Margaret-Sekaggya


Mme Margaret Sekaggya, rapporteure spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme, a séjourné au Togo du 7 au 11 octobre dernier. A la fin de sa mission, elle a dressé un rapport provisoire qui peint assez bienla situation qui prévaut dans le pays actuellement, mieux, les violations des droits de l’Homme.
 
Les questions relatives aux droits de l’Homme font débat au Togo. Et la rapporteure spéciale des Nations Unies, Mme Margaret Sekaggya, a jugé bon de visiter le pays. Objectif de cette deuxième visite en l’espace de cinq ans, évaluer la situation des défenseurs des droits de l’Homme et faire le suivi de la mise en œuvre de ses observations et recommandations antérieures de 2008 sur le cadre légal du pays, les institutions ainsi que sur d’autres facteurs susceptibles d’influer leur situation et travail.
 
« Il s’est passé beaucoup de choses depuis ma dernière visite au Togo en 2008. Les défenseurs des droits de l’Homme ont joué un rôle essentiel dans le processus de réconciliation et de consolidation de la démocratie dans le pays», a déclaré Madame Sekaggya. «Mon objectif est de faire, en toute objectivité et impartialité, le suivi de la situation actuelle et d’évaluer les progrès réalisés et les défis rencontrés au cours des cinq dernières années », a-t-elle ajouté.
 
Au cours de son séjour au Togo, la rapporteure spéciale a rencontré les autorités politiques et administratives, les professionnels des médias, les défenseurs des droits de l’Homme, les organisations de la société civile, les agences du Système des Nations Unies, le corps diplomatique, les responsables de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac)… Elle a rendu son rapport préliminaire au cours d’une conférence de presse organisée à Lomé le 11 octobre dernier.
 
Après avoir salué certaines avancées que connaît le Togo ici et là en matière des droits de l’Homme, elle a dénoncé des pratiques et volontés politiques du pouvoir en place visant à restreindre les libertés. Elles vont de la non ratification du Traité de Rome instituant la Cour pénale internationale (Cpi) à la promotion de l’impunité en passant par la bipolarisation de la Haac, le traitement subi par l’ancien président de la Commission nationale des droits de l’Homme (Cndh), entre autres. En matière de libertés d’opinion et d’expression, la rapporteure se dit inquiète de la restriction de certaines libertés fondamentales, surtout des cas d’intimidation et d’harcèlement non seulement des défenseurs des droits de l’Homme, mais aussi des journalistes, tout en les invitant à plus de professionnalisme : « Je dois admettre que je suis très inquiète de constater que la situation semble s’être aggravée et que l’environnement dans lequel les medias opèrent semble être encore plus polarisé que lors de ma première visite en 2008 ». Elle est également préoccupée « du fait que la diffamation soit érigée en infraction dans le Code Pénal (art. 58) et qu’elle soit passible de lourdes peines ». « La pénalisation de la diffamation, dit-elle, a un effet dissuasif et conduit à l’auto-censure de certains défenseurs des droits de l’Homme, surtout les journalistes. Elle conduit également à une réduction considérable de l’espace pour exercer le droit fondamental à la liberté d’expression, qui est un droit clé pour l’exercice d’autres droits. La diffamation devrait être traitée au civil avec des sanctions proportionnelles aux préjudices causés », dit-elle.
 
Abordant les questions liées au front social actuellement en ébullition dans notre pays, Mme Margaret Sekaggya a parlé sans langue de bois. Elle s’est indignée du drame de Dapaong en avril 2013 dans lequel deux élèves, Anselme Sinandare et Douti Sinanlengue ont été tués suite à l’usage excessif de la force par les corps habillés. Elle en a d’ailleurs fait cas dans son rapport. Au chapitre de la liberté d’association et des droits des travailleurs, elle estime que le cadre juridique actuel du Togo «devra être révisé dans le but d’aller vers un régime de déclaration dans lequel les organisations ne seront pas tenues de se faire enregistrer auprès des autorités en vue d’exercer leurs activités. La procédure de déclaration devra être clairement définie dans la loi et ne devra être ni lourde ni coûteuse ». En effet elle n’a pas passé sous silence le sort souvent réservé aux travailleurs pour avoir observé la grève qui est un droit et fustige l’attitude du gouvernement. « …Les syndicalistes qui s’engagent dans la négociation collective et ceux qui exercent le droit à la grève comme un moyen légitime pour réclamer leurs droits économiques et sociaux, sont confrontés à certains défis. Ils sont toujours licenciés, rétrogradés ou harcelés sur les lieux de travail et certains syndicats ont également fait l’objet de menaces dans le cadre de leurs activités. Le droit de réclamer le respect et l’exercice des droits des travailleurs devra être protégé. Les syndicats et leurs membres devront pouvoir travailler dans des conditions favorables, surtout dans les zones franches industrielles, où ils peuvent mener leurs activités sans craindre d’être l’objet d’intimidation ou de harcèlement d’aucune sorte ». Dans la foulée, elle encourage les femmes défenseurs des droits de l’Homme et les défenseurs qui luttent contre la discrimination fondée sur l’orientation et l’identité sexuelles à persévérer.
 
In fine, elle lance « un appel aux défenseurs et à d’autres acteurs à travailler de manière impartiale, indépendante et objective. Les organisations de la société civile qui interviennent sur des questions de droits de l’Homme doivent examiner les actions de l’Etat, ses obligations afin de documenter et rapporter de manière objective les violations. J’ai été rassurée par le fait que les défenseurs en sont conscients et certains groupes œuvrent déjà à rétablir la crédibilité de leur rôle. Les défenseurs doivent être soutenus dans ce processus, y compris sur le plan financier ».
 
Elle a formulé une batterie de recommandations. Au gouvernement, elle demande que le Traité de Rome soit ratifié, qu’il reconnaisse publiquement le rôle des défenseurs des droits de l’Homme, garantisse la neutralité de la Haac et mette en application les recommandations de la Cvjr.
 
Mme Margaret Sekaggya exige par ailleurs que ceux qui ont menacé de mort Koffi Kounté soient traduits devant les tribunaux, tout comme les auteurs des agressions parfois meurtrières lors des manifestations pacifiques publiques.
 
Sur le sujet de la fermeture des radios privées, et plus précisément celle de Légende FM, la rapporteure des Nations Unies a dit ne pas avoir tous les éléments nécessaires pour se prononcer. Mais elle a rassuré disposer d’une documentation lui permettant de travailler sur ce dossier et que ses conclusions figureront dans le rapport définitif qu’elle rendra public en mars 2014 lors de l’Examen périodique universel de Genève. Par conséquent, elle demande à tous ceux qui ont des informations sur les violations des droits de l’Homme de les lui faire parvenir via le Bureau du HCDH de Lomé afin qu’elles soient prises en compte dans le rapport final.
 
Rendez-vous en mars 2014 pour la présentation du rapport final à la 25ème session du Conseil des Droits de l’Homme à Genève.
 
Fabrice KA
 
L’Alternative Togo
 

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