« Pour une dernière fois, avant de m’en aller, j’aimerais connaître encore les mots que tu murmures quand t’as les yeux fermés », chantait Gerry Boulet sous d’autres cieux sur un sujet plus soft, loin du Togo caractérisé par une scène politique théâtralisée dont les actes et entractes relèvent depuis plus de vingt ans de la mésentente et de dialogues sans résultat. Mais imaginons que la chanson du compositeur québécois soit retravaillée et entonnée avec fougue par des Togolais à l’endroit des acteurs politiques qui dialoguent depuis ce 19 février. Cela pourrait donner ceci : « Pour une dernière fois, avant que nous ne prenions nos responsabilités, nous aimerions savoir si vous cherchez notre bien et le meilleur pour notre pays ».
Car en réalité, ce qui se joue pour ce 27e dialogue entre pouvoir et opposition, c’est le destin du peuple, l’avenir d’une génération qui devra hisser haut le pays durant la prochaine décennie. Mais il s’agit également d’une occasion d’inscrire enfin le pays dans le concert des nations démocratiques. Jusqu’à présent, le Togo a plutôt posé des pas « démocratiques » hésitants, marqués par des soubresauts politiques, doublés de la mauvaise foi de sa classe politique. C’est le sort de cette dernière, qu’il faudra aussi scellé avec ces discussions qui s’ouvrent sous l’égide du président ghanéen. Il y a surtout une évidence qui se dessine au Togo depuis six mois. Le pays est arrivé à un tournant. Le peuple éreinté par des années de mauvaise gouvernance sonne le glas d’un régime moribond à qui s’offre l’occasion de s’éclipser d’une manière loyale.
Il faudra donc faire un grand pas. Marier l’intérêt général des populations aux règles (non écrites parfois) de la politique qui veulent qu’on s’entende sur le minimum pour sauver l’essentiel, quelles que soient les différences. C’est en cela que la médiation extérieure joue un rôle fondamental. Pour preuve, elle a réussi à établir un règlement intérieur approuvé par les deux parties. Mais le plus dur commence et va durer dix jours, comme l’écrit un quotidien ce lundi. La crainte est de ne pas voir les discussions aller au bout. La déception sera de voir ceux qui ont toujours géré le pays surfer sur une « légitimité » et chercher à conserver les seuls intérêts de Faure Gnassingbé, Président.
L’échec pourrait alors être résumé ainsi : encore une dialogue de plus. Mais le peuple va alors dans ce cas prendre ses responsabilités et réaliser l’inespéré. Le peuple, celui qui sort marcher non pas pour une liasse de billets, mais au nom des revendications légitimes et d’une loi fondamentale qu’il s’était donné.
Il faut le dire, le Togo ne peut plus être objet de curiosité dans une sous-région où le vent de l’alternance souffle sans retenue. Elle est là, la soif ultime des Togolais. Vivre une alternance démocratique, participer à des élections transparentes et constater une rotation de personnes à la tête des institutions. C’est la clé du développement. Pour y arriver, les mêmes erreurs ne peuvent plus être commises. À commencer par ce dialogue où les bonnes questions doivent se poser.
Mais en fait, les revendications de l’opposition sont-elles légitimes ? Le Togo est-il bien gouverné ? Le pays est-il démocratique ? A-t-il des institutions fortes ? Le fait qu’une famille contrôle le pouvoir pendant cinquante ans pose-t-il un problème ? Au-delà du politique et du juridique, ne peut-on pas évoquer sur la « terre de nos aïeux » une éthique et une morale pour inviter l’actuel chef de l’État à céder les rênes du pouvoir après trois mandats ?
Des interrogations qui constituent le nœud du « problème togolais ». Quand on aime le Togo, on peut déjà y répondre ou en attendant l’issue du dialogue, fredonner avec confiance et patriotisme Rejaki Tangwena de Ouyi Tassane : « Un chef qui n’a plus pour trône qu’un rocher, et pour royaume qu’un coin dans le maquis, combien de temps restera-t-il cacher ? »
 
afrotribune

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