La majorité des Togolais ne dispose pas de pièces d’identité. Cet amer constat ne date pas d’aujourd’hui. Il a été corroboré de manière éloquente par plusieurs rapports d’organismes internationaux crédibles. Seulement, les Togolais ne semblent pas prendre la mesure de l’immensité des opportunités dont ils sont privés. Les gouvernants pour leur part, continuent allégrement de violer ce droit naturel des citoyens. A l’heure des nouveaux enjeux, avec la lutte contre le terrorisme qui s’annonce dans nos murs, le débat sur l’établissement des pièces d’identités à tous les Togolais s’impose. Aussi, plusieurs raisons militent pour que les Togolais, dans une perspective citoyenne, s’approprient et formulent de telles revendications vis-à-vis du pouvoir central. L’urgence interpelle.

Il est de notoriété publique que la grande majorité des Togolais ne disposent d’aucune pièce d’identité, ne serait-ce que l’acte de naissance. Cette situation fait d’eux des citoyens « entièrement » à part pour ne pas dire des apatrides. Le récent rapport de l’OIF qui avait travaillé sur le fichier électoral en 2015 est révélateur. « Le nombre élevé de personnes inscrites par témoignage sur le fichier électoral (2643397, soit plus de 75%), induit une incapacité de vérification formelle de l’identité des personnes, ainsi que de leur âge et de leur nationalité. Ceci peut constituer une source d’enregistrement indu pouvant affecter l’exactitude des données collectées. Dans 873 cas, le justificatif d’inscription n’a pas été renseigné, il est recommandé que ce champ soit rendu obligatoire dans le logiciel », peut-on lire dans la synthèse du rapport. Ceci étant, nous avons vu des acteurs politiques porter cette revendication pour l’établissement des pièces d’identités aux populations. Seulement, la dimension électorale derrière cette revendication a, à tort ou à raison braqué, les positions. Cependant, il est clair que l’absence de ces pièces prive les populations d’énormes avantages qu’elles devront avoir, d’où la nécessité de la relance de ce débat.

Si d’aventure les Togolais se mobilisent en masse pour revendiquer de l’Etat l’établissement des pièces d’identité, des actes de naissance, dans une dynamique coordonnée et non-partisane (les Togolais qui soutiennent aussi bien le pouvoir que l’opposition sont dans le cas), il est évident que cette lutte prenne. Ainsi, les organisations internationales ne peuvent-elles que se ranger derrière et appuyer au besoin et ne pourront plus en aucun cas dire que les politiques exagèrent. Les enjeux sont énormes. « Il faut s’organiser pour demander l’établissement des pièces pour tous les compatriotes. C’est d’ailleurs un droit naturel. L’Etat qui refuse de délivrer les pièces à ses citoyens, c’est qu’il ne reconnaît même pas leur statut de nationaux. Cela fait d’eux des apatrides. Alors est-il concevable que plus de 85% de nos concitoyens demeurent des sans-papiers dans leur propre pays ? Ils ne peuvent même pas postuler aux services sociaux de base. Leur droit à la libre circulation est mis à mal. Même pour aller au Bénin à côté, ils devront faire des acrobaties. C’est regrettable. C’est n’est pas une question politique », estime un compatriote.

Selon les estimations, près de 85% de Togolais n’ont pas de carte nationale d’identité. Cela suppose qu’ils ne contribuent pas valablement à la production de la richesse nationale. Beaucoup sont obligés d’arrêter leur cursus scolaire en chemin. CM2 pour certains, après le BAC pour plusieurs. « Dans un village, un père de famille, chef de la localité en plus, était obligé de faire le choix entre ses trois fils afin d’établir les pièces pour l’aider à poursuivre sa scolarité». Cette anecdote démontre à suffisance les pertes qu’on subit tous les jours par défaut de détention de pièce d’identité. Au-delà de ces considérations, plusieurs compatriotes dans ce cas ne peuvent guère valoriser par exemple un foncier ou effectuer des opérations bancaires. Ils participent de ce fait à la production de la « pauvreté nationale ».

Pour le combattre le terrorisme, le rôle de la population est essentiel. Elle est sans doute un relais naturel. Il n’y a que la population qui puisse identifier les étrangers qui ont des comportements suspects. C’est d’ailleurs le sens élevé du patriotisme. Or, les gens ne sont pas Togolais à part entière et se sentent déjà frustrés.  Il sera donc difficile de leur imposer quoi que ce soit et du coup, le pays affaiblit ses capacités de lutte contre ce fléau. C’est ce que pense d’ailleurs l’acteur politique Nathaniel Olympio. « On ne peut pas mener une lutte efficace contre le terrorisme si on ne donne pas de cartes d’identité aux concitoyens », avait-il déclaré sur Africa 24.

Pallier cette situation n’est pas chose impossible ni compliquée. Les pays voisins l’ont déjà expérimenté et le résultat est probant. Il va falloir juste que l’Etat prenne ses responsabilités pour organiser des audiences foraines pour établir aux Togolais « sans pièces », des jugements supplétifs d’acte de naissance, des cartes nationales d’identité et bien évidemment la nationalité.

Il serait bénéfique pour tous les citoyens d’avoir les pièces d’identité, ce qui fera d’eux des Togolais à part entière. Le gouvernement est interpellé, mais aussi les groupes organisés (OSC et partis politique) qui devront en faire leur cheval de bataille.

Shalom A.

source : Liberté

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