Les grandes conséquences de la dissolution du RPTLe samedi 14 avril dernier, la famille politique togolaise s’est agrandie, avec un nouveau né. Union pour la République (UNIR), c’est son nom. Ce parti ou plutôt ce conglomérat parti-associations de soutien-courtisans est né sur les cendres du grand Rassemblement du peuple togolais (Rpt), dont le requiem a été chanté. Dans toute cette histoire, ce sont les barons et autres militants zélés qui ne juraient que par le Rpt qui doivent verser des larmes. Mais les conséquences entraînées par cette dissolution dépassent le simple cadre de ce parti. Mieux, c’est un tsunami qu’elle a créé.
 
Ils n’ont vu que du feu
 
Ils étaient nombreux tant à Blitta qu’à Atakpamé à acclamer toutes les phrases égrainées par Faure Gnassingbé, mais dans leur for intérieur, ça ne doit pas sourire. Tout est allé vite, si vite que les barons, qui donnaient jusqu’ici l’impression d’être les plus intelligents de la planète, narguant l’opposition à tout vent, n’ont vu que du feu. Même si son Secrétaire général, Solitoki Esso clame haut et fort n’être « pas triste ni nostalgique » et fait croire que « C’est un acte volontaire qui est venu de la base. Le congrès n’a fait qu’entériner en posant cet acte fondateur… Tout a été fait avec le consentement de tous les barons et décideurs du parti. Il y a eu pendant trois à quatre mois des débats francs et sincères au sein des sections préfectorales et sous-préfectorales de nos structures locales. Ce n’est qu’après ce processus qu’un comité restreint a été mis en place pour réfléchir sur les propositions formulées par la base. Il apparaît clairement que les militants voulaient une réforme profonde du RPT », la pilule doit être très amère à avaler à ces dignitaires qui feignaient les durs à cuire.
 
Ils ne devraient surtout pas en revenir que leur secte, que dis-je, leur parti sacré soit aussi facilement dissous par quelqu’un qui était encore dans ses petites cul… au moment de sa création. Décidément, Faure Gnassingbé est comme un arracheur de dents. Il a blagué tout son monde et assené le coup fatal avant qu’il ne s’en rende compte. C’est peut-être la première application de sa formation reçue chez les « Blancs ». Nos condoléances les plus joyeuses à Solitoki Esso et les siens !
 
Une dissolution qui bouleverse tout
 
Petit fait, grands effets. Cette disparition du Rpt remet tout à plat. Tous les actes qui portent les sceaux de ce parti cher à Eyadéma sont remis en cause. Et justement sur le plan politique, il n’en existe peut-être pas au Togo où on ne retrouve trace de ce parti. Dans l’immédiat, on cite les discussions politiques qui s’inscrivent dans le cadre des réformes constitutionnelles et institutionnelles utiles à l’organisation des prochaines échéances législatives et locales, allusion faite à celles du Cadre permanent de dialogue et de concertation (Cpdc) dit rénové et au dialogue à quatre dans l’impasse depuis un bout de temps. Que ce soit dans l’un ou l’autre cadre, c’est le Rpt qui est dominant et tient le gouvernail des discussions, tant sous le manteau du parti proprement dit que celui du gouvernement. Ce parti n’existant plus officiellement, doit-il toujours être représenté à ces pourparlers ?
 
Parlant du gouvernement, certains observateurs arguent qu’il doit être aussi dissous et recomposé, car c’est sur la base de la domination électorale du Rpt qu’il a été constitué. Et c’est un secret de polichinelle, il est occupé dans une très large majorité par les membres de ce parti.
 
Au registre des compromis politiques, cette disparition remet aussi en cause le fameux accord Rpt-Ufc signé le 27 mai 2010 entre Solitoki Esso et Gilchrist Olympio, qui a scellé son mercato politique et ouvert les portes du gouvernement Houngbo II aux éléments de l’Union des forces de changement. Pour nombre d’observateurs, ce pacte n’a plus sa raison d’être, et par conséquent, les « ministricules » de l’« Opposant charismatique » doivent retrouver leur biotope.
 
Certains analystes remontent même jusqu’en 2006, et nommément à l’Accord politique global (Apg) du 20 août de cette année, qui est devenu depuis lors la bible politique au Togo, la référence en matière de compromis de par son caractère inclusif. Pour ces derniers, cet accord devient caduc avec cette dissolution du Rpt.
 
