De tout le règne d’Eyadéma, Gilchrist Olympio était présenté comme la source de tous les malheurs du Togo. Au lieu de s’employer à découvrir les véritables problèmes et à les satisfaire, toutes les énergies étaient dirigées sur l’« Opposant historique » qui, à longueur de journée et sur la Télévision nationale, était traité comme le diable incarné. Aujourd’hui, l’homme est apprivoisé, et c’est désormais l’ancien ministre de l’Intérieur, Me François Boko, que Faure Gnassingbé voit partout. Tout porte à croire que cette attitude consistant à laisser de côté la proie pour s’attaquer à l’ombre est un réflexe familial et Faure Gnassingbé l’a aussi héritée de son géniteur, en plus du fauteuil. Le branle-bas des suppôts et autres griots de son régime autour des motivations des manifestations du Collectif « Sauvons le Togo » et de ses vrais « stratèges » est assez illustratif.
 
Le Collectif « Sauvons le Togo » n’est pas une organisation secrète et ne diffuse pas ses idéaux à l’aide de tracts. Il existe bel et bien, ses leaders sont identifiables et ses exigences rendues publiques le 4 juin dernier à travers un document de 70 pages intitulé « plateforme citoyenne pour un Togo démocratique ». Dans ce document, le CST fait le diagnostic des problèmes du Togo qui sautent d’ailleurs à l’œil, et pose des revendications. Non respect de l’Etat de droit et du verdict des urnes, violations intempestives des droits de l’Homme, mal gouvernance, accaparement des ressources du pays par une minorité laissant la grande partie du peuple dans la misère…le tableau n’est pas rose. Et en organisation responsable, qui veut véritablement participer à la résolution de la crise, le Collectif a assorti ce diagnostic de propositions bien libellées. Il suggère par exemple une « feuille de route consensuelle, devant être mise en œuvre, afin de mener à bien les réformes et organiser des élections transparentes, équitables, en vue de l’encrage de l’Etat de droit ». Dans l’immédiat, s’agissant des prochaines élections législatives et locales, Me Zeus Ajavon et les siens, pragmatiques, proposent leur report pour une organisation efficiente, ce qui passe par le retrait des deux lois scélérates sur le Code électoral et le découpage. Le Collectif réclame également l’application des recommandations de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) et de la Commission nationale des droits de l’Homme (Cndh), le retour à la Constitution de 1992 votée par le peuple tout entier, entre autres.
 
Les problèmes relevés sont bien réels et les revendications fondées. En tout cas ces exigences ne sont nullement nuisibles et leur satisfaction ne participerait qu’à l’avènement d’un Togo meilleur pour tous. Mais voilà, au lieu de s’employer à y trouver des solutions justes en exploitant les pistes évoquées, le régime Faure Gnassingbé laisse la proie pour l’ombre, s’entiche de l’accessoire aux dépens de l’essentiel. Ce sont ses « grandes gueules » qui ont inauguré la dynamique, en consacrant tout leur temps à reprocher aux acteurs de la société civile de s’être alliés aux politiques pour poser des revendications. C’est ce que Pascal Bodjona et Charles Kondi Agba se sont employés à faire le week-end du 22 au 24 juin derniers. Après les ministres du pouvoir, ce sont les caisses de résonance et autres griots de Faure Gnassingbé dans la presse qui ont pris le relais.
 



 
Entre-temps, c’est Toyi Gnassingbé, le frère jumeau de Kpatcha incarcéré depuis avril 2009 dans une fable de coup d’Etat, qui est cité comme le bailleur de fonds du Collectif, qui finance donc ses activités. Qu’il parle ou non, François Boko est toujours mêlé à tout ce qui s’inscrit dans la contestation de la gouvernance de Faure Gnassingbé, à cause de sa décision en avril 2005 de se dissocier du mal, et aujourd’hui c’est lui qui est présenté comme le stratège du Collectif « Sauvons le Togo ». On trouve Jean-Pierre Fabre et Agbeyome Kodjo moins fourbis – ils sont présentés comme les vrais inspirateurs de ce collectif, et Me Zeus Ajavon, Raphaël Kpande-Adzare et Jil-Benoît Afangbedji juste comme des pions mis devant pour tromper la vigilance des Togolais et brouiller les pistes – et c’est l’ancien ministre de l’Intérieur qui est peint comme le cerveau du Collectif. Tous les plans d’actions, c’est lui qui les définirait, croient dur comme fer les suppôts du régime. Dans leur effort de trouver la petite bête, le pou sur le crane rasé, Yark Damehane, le patron de la Gendarmerie est aussi cité comme de mèche avec le CST. Il lui est trouvé une certaine sympathie à Me Zeus Ajavon et les siens, pour n’être plus chaud à réprimer violemment les manifestants. Il faut le constater, l’homme s’assagit aujourd’hui lorsqu’il s’agit de réprimer, et tous ceux qui l’ont joint dans le cas des dernières manifestations se sont entendu dire qu’il n’a pas donné d’ordre pour ce faire. Les consignes ont été donc données par d’autres personnes, et il est facile de les identifier –suivez les regards.
 
Pour le cas particulier de François Boko, il urge de préciser qu’au-delà de cette logique de trouver la petite bête au CST, ses détracteurs cherchent juste à lui créer des ennuis auprès de l’Union européenne, pour qui il est actuellement en mission au Cameroun, dans le cadre du programme de modernisation de la Justice de ce pays. Et pour ces genres de missions, il est souvent requis le devoir de réserve. L’argument idéal qu’avancerait le pouvoir de Lomé serait qu’il mène des actions subversives dans son pays depuis le Cameroun, et ainsi des pressions seraient faites autant sur Bruxelles que sur Douala afin que son contrat ne soit plus renouvelé par l’UE ou qu’il soit extradé en s’inspirant du cas de Lida Kouassi enlevé et remis aux autorités ivoiriennes.
 
Déjà, l’ancien ministre de l’Intérieur avait failli être l’objet d’un marchandage entre Lomé et Ndjamena lors d’une mission au Tchad. De même, sa sécurité avait été sérieusement menacée au cours de son séjour béninois. Certains de ses proches avaient été enlevés à l’époque à la frontière de Sanvee Kondji et ses biens qu’ils ramenaient, saisis avant d’être restitués plus tard. Bref, des histoires de toutes pièces avaient été montées pour salir l’image de l’avocat au Barreau de Paris.
 
Faure Gnassingbé ne gagnerait-il pas à satisfaire les revendications légitimes du Collectif plutôt que de laisser ses disciples chercher la petite bête ? Le CST ne lui demande pas de lui apporter sur un plateau les couilles de Lucifer, ses exigences ne sont pas de la mer à boire. Il suffit d’avoir la volonté de les satisfaire !
 
T. K.
 
source : liberte-togo.com

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