07 AVRIL 1991 – 07 AVRIL 2011
Notre histoire nous interpelle: nous devons relever le défi.

 
Ce fut par une journée ensoleillée et radieuse que l’ATLMC a été portée sur les fonds baptismaux à Sokodé le 07 avril 1991: il y a de cela 20 ans déjà. L’événement se tint dans l’enceinte du Centre Baptiste où nous avions, à l’unisson et dans une ferveur inédite, fait la proclamation de notre foi dans la noble et exaltante mission à mener pour l’avènement d’une justice sociale acceptable.

 
Il n’est pas question ici de procéder à un bilan de l’ATLMC qui se fera un jour. Cependant, il est prévu à Sokodé – où est situé son siège -, quelques activités telles qu’une émission radiophonique qui se tiendra le 07 avril 2011, une conférence suivie de débats et d’autres rencontres d’information afin de nous rappeler les principaux événements qui ont marqué les débuts de l’Association. Il s’agira aussi d’indiquer la vision de l’ATLMC sur la politique nationale, de poser des questions sur les différentes périodes que notre pays a connues et de voir dans quelle mesure nous pourrons en tirer quelque chose de constructif pour le reste de notre lutte.
 
Il faut dire en passant que peu avant les événements qui ont transformé politiquement la Tunisie en janvier 2011, des jeunes de Sokodé avaient eu les mêmes envies de manifester leur ras-le-bol notamment devant les bureaux de la Préfecture et de la Mairie: un parti politique les a contactés dans le but d’unir les forces. Le projet a finalement échoué. Quelle aurait été la réaction du régime si cette manifestation avait eu lieu?
 
Il y a 20 ans que la Charte des Partis a été adoptée. À quoi ont servi les partis et associations qui ont, avec empressement et détermination, occupé la page politique vierge que le RPT aux abois leur a offerte? Qu’ont-ils écrit sur cette page et quelles traces laissent-ils dans leur sillage?
Le bilan de cette période de 20 ans devrait être compris ou intégré dans celui de l’indépendance qui, à son tour, s’imbriquerait dans l’histoire tumultueuse que traverse notre pays depuis plus d’un siècle. Bref, il devrait s’agir du bilan des bilans ou du bilan-mère dont l’aperçu crée en nous le malaise d’être togolais, cet africain pacifique et hospitalier, qui traîne le boulet depuis longtemps.

 
Notre cher pays a, entre le 17ème et le 18ème siècle, connu les Portugais, les Danois et les Hollandais, Gustav Nachtigal et son pays l’Allemagne, la convoitise des Anglais, les suites de la Conférence de Berlin qui reconnaît l’autorité de l’Allemagne sur ce territoire rectangulaire, la capitulation des Allemands en 1918 et son placement sous mandat de la SDN avec deux tutelles -française et britannique-, l’occupation en 1940 de la France par l’Allemagne et cela entraîne chez nous la fermeture de la frontière entre les deux zones d’influence française et britannique pour une possible récupération de ce pays et des autres qu’elle a perdus en Afrique, sa reprise par les Nations Unies en 1946 et le Togo est de nouveau sous tutelle, la confirmation en 1948 des présences française et britannique sur le territoire litigieux, le référendum en 1956 pour valider le choix du rattachement à la France, le référendum de 1958 pour confirmer une évolution séparée du Togo francophone à côté du Dahomey avec lequel il forme une seule circonscription représentée par un seul et unique député AOF, le référendum du 27 avril 1958 et la victoire du CUT qui cherche la récupération du Togo Britannique alors que N’Kwame Nkrumah vise l’unification du Ghana et du Togo, l’indépendance le 27 Avril 1960, l’irruption des militaires et leur installation « définitive » dans la vie politique de notre pays… Dans cette longue liste d’événements, qu’on nous montre ceux qui ont été initiés par les Togolais!
 
