Par Comlan ABOKI

Monsieur le Président

Alors que notre pays a connu un taux de croissance moyen du PIB réel de 8% soit 5, 3% par tête d’habitant pendant les dix premières années de l’indépendance, le régime RPT, l’a fait sombrer dans un marasme économique et social largement imputable à une gouvernance aléatoire. En 35 ans, il a engendré un pays déchiré par les tensions politiques et affaibli par la pauvreté .
En 2004, face à l’incertitude de la vie intérieure, le Président EYADEMA, dans un sursaut de lucidité tardive, voulut amorcer le retour à une « Nouvelle Marche » mais sa disparition subite n’a pas permis de donner corps à cette ultime donne politique

Monsieur le Président,

Votre irruption sanglante dans la vie politique togolaise en 2005, sur fond de dissension familiale et ethnique témoigne d’une crise de maturité politique et morale incompatible avec les valeurs qui ont forgé l’émancipation politique de notre pays : patriotisme, culte du mérite , respect de soi et de la vie, solidarité.

Par votre geste de démesure à l’Assemblée nationale ,vous avez irrémédiablement scellé votre illégitimité au regard de la loi fondamentale de notre pays( art. 148 et 150 alinéa 3 de notre constitution). Vous vous êtes disqualifié au regard de la loi pour avoir choisi de conquérir(sic) le pouvoir, non par l’élégance des urnes, mais par la force des armes en guise de pied-de-nez à notre intelligence collective.

Dans une nation fragile, seul le respect de la Loi fondamentale rassemble et protège au-delà des différences politiques et sociales. Nul par « excès d’honneur et d’indignité », ne saurait prendre conseil de ses propres faiblesses pour remettre en cause la sécurité des citoyens. En temps de paix, la violence est souvent décryptée comme l’expression des blessures cachées de l’âme de leurs auteurs. Elle n’a aucune justification politique. En 2005 aucune menace ne pesait sur votre personne. Vous étiez l’un des grands bénéficiaires par filiation des 35 ans de règne du régime RPT.

Monsieur le Président,

Le compromis politique du 20 Août 2006, conclu sous l’égide de la communauté internationale devait exorciser notre passé douloureux de violence, il devait ouvrir la voie à la réconciliation nationale. Il faut lire le rapport de la « Commission Nationale Spéciale d’Enquête Indépendante (CNSEI) présidée par Maitre Joseph Kokou KOFFIGH pour mesurer le degré de haine qui sous-tendait la relation bourreaux-victimes.

Vu la nature odieuse des crimes, l’APG est un compromis patriotique, c’est, au second degré, un Pacte sanglé d’un ruban Rouge et Noir, avec toutes les forces visibles et invisibles pour un « Togo » apaisé.
De façon plus prosaïque, l’APG avait permis à notre pays de retrouver la confiance de la communauté internationale et de bénéficier de conditions financières exceptionnelles pour reconstruire l’économie : près de 358 milliards de FCFA d’aide internationale, 88% de remise de dette extérieure.

Mais dès 2006, vous avez ouvert un nouveau cycle de dilapidation des ressources avec un emprunt obligataire de 38 milliards de FCFA vite partis en fumée, autorisé, pour les réformes des régies financières des prélèvements de 1,5% sur toutes les ressources fiscales y compris celles de la coopération internationale dont les destinations furent douteuses, contraires à l’intérêt national.
Vous avez choisi d’ignorer l’articulation qui devrait exister entre les réformes économiques et financières d’une part, les réformes politiques et la qualité de la gouvernance administrative d’autre part. L’esprit tribaliste et clanique du RPT a réduit la portée des réformes. La liste est longue des prévaricateurs et concussionnaires qui ont mis à mal les ressources de notre pays.

Depuis 15 ans, en dehors des infrastructures pour lesquelles nous vous félicitons mais dont l’empreinte concussionnaire alimente les prétentions de grandeur de vos protégés de la « néo-gentry » togolaise, mafieuse, votre régime peine à transformer l’ économie dont le taux de croissance moyen tutoie les 4,70% soit 2% par tête d’habitant,

A ce bilan peu élogieux, n’échappera pas non plus le PND (2018-2022) que vous sabotez par des déclarations surprenantes à l’étranger et par une restriction de plus en plus agressive des libertés publiques. Quel investisseur étranger sérieux viendrait mettre de l’argent dans un pays où le risque politique défie son portefeuille ? Au Togo ce risque est structurel. A preuve, avec 2,5 % du PIB en 2006, 5,2% des investissements bruts( FBCF) en 2015 et 1% en 2017, les investissements directs étrangers « Greenfields » ne se bousculent pas sous votre régime, loin des 33 % requis en la matière.

