Nathaniel Olympio
Nathaniel Olympio

Les coups d’État sont aujourd’hui considérés comme étant des moyens anticonstitutionnels d’accession au pouvoir. Mais Y aurait-il des coups d’Etat salutaires ? Le président du Parti des Togolais,Nathaniel Olympio revient sur la question. Pour lui, « tout coup d’État serait justifié à la seule et unique condition qu’il s’effectue au nom du peuple, pour le peuple et par le peuple. »

« Coup d’État salutaire » – Oxymore inconfortable et déplorable de moindre mal !

Tout coup d’État serait justifié à la seule et unique condition qu’il s’effectue au nom du peuple, pour le peuple et par le peuple.

En Juillet 2013, suite au coup d’État intervenu en Egypte contre le président élu Mohamed Morsi, le Ministre britannique des Affaires Etrangères a déclaré « Nous ne soutenons pas les interventions militaires dans un système démocratique ». C’est incontestable. Puis il ajoute plus loin  « . . . nous devons comprendre que cette intervention est populaire ». Et de conclure, « Mais nous travaillerons avec les autorités en place en Egypte », en parlant de ceux qui ont perpétré le coup d’État. Beaucoup d’autres grands pays comme l’Allemagne, la France et les États-Unis ont adopté une position similaire.

Lorsqu’elle ne se produit pas pour des intérêts égoïstes, mais qu’elle est la conséquence d’un rejet irréversible d’une grande partie du peuple mobilisé durablement contre une mauvaise gouvernance, alors l’intervention de la force militaire pour déposer un président et son gouvernement décriés, devient populaire. Populaire parce que le peuple la soutient. Populaire parce que l’armée sert le peuple et est son bras. C’est ce que l’on observe.

Cette popularité confère un caractère légitime à cette intrusion des militaires dans la sphère politique. Si l’on qualifie cet événement de coup d’État, alors ne faudra-t-il pas nuancer en lui adjoignant le qualificatif ‘Salutaire’ ?

« Un coup d’État salutaire », voici l’oxymore aussi inconfortable que déplorable auquel nous contraignent des présidents inflexibles qui exercent leur pouvoir contre le peuple.

Au-delà du principe de rejet de changement anticonstitutionnel de régime, des questions de fond, tout aussi de principe, se posent. Parcourons ensemble quelques-unes d’entre elles.

Que faire, lorsqu’un président élu – régulièrement ou non – verrouille toutes les institutions de manière antidémocratique et plonge le pays dans une situation périlleuse par une gouvernance hasardeuse ? Doit-on le laisser méfaire pendant un ou deux mandats, voire des décennies pour certains ?

Que faire, lorsque la Constitution est manipulée dans le seul but de s’éterniser au pouvoir et que les institutions sont neutralisées afin qu’elles ne puissent ni réguler ni s’opposer ? Doit-on subir cette situation sous prétexte que le président aurait été élu, tout du moins pour ceux qui l’auraient été ?

Que faire lorsque les élections sont dépouillées de tout attribut démocratique et ne sont plus que des apparences pour déguiser la confiscation du pouvoir d’État ? Doit-on s’en accommoder ? Se résigner ?

Autant de questions qui renvoient à une autre interrogation qui interpelle les organisations supra-étatiques.

Quand les situations décrites ci-dessus se présentent dans un pays, que doit faire l’institution sous-régionale ? Devrait-elle se taire sous prétexte de non-ingérence dans la politique intérieure de ce pays ou devrait-elle s’auto-saisir, afin d’anticiper convenablement pour éviter une crise majeure qui pourrait porter préjudice à un peuple, voire à d’autres peuples de la sous-région ?

Face aux dérives autocratiques d’un président – élu ou non – la mobilisation reste le seul instrument politique disponible pour le peuple. Lorsque cette mobilisation s’est exprimée de manière continue et massive, le pouvoir devrait en tirer les conséquences et redresser la barre.

Mais lorsque le président s’enferme dans ses dérives et maintient le pays dans une profonde crise qui menace gravement sa stabilité, deux issues se présentent, en désespoir de cause.

Soit l’intervention militaire pour mettre un terme au désordre et à la chienlit, afin de relancer la machine politique. Soit la révolution populaire, plus incertaine avec tous les risques de dérapage que cela fait peser sur le pays et au-delà.

C’est à ces deux mauvaises solutions – sans oser ajouter la lutte armée – que l’entêtement des présidents à gouverner contre le peuple conduit inévitablement les pays. Tout démocrate que l’on puisse être, dans ces conditions exceptionnelles, on est contraint d’accepter l’option du coup « d’État salutaire ». Cette solution peu souhaitable s’impose de fait comme le moindre mal. C’est navrant et c’est déplorable. Mais, c’est ce à quoi l’on est soumis quand un président tourne le dos à son peuple et que l’organe supranational qui regroupe les pays de l’espace communautaire ne joue pas correctement son rôle.

L’ancien président américain John Fitzgerald Kennedy disait, selon cette traduction « A vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes ».

Pour ne pas arriver à ces solutions extrêmes imposées par les circonstances, il est du devoir des institutions sous-régionales d’anticiper, afin de conduire les présidents défaillants au respect des règles démocratiques dans l’organisation et dans le fonctionnement des États. S’il est vrai que l’élection démocratique confère la légitimité aux présidents, il est tout aussi vrai que cette légitimité n’est pas un blanc-seing qui les autorise à présider en dehors des balises démocratiques, contre la Constitution ou contre le peuple.

La démission d’un président est une disposition généralement consacrée par les constitutions. Quand elle est exigée par une grande partie du peuple qui l’exprime durablement et de manière ostensible, c’est aussi une voie que les organisations sous-régionales devraient pouvoir explorer dans leurs missions anticipatives, à défaut de réussir à faire corriger les dérives pendant le mandat.

Indéniablement, quand la rigidité du régime est avérée et que l’organisation sous-régionale est dans la défaillance et la carence, alors le choix inconfortable du moindre mal s’impose.

Une chose est évidente, c’est le peuple qui, par son engagement et sa détermination, peut impulser à l’institution militaire et à l’organisation sous-régionale de jouer chacun leur partition au moment opportun. Au final, le peuple demeure et doit demeurer souverain.

Gamesu

Par Nathaniel Olympio

Président du Parti des Togolais

Publié le 24 Août 2020

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