer les leçons qu’il donne. Cela n’étonne pas. Faure Gnassingbé n’a jamais été démocrate dans l’âme et ses déclarations n’étaient destinées qu’à berner l’opinion. « La soif de pouvoir est celle qui s’éteint la dernière dans le cœur de l’homme », disait Machiavel. Après s’être longtemps laissé bercer par les flatteries, Faure Gnassingbé a été finalement investi hier mardi 07 janvier pour un quatrième mandat. « J’ai été informé du souhait des militants de me voir porter encore les couleurs de notre parti à l’élection présidentielle. En toute humilité, j’ai accepté », a-t-il déclaré.
Cela ne surprend guère quand on sait qu’il avait laissé entendre au début de son règne que son père lui avait conseillé de ne jamais laisser le pouvoir. Faure Gnassingbé cumule donc les mandats, quitte à mourir au pouvoir comme son prédécesseur.
A en croire le site de propagande du régime, le fils du père présenterait un bilan « élogieux », tout le contraire des autres candidats au scrutin. « Faure Gnassingbé veut incarner un Togo qui avance et qui se développe. Son bilan est un atout par rapport à des adversaires qui n’ont pas grand-chose à présenter ni à proposer », écrit republicoftogo.com. Assez farfelu comme ligne de défense, quand on sait que depuis 53 ans, c’est la seule famille Gnassingbé, le père et le fils qui tiennent le pouvoir d’une main de fer et ont transformé le Togo en une impitoyable « démocrature », marquée par la confiscation des libertés publiques, le pillage systématique des richesses nationales, la corruption, des scandales financiers, etc. Une véritable Corée du Nord de l’Afrique francophone. Quel bilan demande-t-on aux adversaires politiques qui n’ont jamais accédé au pouvoir de présenter aux Togolais?
La détermination de Faure Gnassingbé à s’éterniser au pouvoir, ternit l’image du Togo dans la région ouest-africaine. Comme son père, il est en train d’écrire une page sombre de l’histoire du Togo. Un pays qui ne cesse de se singulariser dans une sous-région en proie à des mutations démocratiques. La démocratie progresse partout en Afrique de l’Ouest. Sauf au Togo des Gnassingbé où les habitudes moyenâgeuses persistent dans l’indifférence des autres chefs d’Etat, de la communauté internationale, etc.
Pendant que dans le voisinage, l’alternance au pouvoir est une réalité vivante avec une culture démocratique ancrée dans les mœurs, la famille Gnassingbé, elle, a fait du Togo, une monarchie, un ilot de dictature dans un océan de démocratie.
Médard Ametepe
Source : Liberté N°3077 du Mercredi 08 Janvier 2020