Dans un tel contexte, vous aurez du mal à mobiliser les 65% du montant du financement de ce plan porté par une vision bâclée, truffé de contre-vérités en matière de gouvernance politique et institutionnelle.

Monsieur le Président,

Vous entretenez la confusion sur les crimes économiques de ces quinze dernières années dont les incendies des marchés de Kara et de Lomé. Que penser de ceux qui brûlent notre maison commune et les biens d’autrui ! Le marché de Lomé, ce n’est pas seulement un lieu d’échange. C’est aussi un lieu de mémoire pour certains d’entre nous. C’est l’avant cour de la Cathédrale, la Maison de Dieu où furent formées bon nombre d’élites de notre pays. Sous chaque pierre, derrière chaque arbre, il y a l’épaisseur de la vie des hommes et des femmes qui vivent toujours dans nos cœurs.
Vous tergiversez sur les réformes politiques et favorisez , au détriment de l’Etat de droit et des valeurs démocratiques, un climat d’intolérance et de violence qui menace la paix et la cohésion nationales.

Le développement d’une Nation, c’est la quête collective d’un Graal, celui de « l’HOMME TOTAL» dans sa complexité physique et spirituelle qui se construit de façon continue, régulière et convergente d’étape en étape entre élévation du bien- être matériel d’une part, changements politiques, culturels et sociaux d’autre part. Il a une sainte horreur du fétichisme intellectuel et politique.

Aujourd’hui, au regard de votre manque de respect de la parole donnée en 2005, je vous cite :
« je demande pardon avec le sourire » des défis historiques et structurels auxquels notre pays est confronté, vous n’avez ni l’ascendant moral ni la légitimité pour présider aux destinées de notre maison commune». Surtout ne vous trompez pas sur la fidélité des gens qui vous entourent. Que n’avons-nous pas entendu sur vous dès les premiers moments de votre avènement au pouvoir ? Vous, le neveu(sic) des gens du Sud, êtes devenu par fréquentable par calcul et par peur depuis que vous avez jeté votre demi-frère en prison. La grandeur d’un homme ne se trouve pas dans le regard intéressé d’autrui mais dans sa capacité à séjourner auprès de ses propres faiblesses et à bâtir sa vie en se conformant aux valeurs morales requises pour la paix de la Cité des hommes.

Il est donc temps de proclamer la fin de votre aventure personnelle à la tête de notre pays et de renoncer à votre candidature aux élections présidentielles de 2020. Cent ans après le partage définitif de notre pays, nous entrons dans un nouveau cycle qui ne saurait hériter nos tares du passé. Des maintenant, nous avons l’ardente obligation de créer les conditions les meilleures à l’épanouissement de la 5è génération qui s’annonce en 2020.

Monsieur le Président,

En toute chose, il faut savoir raison garder. En cas de doute, « Apprenons, dit le Sage, à lire dans les yeux de nos enfants la vérité sur nous-mêmes ». Leur amour ne ment jamais.
Il est temps de rompre avec cette fâcheuse tradition qui tend à légitimer l’idée selon laquelle nos frères et nos sœurs du RPT/UNIR se sous -estiment face au reste du pays et qu’ils n’aient pour seul mérite que cette capacité légendaire à emprunter les voies obscures des gains faciles, du clientélisme, de la fraude électorale et de la violence.

Il est temps de mettre fin au traumatisme national de 2005 avec près de 500 morts selon l’ONU, 157 selon la Commission Nationale Spéciale d’Enquête Indépendante( CNSEI). Nos compatriotes sont prêts au « grand pardon »dans un élan de patriotisme et d’amour fraternel.

Il est temps de libérer tous les prisonniers politiques et d’ouvrir la voie aux vraies réformes politiques consensuelles attendues depuis quinze ans.
Il y va de la cohésion nationale et de la paix.
Respectueusement

Comlan ABOKI
« Auctoritas Vetustatis »