Le Togo reste membre du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies jusqu’en 2022. C’est ce qu’a donné l’élection des membres du Conseil organisée le vendredi 12 octobre 2018. Une élection en déphasage avec la réalité sur les droits de l’Homme au Togo. Depuis août 2017, le pays a connu une série de violations qui ont entrainé une vingtaine de morts. Des cas de tortures, des détentions arbitraires et des disparitions ont été révélés par différents rapports d’organisations de défense des droits de l’Homme.
Pour la deuxième fois consécutive, le Togo va occuper un siège au Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies. L’élection a eu lieu le vendredi 12 octobre 2018 dans le cadre des travaux de la 73ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies. « L’Assemblée générale a élu, ce matin (vendredi 12 octobre 2018, Ndlr), à bulletin secret, 18 membres du Conseil des droits de l’homme, qui siégeront aux côtés de leurs 29 pairs, pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 2019… Entrent aujourd’hui au Conseil des droits de l’homme pour un mandat de trois ans commençant le 1er janvier 2019, le Burkina Faso avec 183 voix ; le Cameroun, 176 ; l’Érythrée, 160 ; la Somalie, 170 ; et le Togo, pour un deuxième mandat, avec 181 voix », lit-on dans un communiqué rendu public par les Nations Unies.
On y lit également que « les candidats, qui doivent obtenir la majorité absolue des voix, soit 97, sont élus sur ‘’la base de leur contribution à la promotion et à la protection des droits de l’homme’’ ». Une prouesse donc pour le Togo qui a obtenu 180 voix. Soit dit en passant, en 2015, le pays avait obtenu la confiance de 189 autres Etats. Malheureusement, ce rayonnement du Togo aux Nations Unies est en total déphasage avec la situation des droits de l’Homme dans le pays.
Déphasage parce que depuis son élection au Conseil des droits de l’Homme en 2015, le Togo n’a pas réalisé de progrès en matière des droits de l’Homme. Au contraire, la situation a empiré. Cette réélection est d’autant plus surprenante que depuis 2017, au mois d’août pour être plus précis, le Togo est entré dans une zone de fortes turbulences. La situation des droits de l’Homme dans le pays est devenue plus difficile avec les manifestations populaires et les innombrables violations qui les ont émaillées.
2017 a connu l’une des pires périodes d’atrocités de l’histoire récente du Togo. Plusieurs rapports d’organisations de défense des droits de l’Homme l’attestent. Premier à publier un rapport sur les violations qui ont marqué les manifestations populaires, le Regroupement des jeunes africains pour la démocratie et le développement (REJADD) a fait état d’une centaine de morts. C’était en février 2018. Depuis lors, le président de cette organisation de défense des droits de l’Homme a été arrêté et détenu.
Le 30 juillet 2018, la Ligue Togolaise des droits de l’Homme (LTDH) a rendu public son rapport intitulé « Togo : la répression et la torture contre le changement démocratique ». Le rapport qui portait sur la période du 19 août 2017 au 20 juillet 2018 a révélé que les violences ont fait 22 décès, 941 blessés dont 202 par balles et 472 arrestations à travers tout le pays. Sans oublier les nombreuses personnes détenues pour leur lien présumé avec les activités politiques. Ce rapport et celui du REJADD ont été contestés par le gouvernement. Par la voix de la Secrétaire d’Etat en charge des droits de l’Homme, le pouvoir en place a menacé de poursuivre les responsables de la LTDH.
Il n’y a pas eu que ces deux rapports. A la mi-septembre 2018, le Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo (CACIT) a publié son rapport couvrant la période du 19 août 2017 au 19 août 2018. Il a souligné que la répression des manifestations populaires a occasionné 19 morts dont 6 par balles, 5 des suites de torture ou de mauvais traitements et 2 par noyade. Le CACIT a également signalé la disparition de 2 personnes depuis le 18 octobre 2017, date à laquelle le jeune Joseph Kokou Zoumekey a été tué par balles. 18 cas qui s’apparentent à des actes de torture ont été enregistrés. A ce bilan macabre s’ajoutent les entraves au travail de journalistes, les mauvaises conditions de détention après les arrestations, les procédures sommaires lors des jugements sans avocats ainsi que les déplacés et les réfugiés.
La situation des droits de l’Homme au Togo, c’est aussi la détention des membres du mouvement Nubueke et l’Etat de siège des différentes villes du nord du pays avec une forte présence militaire. Des vidéos réalisées par les journalistes en marge des manifestations populaires montraient les forces de l’ordre en train de poursuivre les populations jusque dans leurs derniers retranchements. Ils défonçaient les portes des maisons pour bastonner les occupants.
Le seul progrès enregistré par le Togo depuis son entrée au Conseil des droits de l’Homme est d’avoir adopté, sous les pressions internes et externes, un texte rendant imprescriptible la torture. C’est même après l’adoption de ce texte que les cas de tortures dénoncés par les rapports ont été commis. Manifestement, rien ne semblait militer en faveur d’une reconduction du Togo au sein du Conseil des droits de l’Homme.
G.A.
Source : Liberté No.2776 du 15 octobre 2018