Elle fait peur car elle est simplement horrible, l’image du Togo que le RPT livre au monde entier qui, médusé, observe les turpitudes de la dynastie qui tente de prendre racine dans la Terre de nos Aïeux. Le RPT et ses penseurs ont fait du Togo la matrice des pires exemples qu’un pays ait pu, dans ce monde de compétitivité, offrir aux autres sans pudeur aucune. Lorsque nous faisons un rétrospectif historique de notre pays, nous avons comme l’impression que, tel un État à la recherche d’une autonomie qui se dessine péniblement ou un État qui court derrière une utopique indépendance, le Togo n’arrive pas à se frayer une piste qui pourrait le conduire à bon port. Les goulots d’étranglement sont nombreux.
 
Dans sa respiration politique qui s’est brutalement accélérée au point d’en arriver à l’étouffement et à l’évanouissement, le Togo a connu, rien que pour le seul mois d’août 2010, des événements inimaginables et dont le superlatif ne suffirait pas pour en donner une description fidèle: le retournement de veste du leader de l’UFC, l’éclatement de son parti et ses conséquences, la chasse engagée contre M. Jean-Pierre Fabre, la tentative d’assassinat de Me Boko à Cotonou, etc.
 
Il n’est pas superflu de rappeler brièvement le très douloureux palmarès togolais qui noircit notre histoire:
– le premier coup d’État militaire en Afrique noire le 13 janvier 1963.
– le premier coup d’arrêt des institutions de démocratisation en s’attaquant à Primature le 03 décembre 1991.
– le premier à prendre en otage les membres du Parlement de la Transition les 22 et 23 Octobre 1992: le Zaïre nous a copiés par la suite.
– le premier à instaurer, dans une confusion de genres, la dynastie à la mort du Général Eyadema le 05 Février 2005.
– le premier pays à avoir déclenché et effectué une grève générale illimitée de 09 mois (1992-1993): c’était le signe éclatant de l’exceptionnel courage sur fond de patriotisme du peuple togolais qui cherchait à se débarrasser de son geôlier.
– le premier pays africain où tous les leaders de l’opposition ont fini, d’une manière ou d’une autre, par être absorbés, comme de l’encre, par l’épais buvard du RPT ou par disparaître dans la jungle politique togolaise où les pièges ne se comptent plus.

 
Le principe de causalité étant évident, rien de surprenant de se classer ainsi premier pollueur des libertés et des progrès et d’occuper le dernier rang des innovateurs et des promoteurs de l’humanité!
 
D. Landes a écrit: «Pourtant, quand la foudre frappe quatre fois à la même place, il y a lieu de se demander ce qui, dans la topographie locale, l’attire avec une telle constance». Oui, les Togolais se posent la même question au sujet de cette avalanche de catastrophes qui troublent profondément leur existence et cherchent un moyen qui leur permettra de résoudre ce problème quasi congénital.
 
Somme toute, nous venons de passer plus d’un siècle à tourner en rond. Si « comparaison n’est pas raison », il convient de remarquer que les révolutions mercantile, industrielle, informatique qui en 5 siècles ont propulsé l’Europe au devant de la scène mondiale n’inspirent pas ceux qui nous dirigent. Au départ de ce prodigieux bond vers le sommet, l’on retrouve «la désagrégation de la société féodale» qui avait permis heureusement de dégager le lourd couvercle qui plombait la liberté des sujets. Il est reconnu que la liberté est le premier ingrédient qui donne à l’homme la possibilité de rêver, de créer, d’innover et de parfaire. Au lieu de cela, le RPT nous distribue des dragées pour nous rendre dociles et silencieux, compromettant ainsi dangereusement notre liberté et le développement dont nous rêvons pour notre pays. Le résultat est catastrophique: nous sommes devenus de ce fait des consommateurs enclins à l’assistanat car nous n’arrivons pas à nous prendre convenablement en charge.
Les Togolais ont-ils donné tout ce qu’ils pouvaient et devaient donner? Les Togolais ont-ils eu les chefs qu’ils devaient avoir ou qu’ils ont mérités? Il y a tant de questions qui pourraient en appeler d’autres mais le tout exige des réponses claires. À défaut d’un bilan qui pourrait nous aider à rectifier nos tirs qui ne portent pas, ceux qui s’en préoccupent le feront mais pour quel usage si les acteurs principaux dédaignent d’entreprendre une telle activité intellectuelle? De toute façon, cela pourrait servir à ceux qui en auront besoin.

