Ce qui se passe derrière les rideaux en politique est plus important que ce qui se fait devant les micros et caméras de la presse. En matière politique, les plus grandes décisions se prennent le plus souvent, en arrière-cour loin des yeux et des oreilles indiscrètes.
Le dénouement jeudi 8 novembre 2018 du long bras de fer entre l’Union des forces de changement (UFC, opposition) et la Coalition des 14 partis politiques de l’opposition, sur leur représentation à la Commission électorale nationale indépendante (CENI) en est une énième illustration et vient mettre fin à un feuilleton politique qui aura tenu en haleine tous les Togolais et duré plusieurs semaines.
L’UFC, le choix du sacrifice pour le bonheur des Togolais
Selon plusieurs observateurs et acteurs politiques – et certains proches de la coalition à l’instar de Me Isabelle Améganvi – l’UFC conformément à la loi, a le droit de siéger au sein de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) en vertu des articles contenus dans le Code électoral et la loi portant statut de l’opposition. Mais on lui reproche d’être en alliance avec le pouvoir en place et de n’avoir pas manifesté avec la coalition depuis le 19 août 2017 jusqu’à aujourd’hui. Des postures, qui selon la coalition, sont rédhibitoires à sa participation à l’organisation des prochaines élections.
Une position que rejette l’UFC qui crie au déni de droit et s’oppose à la demande de son retrait de la CENI. Mais après plusieurs jours de discussions et de négociations de coulisse avec l’intervention des chefs d’État de la sous-région, l’UFC a fini par consentir à faire ce sacrifice suprême. Celui d’abandonner un droit inaliénable et déjà acquis au profit de l’intérêt général et de l’apaisement. Une décision qui n’est pas intervenue sans effort et amertume.
Rappel du film des événements ayant conduit au vote du 8 novembre 2018
On était au soir du 29 octobre 2018 quand une délégation de la coalition fit son entrée à la salle d’embarquement de l’aéroport international Gnassingbé Eyadema de Lomé Tokoin. Un avion spécial affrété par Prof Alpha Condé, Président de la République de Guinée et facilitateur en second dans la crise togolaise, devrait les attendre sur le tarmac afin de les conduire, eux et quelques membres du comité de suivi de la feuille de route de la CEDEAO, vers Conakry.
Mais l’aéronef n’arrivera jamais à Lomé au grand désarroi de ses futurs passagers. Derrière cette annulation de dernière minute, d’aucuns voyaient la main invisible et très diplomatique du pouvoir de Lomé tandis que d’autres donnaient plus de valeur à la version fournie par les autorités guinéennes qui ont évoqué une panne de dernière de l’avion.
Qu’à cela ne tienne, une autre occasion se présentera, se disent intérieurement les plus optimistes parmi la délégation de la C14. Et cette occasion ne tardera pas à arriver. Une nouvelle invitation parvint quelques jours plus tard à la coalition et cette fois-ci, l’aéronef fut fidèle au rendez-vous.
A Conakry, qu’est-ce qui s’est réellement passé ? Difficile de répondre avec exactitude à cette interrogation. Mais tout ce que l’on sait avec exactitude c’est que les discussions furent difficiles pour le Président guinéen et ses invités. Aucune entente ne fut facilement trouvée pour faire évoluer les choses. Une seule décision fut prise mais avec beaucoup de peine.
C’est celle de demander à la CEDEAO de plaider auprès de l’UFC et négocier son départ de la CENI telle que l’avait suggéré l’un des cadres de ce parti. « Si la CEDEAO nous demandait de quitter la CENI, nous allons quitter ». Une brèche ouverte par l’UFC elle-même que n’a pas manqué d’exploiter la coalition qui a rappelé au facilitateur, cet engagement pris publiquement par des cadres de cette formation politique, et exigé à ce que l’organisation emprunte cette voie ouverte, pour faire partir l’UFC de la CENI.
La doléance a fait son effet et après le départ des délégations togolaises de Conakry, le facilitateur guinéen ne s’est donné aucun répit pour informer ses collègues de la CEDEAO et demander leur appui auprès de Gilchrist Olympio, afin que celui-ci puisse accepter le retrait de son représentant de la CENI et permettre de faire évoluer la situation. « Si c’est le prix à payer, il faut le faire au nom de l’intérêt de ton pays, mais également au nom de notre amitié. Nous avons l’obligation de résultat alors comprends-nous et aide-nous », lui diront dans la foulée, Nana Akufo Addo et Alpha Condé dans un échange téléphonique.
On était au soir du 6 novembre 2018. Le téléphone du président de l’UFC n’a cessé de crépiter ce jour-là jusque tard dans la nuit. Et ses interlocuteurs sont Alassane Ouattara, le président nigérian Muhammadu Buhari et plusieurs diplomates en poste au Togo. Tous avaient une seule doléance à la bouche. C’est que l’UFC accepte une fois encore de faire ce sacrifice et de laisser son siège à la CENI à la coalition. Une demande à plusieurs fois rejetée par le président de l’UFC.
Mais une surprise attendait encore cette nuit, le fils de Sylvanus Olympio. C’est l’appel qu’il reçut du Président Faure Gnassingbé qui lui annonce une visite à son domicile du quartier Novissi. Aussitôt dit, aussitôt fait.
Le périmètre fut bouclé et le Président Faure Gnassingbé débarqua chez Gilchrist Olympio dans cette nuit. L’entretien ne dura que quelques minutes, mais ce fut suffisant pour décider de ce qui allait suivre 48 heures plus tard avec la démission de Jean-Claude Homawoo et l’entrée à la CENI de Francis Pedro Amuzun. Une entrée rendue possible avec le soutien et la bénédiction des députés de la majorité présidentielle. Ceux-là mêmes qui avaient quelques jours plus tôt, rejeté la candidature de l’ancien Directeur de Publication du journal Crocodile au même poste.
Comme quoi, en politique tout est possible et aucun sacrifice n’est trop grand quand il s’agit de sauver son pays. Tout l’honneur revient à Gilchrist Olympio et à l’UFC.
A.Y.
afreepress
 

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