L’affaire avait fait grand bruit il y a quelques semaines et était le sujet principal des débats sur les radios. Au mois de janvier, plus d’une demi-douzaine de cadres de la NSCT (Nouvelle Société Cotonnière du Togo) avaient été appréhendés par le SRI pour une prétendue affaire de détournement de plusieurs centaines de millions. Sept (7) personnes étaient détenues durant plus de 10 jours au SRI (Service de recherche et d’investigation) de la Gendarmerie nationale avant d’être déférées à la prison civile de Lomé. L’ancien Directeur général Djagni Kokou, le Directeur Administratif et financier Aharh Apeta et sa femme, également cadre de la société, un ex conseiller spécial du Directeur Général au nom de Tchida, le Directeur commercial et deux autres sont, entre autres les prévenus.

L’affaire serait partie d’une enquête de l’IGF (Inspection générale des finances), suivie d’une implication personnelle du ministre de l’Agriculture d’alors, Ouro-Koura Agadazi. Le dossier présenté comme une première étape dans la lutte contre la corruption, plusieurs observateurs y voyaient des règlements de comptes entre des réseaux qui naviguent autour des juteux marchés de la NSCT. Les accointances du ministre de l’Agriculture d’alors avec une dame proche de la Présidence de la République qui a fait de la NSCT sont jardin en rajoutaient à la thèse du règlement des comptes.

Quoi qu’il en soit, le dossier a été géré avec un zèle sans précédent et les prévenus jetés à la prison civile de Lomé. Ces derniers ont été écoutés plusieurs fois par un juge d’instruction qui leur a notifié les chefs d’accusation à savoir : détournement de fonds publics, enrichissement illicite, faux et usage de faux, blanchiment d’argent en bande organisée. Le juge a ensuite écouté les plaignants, à savoir le ministère de l’Agriculture et l’IGF.

Devant le juge, le ministère de l’Agriculture, aussi curieux que cela puisse paraitre, estime ne pas être plaignant dans cette affaire et que c’est l’IGF qui a fait une enquête et le ministère attend de voir si les faits sont avérés (sic). Le juge a ensuite organisé une confrontation entre les prévenus et l’IGF. A la première séance le 1er avril, l’IGF a refusé la confrontation au motif que les prévenus étaient là avec leurs avocats et qu’elle en a besoin aussi. La séance fut reportée sur le 3 avril et, à la surprise générale, l’IGF accepte la confrontation sans son avocat. Après le 3 avril, une seconde confrontation s’est déroulée le 10 avril, toujours avec l’Inspecteur général des finances avant que le juge ne boucle l’enquête judiciaire.

A la fin de la confrontation, il a été clairement établi qu’un seul franc n’a été détourné par l’ancien DG Djagni Kokou et ses coaccusés. En fait, l’IGF les accuse de n’avoir pas respecté une certaine procédure et donc les accusés doivent payer à l’Etat des biens acquis, quand bien même ces biens ait été livrés et aient servi à la NSCT. A ce stade, soit le juge prononce un non-lieu, soit les avocats des prévenus introduisent une demande de liberté. L’affaire en était là quand le jeudi 18 avril, quatre (4) des accusés sont mis en liberté, suivis quelques jours de deux autres. A l’heure actuelle, il ne reste que le DAF Aharh Tena à la prison civile de Lomé.

Lutte contre la corruption ou règlements de comptes ?

L’arrestation de ces cadres, le traitement réservé au dossier, le temps passé au SRI au-delà du délai de la garde à vue, tout avait l’air d’un dossier signalé comme il est de coutume au Togo. Certains observateurs étaient convaincus que cette histoire était d’un règlement de compte à la togolaise. Il est de notoriété publique que la NSCT brasse des milliards et les contrats d’intrants (engrais) et d’autres achats pour le compte de cette société suscitent souvent des appétits de certains réseaux autour du pouvoir. Parmi ces réseaux, il en existe un puissant dirigé par une de ces dames qui ont mis la République à terre et avait sous son contrôle le ministre de l’Agriculture d’alors Ouro-Koura Agadazi. La longévité de ce dernier à son poste jusqu’au dernier remaniement malgré les scandales était en grande partie due à cette dame. Les contrats à la NSCT étaient totalement octroyés à ce réseau sans autre forme de procédure. Parfois les contrats étaient mal exécutés et personne ne pouvait prendre des sanctions contre ces prestataires indélicats. Le nouveau DAF, actuellement maintenu dans les geôles de la prison civile de Lomé, a-t-il tenté de s’opposer aux pratiques de ce réseau, d’où ses ennuis ?

Tout porte à le croire. Selon les informations obtenues auprès de certains prévenus relâchés, le dossier est entièrement vide et ils ne comprennent pas les motifs qui sous-tendent le maintien du DAF en prison. La libération de l’ensemble des accusés, sinon presque, alors que ces derniers ont été présentés comme de vulgaires bandits et voleurs de la République, relance la question sur les motifs qui justifient l’arrestation de certains citoyens qui voient leur honneur et dignité trainés dans la boue si entre-temps certains ne sortent de la prison avec des séquelles. Sur la base de quels éléments d’accusations ces citoyens ont-ils été arrêtés, interrogés durant des jours à la Gendarmerie dans des conditions de garde à vue inconfortables et jetés en prison pour être enfin libérés par le juge pour insuffisance de preuves ? Maintenant qu’ils sont libérés après avoir été trainés dans la boue, va-t-on les dédommager pour le préjudice subi ?

C’est une pratique au Togo que certains réseaux se servent de la justice pour regler des comptes à des citoyens qui refusent parfois ou souvent d’avaliser leurs pratiques mafieuses dans des sociétés d’Etat. Le cas des prévenus de la NSCT en est une preuve. Ce n’est pas une lutte contre une quelconque corruption dont les auteurs sont connus et obtiennent souvent des promotions, mais c’est juste un règlement de comptes lié à l’octroi des marchés d’engrais dans cette boite. Le fait que le DAF soit maintenu en prison démontre à plus d’un titre que c’est lui qui était visé et les autres prévenus n’étaient que des dégâts collatéraux. Ainsi va le Togo sous le règne de Faure Gnassingbé.
 
source : L’Alternative-Togo
 

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