 
Nous avions cru qu’avec l’émergence de la Société civile togolaise, nous allions avoir une amélioration de nos conditions de vie qui sont draconiennes; ce ne sont pas les bonnes volontés ou la compétence qui manquent mais le cadre politique est hostile aux initiatives que cette organisation pourrait prendre.
 
La Société civile et les partis d’opposition, pour le cas d’espèce qui est le nôtre, sont les deux mamelles qui devraient lutter pour le mieux-être de notre peuple. Malheureusement, les deux partenaires sont inscrits au tableau de chasse du régime car ce dernier estime qu’ils sont des perturbateurs des soirées organisées pour s’empiffrer des victuailles arrachées au peuple ou pour fêter les fortunes indûment récoltées: comment peut-on prétendre développer un pays avec une telle mentalité?
 
Le cœur humain a déserté l’arène politique où des preneurs d’otage imposent leur volonté et tiennent des discours d’une légèreté coupable et aggravées par des tentatives de démobilisation et de déstabilisation des structures de l’opposition. L’une des questions clés à poser à M. Faure Gnassingbé est celle-ci: pourquoi demander au peuple togolais de pardonner à son père tant qu’il n’était pas sûr de sa reconversion en adepte de la démocratie? En réactivant les méthodes de tricherie électorale utilisées par son père, en achetant les consciences, en déformant «magistralement» les résultats issus des urnes, il démontre au monde entier que rien n’a changé en réalité au Togo et que le mensonge ne saurait servir de carburant pour conduire un mandat politique car cela est répugnant.
 
« Le nouveau-né pleure: il a raison car il est plus difficile de vivre que de mourir » surtout s’il voit le jour sous le soleil de la dictature imposée par ses devanciers de grands-frères qui lui laissent l’insolvabilité en héritage. La vie et la mort sont deux extrémités intimement liées l’une à l’autre, se donnant mutuellement un sens et espacées par le temps d’une vie. Au crépuscule de leur vie, que diront vraiment ces grands-frères qui, appuyés sur des cannes ou encore solides comme des chênes, jetteront un regard sur leur vie? Mais ce qui urge, c’est la situation de blocage et de désolation qui s’éternise. Comment nous en sortir?
 
Dans la dernière déclaration publiée par l’ATLMC et intitulée «Soyons les artisans de notre devenir», nous avions écrit:
 
«Le rétrécissement des perspectives vitales jusqu’á la fermeture de l’horizon par une désespérance de plus en plus dense et compacte, nous indique l’absolue nécessité de donner notre vie à cette cause de telle sorte que les générations suivantes vivent mieux que nous. Le jour où le vase débordera de nouveau, eh bien, les angoisses, les inhibitions, la peur du militaire et même de la mort s’évaporeront comme par enchantement. Et tels des lions, les jeunes arpenteront courageusement «la voie des défis» qui les conduira à «celle de la démocratie» dont ils se réclament depuis tant d’années. Et les soldats, quoique armés jusqu’aux dents, fuiront devant cette irrésistible vague humaine qui déferlera partout, apportant le souffle d’une ère nouvelle dans tous les hameaux de notre pays meurtri par tant d’injustices sociales et de brimades.»

 
Au regard du désastre qui est vaste derrière nous et qui affecte le temps présent, nous devons trouver la parade afin que notre avenir ne ressemble pas à notre passé.
 

Fait à Bremen le 07 avril 2011
Pour le Bureau National
Le Président
Sese-Rekuah Ayéva
Ancien Membre du Haut Conseil de la République (HCR), Parlement de Transition