Jurisprudence Anc
 
Le 29 novembre 2010, neuf (09) députés qui se réclamaient de l’Alliance nationale pour le changement (Anc) créée le 10 octobre 2010, à la suite de divergences avec Gilchrist Olympio, furent exclus de l’Assemblée nationale par arrêt de la Cour constitutionnelle. L’argument massue qui leur fut opposé était qu’ils ne pouvaient plus siéger pour avoir démissionné de l’Ufc, le parti qu’ils représentaient et au nom duquel ils avaient brigué les sièges de députés lors des législatives du 14 octobre 2007. C’est constant qu’une fois élu, le député ne représente plus sa formation politique, mais le peuple. Mais cet argument évoqué par les élus Anc a été balayé du revers de la main par Abass Bonfoh et les siens. Aboudou Assouma qui incarnait la juridiction censée dire le droit en dernier ressort n’a pas non plus entendu raison. Cet obscurantisme a obligé Jean-Pierre Fabre et les siens à saisir les instances internationales. Tour à tour, l’Union interparlementaire et la Cour de Justice de la Cédéao vont dire le droit et appeler l’Etat togolais à réparer les violations des droits des requérants. Mais rien n’y est fait, et jusqu’aujourd’hui, Jean-Pierre Fabre et ses camarades d’infortune ne sont pas réintégrés au Parlement.
 
Du sort des députés Rpt à l’Assemblée nationale
 
C’est sans doute la toute première et grande problématique qui se pose avec ces événements de samedi. Quel sort pour la cinquantaine de députés élus en octobre 2007 et siégeant depuis lors à l’Assemblée nationale au nom du Rpt ? Continueront-ils à siéger ou bien seront-ils exclus ? Ces questions doivent paraître farfelues si on se trouvait sous d’autres cieux, dans un pays respectueux de la démocratie et de l’Etat de droit. Et beaucoup d’observateurs ressortissants étrangers dans notre pays doivent se marrer à ces interrogations. Mais elles sont légitimes au regard de la jurisprudence Anc.
 
Aujourd’hui, c’est Abass Bonfoh et les siens qui se retrouvent dans une situation similaire. Eux, ils n’ont pas démissionné du parti qu’ils représentaient jusqu’ici, mais ce dernier n’existe tout simplement plus. Que ce soit dans l’un ou dans l’autre cas, ils n’ont plus derrière eux le Rpt. Et au regard de la jurisprudence créée avec les députés de l’Anc, les 49 élus Rpt doivent tout simplement être renvoyés aussi de l’hémicycle. Et même s’ils doivent y rester, ils ne peuvent pas créer de groupe parlementaire. D’autant plus qu’à l’époque, il avait été refusé à Jean-Pierre Fabre et les siens d’en créer et de lui donner le nom Anc, au motif qu’ils n’étaient pas élus sous la bannière de ce parti. Soit. Même la proposition de lui donner une autre appellation a reçu une fin de non recevoir. Il leur était tout simplement interdit d’en créer. Ce qui fait que les dix (10) autres élus non renvoyés qui se réclament de l’Anc n’ont pas de groupe.
 
Bon Dieu, ils retrouvent la raison !
 
Se sachant menacés d’être frappés par le même sort, les barons et autres dignitaires du défunt Rpt retrouvent comme par enchantement la raison, et crient à qui veut les entendre qu’ils sont des élus du peuple, et non d’un parti ; et par conséquent, il n’y a pas à se faire du souci sur leur sort. Gêné sûrement par sa conscience, Dama Dramani, le président du Groupe parlementaire Rpt, l’un de ceux qui avaient soutenu les misères faites à leurs collègues de l’Anc, ou du moins s’étaient tus sur ces violations, s’est braqué lorsque la question lui fut posée par nos confrères de la Radio Légende. « Comment tu peux me poser cette question sur mon avenir politique !? Je suis député et je reste député », a-t-il pesté, avant d’arguer : « Les députés sont les élus de la Nation et non d’un parti politique. Je suis un député du peuple… ». C’est le monde à l’envers, dites-vous ? Comme si c’était une épidémie, Solitoki Esso déclare, dans une interview à republicoftogo : « Le fait pour un parti de ne plus exister ne supprime pas le mandat du député ; ils sont des élus de la Nation, ils demeurent à leur poste. Pour l’instant, ils sont non inscrits. Ils vont s’organiser pour rejoindre un groupe par affinité et pour lui trouver un nom ».
 
Que le monde est petit ! Ces messieurs sont tout simplement rattrapés par leur passé. Ils n’ont sans doute pas pensé un seul instant à l’époque que leurs faits et gestes pourraient se retourner contre eux. On dira que les féticheurs sont tombés dans leurs propres fétiches. Avec ces gens, il faut s’attendre à tout. Ils finiront peut-être par trouver une pirouette juridique pour s’en sortir, mais il faut l’avouer, ça doit être actuellement la panique dans les rangs des députés Rpt . Comme quoi, la vie c’est comme une cour de tennis où, lorsque tu lances la balle en l’air ou contre le mur, elle te revient toujours à la figure. Jean de La Fontaine serait encore en vie qu’il ferait de la situation des députés Rpt une fable de plus.
 
Tino Kossi
 
liberte-togo.com
 

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